"Le maître américain" de Fabrizio Gatti (Educazione americana)

 

Le maître américain (Educazione americana)
Le roman qu’aucun agent de la CIA n’a jamais pu écrire
Auteur : Fabrizio Gatti
Traduit de l’italien par Jean-Luc Defromont
Éditions : Liana Levi (7 Octobre 2021)
ISBN : 979-1034904655
464 pages

Quatrième de couverture

Simone Pace a choisi de confier ses secrets à Fabrizio Gatti, lors de rendez-vous dans la basilique de San Pietro in Vincoli, à Rome. Son récit, il le déverse aux pieds du Moïse de Michel-Ange. Pourtant cet ancien policier recruté par la CIA se soucie peu de la Loi divine. Sa loi est celle que lui a dictée son maître américain : œuvrer pour influencer les démocraties européennes. Si, à un seul moment de leur vie, ils avaient emprunté une voie différente, le monde ne serait sans doute pas tel que nous le connaissons.

Mon avis

Magistral !

« Le monde des fantômes ne devrait jamais révéler ses secrets à l’inframonde de ceux qui ne se doutent de rien. »

Fabrizio Gatti est un journaliste très connu en Italie. Il s’infiltre ça et là pour mettre au jour des magouilles ou des fonctionnements qui lui posent question (son livre « Bilal » raconte comment il s’est glissé dans la peau d’un immigré clandestin). Il est honnête dans ce qu’il écrit, quitte à déranger. Il sait que la corruption est importante dans son pays mais il ne veut pas se taire.

Est-ce pour ça que Simone Pace l’a choisi pour se confier ? Peu importe, puisqu’il a accepté et de ce fait a écrit un « roman document d’une histoire vraie ». Est-ce que tout est réel, est-ce que tout est inventé ? Ce livre est classé dans la collection « Document » de l’éditeur, à vous de voir…

« Sans connaître le passé, vous ne pourriez pas décoder le présent. »

Est-ce que rien n’arrive au hasard dans le monde politique, chez nos nombreux gouvernants ? C’est ce que tend à démontrer ce recueil. Fabrizio Gatti a l’habitude de prendre des risques, de ne pas baisser les yeux, d’oser. Alors quand il est contacté par un homme, apparemment ancien agent de la CIA, qui a besoin de vider son sac, il saisit son carnet et son stylo et va au rendez-vous. Au fil des entretiens avec Simone Pace, il a pris la mesure de « tout ça » : les collaborations secrètes (entre autres avec la Cosa Nostra), les meurtres (comme celui de Gerald Bull en 1990), les trafics d’influence, les actes ratés qui influent le cours de l’histoire… Pace se raconte (sur une trentaine d’années de sa vie, depuis l’âge de vingt ans quand il a été « recruté » jusqu’à la cinquantaine). Gatti interroge de temps à autre mais il analyse et recherche entre deux rencontres et ses questions sont pertinentes, pointues, obligeant Simone à aller plus loin et même, quelques fois, à réaliser ce qui lui avait échappé.

Membre du réseau clandestin qu’utilise la CIA en Europe pour les « basses besognes », Simone n’a jamais fréquenté les hauts placés de l’agence. Il a toujours été en lien avec des « contrôleurs » qui servaient d’intermédiaires. De cette façon, il « n’existait pas », impossible de remonter à la source.
Une vie cachée, une vie à se cacher tout en se fondant dans la masse le plus anonymement possible. Son mariage y-a-t-il résisté ? Sa femme a-t-elle supporté ses absences plus ou moins justifiées, expliquées ? Difficile d’avoir deux vies, encore plus trois ou quatre….

Simone Pace explique. A chaque mission, refouler les souvenirs, faire du tri, oublier et passer à autre chose, ne pas vivre dans la peur, sentir l’adrénaline monter mais se dominer, rester impassible, être vigilant en permanence, travailler les réflexes qui permettent de savoir si on est suivi… etc…

Ce récit est passionnant, écrit (merci au traducteur) avec beaucoup d’intelligence. On pourrait imaginer que lire une suite d’événements va être barbant mais il n’en est rien, on revisite une actualité dont on a entendu parler, on la déchiffre sous un autre angle et ça fait froid dans le dos. Est-ce que les hommes politiques sont intouchables, est-ce qu’on est sans cesse manipulé, est-ce que l’information est détournée, modifiée, pour coller à ce que décident les têtes soient disant pensantes ? Est-ce que ce serait mieux si d’autres choix avaient été faits ? A-t-on les réponses ? Et surtout veut-on les connaître ?

J’ai lu cet opus d’une traite, retenant mon souffle, me glissant dans la peau de l’un, de l’autre, visualisant des scènes, essayant d’anticiper la suite… C’est un texte riche, abondant, fourmillant de renseignements, d’anecdotes. C’est captivant, intéressant et quelque part un peu déstabilisant … car la question : est-ce que tout est vrai ? vous hante lorsque vous tournez la dernière page….


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