"Meurtre à l'heure de pointe" de Dan Turèll (Mord i Myldretiden)

Meurtre à l'heure de pointe (Mord i Myldretiden)
Auteur : Dan Turèll
Traduit du danois par Orlando de Rudder et Nils Ahl
Éditions de l’Aube (Novembre 2012) (Première édition en 1985)
ISBN : 9782815906678
228 pages

Quatrième de couverture

Notre héros journaliste se promène dans Copenhague quand il tombe sur son ancien groupe de jazz, toujours mené par Carsten, le guitariste. Ce dernier s'effondre soudain sous ses yeux et l'autopsie révèle qu'il ne s'agit pas d'une overdose mais d'un empoisonnement... Pour trouver l'assassin de son ami, il évolue sans complexes dans les quartiers les plus mal famés de la capitale danoise, épaulé par le commissaire Ehlers, son acolyte dévoué, Kaspersen, et Bang, un médecin légiste pour le moins cynique, sans oublier Franck, bassiste du groupe et mentor de Carsten. Un humour grinçant sur fond de blues sombre et mélancolique qui accompagne ses personnages tout au long de leur passionnante enquête.

Mon avis

Live is life….

C’est aux sons de musiques « jazzy » (parfois folk, blues ou country) délicieusement surannées que j’ai lu ce roman. Il n’y a pas, officiellement, de play list associée à ce livre mais c’est tout comme, tant la musique est omniprésente, imprégnant le texte à tel point qu’à chaque titre mentionné, vous vous jetez sur internet pour écouter le morceau. Cela rajoute une atmosphère très particulière car les mélodies, le plus souvent, sont mélancoliques et vous mettent du vague à l’âme. Pour certaines, on entend même le diamant crisser sur le vinyle… Cela ne nous rajeunit pas…. D’ailleurs l’intrigue se déroule en 1985, alors ordinateur, téléphone portable, internet et tests ADN ne font pas partie du quotidien.

Le journaliste, personnage principal, dont nous savons qu’il a une compagne et un fils (dont il cherche le prénom vu qu’il a trois mois pour se décider), tape sur une machine à écrire et appelle d’une cabine, d’un bar ou de son fixe. On ne connaît pas son identité précise mais on sait qu’il a une maîtrise de criminalité ; qu’il aime son indépendance (pas pressé de rencontrer son futur beau-père ;-), le jazz (il a joué dans un orchestre), la bière, les quartiers loin du centre classique et que son métier de chroniqueur « free lance » lui colle à la peau.

C’est donc l’été, il fait chaud, très chaud, compagne et enfant sont absents quelques jours et Monsieur est resté en ville pour le travail. Il se promène « J’étais l’un de ces indolents flâneurs… » dans les coins un peu en marge du centre ville, là où l’animation est plus spontanée, là où l’on trouve de tout, même ce qu’il est préférable d’éviter (drogue, prostitution) mais il n’y touche pas…. Mélomane, il entend un air qu’il connaît bien, il s’approche et se trouve face à son ancien groupe, ceux avec qui il a joué avant de prendre une autre direction… Il fait une pause pour écouter, discuter et soudain, le drame, Friis Carsten, le guitariste s’effondre, victime supposée d’une overdose. Est-ce le fait d’avoir du temps, le retour du passé accompagné d’une forme de nostalgie, l’amitié qui l’a uni à Carsten, ou une autre raison, notre homme va se lancer dans une enquête serrée car il a des doutes sur la mort de Friis. Aidé d’un commissaire, Ehlers, d’un médecin légiste, il va avancer dans sa quête, doucement, à la cadence de la musique qui rythme ses rencontres.

L’écriture, teintée d’un humour de bon aloi « Que ferais-je sans mon petit amour de téléphone qui arrêtait net mes cauchemars pour me plonger, par pure philanthropie, dans l’univers effrayant de ceux des autres ? » m’a beaucoup plu. L’auteur pose les faits, les décors mais chaque passage retranscrit également une atmosphère ; éminemment harmonieuse tant par les mélodies citées, que par les extraits de poèmes placés ça et là mais aussi par l’écriture elle-même, très originale : un peu comme si l’auteur voulait faire celui qui n’a pas « travaillé » sa syntaxe alors que c’est tout le contraire, elle est raffinée « Cet espoir que les fait attendre quelque chose qui n’adviendra jamais, tandis qu’elles se contentent de ce qu’on trouve sur le marché : l’homme. ». Les chapitres s’enchaînent, on suit le narrateur dans ces questionnements, ses recherches, ses rapports aux autres, ses visites dans différents lieux…Ce n’est ni lent ni rapide, ça avance sans qu’on ressente une quelconque lassitude. On peut regretter que la fin arrive un peu trop « facilement », et que l’affaire soit ainsi réglée assez vite mais dans les chapitres précédents, Dan Turèll a pris soin de nous égarer, de nous « promener », nous lançant sur de fausses pistes alors on lui pardonne…

La musique jusqu’au bout…en guise d’épilogue, une coda de trois pages ….

Lire ce roman a été pour moi du pur bonheur tant je l’ai apprécié. Je n’ai qu’une hâte : retrouver cet auteur…et un regret : savoir qu’il est décédé…..

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