"Une femme fuyant l'annonce" de David Grossman (אשה בורחת מבשורה) (Icha boharat mibsora)

 

Une femme fuyant l'annonce (אשה בורחת מבשורה) (Icha boharat mibsora)
Auteur : David Grossman
Traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen
Éditions : Seuil (18 Août 2008)
ISBN : 9782021004625
672 pages

Quatrième de couverture

Ora, une femme séparée depuis peu d’Ilan, son mari, quitte son foyer de Jérusalem et fuit la nouvelle inéluctable que lui dicte son instinct maternel : la mort de son second fils, Ofer, qui, sur le point de terminer son service militaire, s’est porté volontaire pour « une opération d'envergure » de 28 jours dans une ville palestinienne, nouvelle que lui apporteraient l’officier et les soldats affectés à cette terrible tâche. Mais s’il faut une personne pour délivrer un message, il en faut une pour le recevoir, pense Ora. Tant que les messagers de la mort ne la trouvent pas, son fils sera sauf. Aussi décide-telle, sans aucune logique, pour conjurer le sort, de s’absenter durant ces 28 jours en se coupant de tout moyen de communication qui pourrait lui apporter la terrible nouvelle. Ayant prévu une randonnée à travers le pays avec Ofer, elle part malgré tout. Au passage, elle arrache à sa torpeur Avram, son amour de jeunesse (le père d’Ofer ?) et l’emmène avec elle sur les routes de Galilée pour lui raconter leur fils.

Mon avis

Je suis mère, mère jusqu’au bout des ongles, mère jusqu’au bout du cœur, mère dans chaque fibre de mon être… Si je savais mon fils en danger, je serai prête à tout, à faire un accord avec le diable, à marcher jusqu’au bout du monde, à donner ma vie sans concession….

Ce cri d’amour, c’est le mien.

Dans « Une femme fuyant l’annonce », c’est celui d’Ora, son cheminement, son pacte (qu’elle sait stupide) pour protéger son fils, que l’on entend, que l’on lit, qui nous transperce, nous hante …

Elle explique sa fuite….. Si elle ne parle pas, si personne n’arrive à la joindre, si on ne la retrouve pas… aucune mauvaise nouvelle ne pourra l’atteindre pense t’elle…

Lui, c’est Ofer, le fils. Il a pris l’initiative de retourner dans l’armée, vivant la mission à laquelle il va se consacrer comme « une aubaine ».

Il dit : « Si je suis tué, partez. Fichez le camp, il n’y a rien de bon à attendre ici. »

Elle entreprend, avec son amour de jeunesse, la randonnée qu’elle aurait dû faire avec son fils.

On les suit, oscillant entre passé (à travers les retours en arrière) et présent, avançant avec les difficultés inhérentes à un couple qui a du mal à se parler, se comprendre, se toucher aussi parfois ….

Elle voudrait oublier la guerre, les conflits mais …

«Elle gémit, se prend la tête dans les mains et serre fort, maudissant du fond du cœur cette guerre interminable qui, une fois de plus, a réussi à se frayer un chemin vers son âme. »

Cette marche est-elle un adieu à son pays, à son fils ?

Son amant lui parle de ses souffrances, de ce qu’il a vécu… Elle, elle raconte Ofer, elle le fait vivre, exister sous leurs yeux, elle le maintient en vie….

Ce n’est pas seulement dans les paroles d’Ora, d’Avram que l’on découvre la blessure d’un pays, d’un peuple, des peuples, des hommes, c’est aussi dans les silences, entre les lignes, dans les mots chuchotés, murmurés, par l’auteur, dans tout ce qui se sent mais ne se voit pas ….

L’écriture et le style de David Grossman sont aériens et profonds à la fois (et ce n’est pas, à mon sens, contradictoire). Aériens car les mots peuvent se montrer légers, poétiques même pour évoquer des événements, des réalités graves … Profonds car sous des aspects parfois confus (les pensées d’Ora sont quelquefois désordonnées car elle a peur, et s’affole sans vouloir le montrer), ce qui est écrit (et encore plus ce qui se devine entre les lignes) ne laissera personne indifférent ….

 Ce cri d’amour d’Ora est, je crois, le cri d’amour d’un écrivain pour la Paix…..


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