"Le feu du milieu" de Touhfat Mouhtare

 

Le feu du milieu
Auteur : Touhfat Mouhtare
Éditions : Le Bruit du monde (18 Août 2022)
ISBN : 978-2-493206-26-8
353 pages

Quatrième de couverture

Les Comores : un lieu, une histoire, des contes, des spiritualités... Un jour, Gaillard rencontre Halima, jeune fille bien née qui tente d'échapper à un mariage forcé. Elles deviennent amies, au point que la fiancée confie à Gaillard un petit objet magique qu'elle devra précieusement conserver sans jamais le montrer à personne - après quoi, Halima rentre se soumettre à la volonté paternelle. Dix ans plus tard, les destins des deux jeunes femmes se recroisent.

Mon avis

Le savoir de l’invisible

Lorsque j’ai commencé ce roman, je ne savais pas à quoi m’attendre. Il se situe aux Comores et on y retrouve Gaillard une jeune servante. Elle apprend les secrets du Coran avec « son maître » et passe du temps avec sa mère adoptive qui lui raconte des légendes, ancrées depuis des générations dans leur vie. Elle obéit, elle va chercher du bois, elle est docile mais on sent que parfois, le feu couve en elle. A-t-elle envie de s’émanciper, de goûter à une certaine forme de liberté ? Pense-t-elle que c’est du domaine du possible ou seulement dans ses rêves ?

Au hasard d’une rencontre, elle est en présence d’Halima, une jeune fille qui semble avoir son âge mais qui n’est pas du tout du même milieu. Elle est du côté des riches et elles n’ont pas le droit de se parler, de se fréquenter, de se voir. Pourtant Halima transgresse ces lois et elles tissent des liens toutes les deux malgré le danger auquel elles s’exposent. Halima voudrait fuir un mariage imposé. Finalement, aucune des deux n’est vraiment épanouie dans ce qu’elle vit, dans ce qu’on lui impose. Pourquoi ? Faut-il explorer d’autres espaces lieux et temps pour mieux se comprendre, pour se découvrir et savoir qui on est ? Et est-ce que, lorsque ce chemin est accompli, on vit le présent en toute sérénité ? Pourquoi cherchons-nous en permanence à être aimé, accepté ? Ce sont des questions qui hantent Halima et Gaillard, même si elles n’en sont pas conscientes.

« Le monde n’est jamais prêt à ce qu’on le remette en cause. Un jour, tes mots franchiront la barrière de ces murs. Quand, toi, tu seras prête. »

Les deux jeunes femmes vont explorer, se projeter ailleurs, volontairement ou non et c’est à partir de là que le récit oscille entre rêves et réalité, emportant le lecteur dans des contrées inexplorées. Il faut alors rester attentif pour ne pas se perdre en route. Ce que nous apprend et nous apporte ces escapades est loin d’être anodin. Il y a une réelle réflexion humaniste sur la société, les relations hommes / femmes, le respect, le partage du savoir, du pouvoir, la place de chacun suivant le monde, l’époque où l’on vit. On s’aperçoit alors que ce sont toutes les histoires tissées depuis des générations qui nous construisent, nous font exister ici et maintenant. Rien n’est vraiment le fruit du hasard et pour chacun le poids du passé, les expériences, les si et les peut-être permettent d’avoir des personnes uniques qui prennent leur destin en main. C’est ce qu’Halima et Gaillard décident de faire quelles que soient les difficultés qu’elles rencontreront.

Il y a des pays où il est plus difficile d’être une femme, ce récit nous le rappelle. Il faut alors cerner le fonctionnement des relations humaines du peuple où l’on vit. Ces portraits de femmes de caractère sont portés par une écriture envoûtante et fluide, un style quelques fois mystique mais qui donne malgré tout un ensemble harmonieux.

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