Tant qu’il y a de l’amour
Auteur : Sandrine Cohen
Éditions : du Caïman (6 Septembre 2022)
ISBN : 978-2919066957
560 pages
Quatrième de couverture
Suzanne vit avec ses quatre enfants de quatre
pères différents, Achille, Jules, Arthur et Mathilde qui ont entre 17 et 6 ans.
Ils partagent un quotidien tendre et fantasque, à l’image de leur mère. Liés
par un amour indéfectible, ils ont surmonté toutes les épreuves, jusqu’à ce
jour de novembre 2015 où tout s’écroule.
Mon avis
Et s’il n’y a plus d’amour, il n’y a plus
rien.
Suzanne est une rescapée, elle est sans cesse
sur le fil mais vaille que vaille, elle continue la route. Pas facile, car
c’est une dépendante affective, elle aime, trop, mal, mais elle aime. Ses
enfants, les hommes… Dans chaque histoire d’amour, elle investit tout son
espoir mais elle oublie que parfois, il y a l’espoir de trop, celui qui détruit
et empêche d’avancer. Quatre gosses, quatre pères différents, aux abonnés
absents ou presque, eux aussi sont maladroits, ou dangereux, c’est selon. Alors,
elle se tient loin d’eux, elle protège sa couvée comme elle peut.
Sa relation aux autres la bouffe, surtout
quand elle est amoureuse. Attendre un sms, un appel, une visite, surveiller les
réseaux sociaux jusqu’à ce que celui qu’elle a élu se manifeste. Dans ces
périodes-là, les enfants sont de trop, c’est comme s’ils l’étouffaient, elle
irait jusqu’à les haïr. Son humeur fluctue. Alors, Achille, son aîné, dix-sept
ans, mais une maturité et un recul de celui qui a tout compris, prend le
relais. Il cuisine, s’occupe des autres : Arthur, Jules et la petite Mathilde.
Il est sur tous les fronts, veillant même sur sa mère. Avec ses frères et sa
sœur, ils font bloc, quatre mousquetaires et un double rôle pour la petite
dernière qui est aussi une Milady.
Suzanne vit tout très, trop sans doute, fort.
Elle a si souvent été brisée, déçue, elle a déjà tant souffert alors c’est
peut-être pour ça qu’elle embrasse la vie à pleines dents, violemment, sans se
contenir, pour profiter. Pourtant, elle est toujours sur le qui-vive, en
alerte, pour échapper à une forme de malédiction. Elle voudrait donner le
meilleur de toutes ses forces, mais de temps à autre, elle n’a plus d’énergie
et reste dans le canapé.
« C’est peut-être ça aussi qui fait
peur aux gens, aux hommes, cette intensité, cette nature sauvage,
Suzanne. »
Comment mettre un semblant d’équilibre dans
cette famille ? Que faire, qui peut intervenir et sous quels
prétextes ? Les jeunes vont à l’école, la mère travaille au supermarché du
coin où ses absences sont acceptées, comprises par le chef alors en apparence,
ça roule, non ?
Mais Suzanne a besoin de stabilité et le
terrorisme va frapper. En Novembre 2015, c’est l’attentat du Bataclan et chez
la jeune femme, la télévision se met à tourner en boucle. Face aux informations
relayées, elle a peur, elle tremble pour ses petits, comment les
protéger ? Elle se sent impuissante face à l’horreur, pourquoi de tels
actes ?
« Comprendre n’est pas accepter,
expliquer n’est pas excuser, c’est penser plus loin. »
Va-t-elle garder le cap, perdre pied ?
S’effondrer, se relever ? Je l’ai imaginée cette mère courage, parfois
perdue, je la voyais tant l’atmosphère de ce recueil est palpable. De plus une
superbe playlist accompagne le texte.
Le premier opus de Sandrine Cohen
« Rosine, une criminelle ordinaire » a reçu le 73 ème Grand Prix de
littérature policière 2021, elle a su se renouveler et nous captiver à nouveau.
Elle tisse un roman exceptionnel où une
fine analyse des émotions et des ressentis apporte une dimension extraordinaire
au texte. Il n’y a pas de chapitres parce qu’on ne découpe pas une vie. Les
mots frappent au cœur, à la tête, ils se précipitent en nous. On sent une forme
d’urgence dans l’écriture comme si tout se bousculait, comme si l’auteur se
mettait à nu pour faire vivre ses personnages, en leur insufflant sa volonté de
les faire exister. Elle donne corps et âme à des blessés de la vie, décryptant
d’une plume incisive les tenants et les aboutissants. Elle nous rappelle
d’éviter les jugements hâtifs, elle égratigne la justice qui se trompe, de
temps à autre, au nom des lois, parce qu’il faut suivre les textes…. Elle parle de ce qu’est la liberté et cite
« mon » poème, celui qui a changé mon regard sur la poésie,
« Liberté » de Paul Eluard. Elle sublime l’amour, celui qu’on donne,
celui qu’on reçoit, celui qui n’a pas besoin de mots, celui qui se vit à
l’instinct ( page 240 et suivantes, la visite à Eurodisney en est un exemple). Et
finalement, malgré l’aspect tragique de certains passages, malgré les hommes
malhonnêtes, malgré tout ce qui va mal, c’est l’amour qu’elle met en exergue.
Ce livre, m’a laissée pantelante, une humanité
énorme s’en dégage et on se dit que, il faut y croire, tout n’est pas perdu, il
y a encore, quelques personnes bien sur terre, il suffit d’ouvrir les yeux…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire