"Trois heures avant l'aube" de Gilles Vincent

 

Trois heures avant l’aube
Auteur : Gilles Vincent
Éditions Jigal (15 Février 2014)
ISBN :979-10-92016-50-5
270 pages

Quatrième de couverture

Prier pour le meilleur, se préparer au pire ! Quel lien existe-t-il entre Kamel, jeune Marseillais d’une vingtaine d’années, Sabrina, femme de ménage à Valenciennes, et Grégor, ouvrier d’abattage près de Lorient… Entre les tragédies de notre temps et les personnages laminés par le monde d’aujourd’hui se tisse la chronique d’une époque où les destins hésitent entre fuite, abandon et passage à l’acte… Touchée de plein fouet par ces affaires enchevêtrées, la commissaire Aïcha Sadia va, dans cette nouvelle enquête, basculer sous nos yeux de la force à l'anéantissement.

Mon avis

Des trajectoires désespérées mais ô combien humaines….


En très peu de pages, avec un froid réalisme, Gilles Vincent installe trois destins. Trois chemins, trois déchirements, trois choix de vie qui n’ont rien en commun, si ce n’est leur propre chaos qui finira par les rassembler au cœur d’un même lieu.

Maitrisant parfaitement les lignes sinueuses et torturées de la vie, l’auteur nous entraîne dans trois univers. Celui de Kamel, un jeune radicalisé, celui de Grégor, un ouvrier au bord du gouffre car son usine licencie et celui de Sabrina, une femme révoltée face à la pédophilie. Tous trois ne supportent pas ce qu’ils assimilent à de l’injustice. Marseille, le Morbihan, Valenciennes, trois coins de France, trois enquêtes, trois situations n’ayant, à la base, aucun point commun. C’était sans compter sur l’art de Gille Vincent qui ramifie et réunit au final ses trois trajectoires désespérées. Vous croyez que vous allez être perdus ? Que nenni !  Tout s’imbrique sans soucis et lorsque vous pensez que c’est terminé, que vous avez tout compris, un petit supplément vous rappelle que chez Jigal, les textes sont choisis et pèsent lourd.
Ce qui est écrit, c’est dur et c’est beau. Ça vous parle au cœur, douloureusement, mais ça vous met en émoi. Pourquoi ? Tout au long des pages, une tendre humanité transpire. On se dit que la résilience n’est pas loin, que le pardon finira par se faire jour, que …. mais ce n’est pas ça la vie, la vraie vie et si besoin le contenu des chapitres nous le rappelle….

- Ce qui me fait peur chez les gosses, c'est qu'on croit qu'ils nous ressemblent, mais en fait, on a tout faux.
- Et à qui ils ressemblent, alors ?
- A leurs blessures, patronne. Les gamins, c'est rien que des cicatrices maintenues en vie. Rien d'autre. Et ça, on a du mal à se le dire, parce que les blessures, c'est nous, les grands, qu'on en est responsables.


C’est avec des dialogues comme celui-ci, qu’on prend en pleine face les questions sous jacentes.  Ne sommes-nous pas, nous les adultes, responsables de la trajectoire de nos jeunes ? Est-ce que le « ici et maintenant » n’est pas intiment relié à « là-bas et hier » ? Qu’a-t-on raté pour qu’ils prennent cette route qui n’est pas la bonne ? Qu’est-ce qui la fera bifurquer ? Kamel et sa compagne font partie de ces jeunes qui se cherchent et qui cherchent une voie, un idéal, une raison d’être… Ils sont capables de tout pour ne pas perdre la face mais parfois une rencontre et ……

Face aux événements que nous découvrons, tous les enquêteurs vont tenter une course contre la montre, essayer d’enrayer le destin avant que le jour se lève, sauver ce qui peut l’être encore. Avec des mots percutants, des phrases courtes, tout prend vie sous nos yeux. Sur quelques jours, Gilles Vincent nous offre une intrigue des plus abouties.

J’ai énormément apprécié ce recueil, je l’ai lu d’une traite. Aïcha, la commissaire, terriblement attachante dans sa force et sa fragilité, était là, tellement « vraie » à côté de moi. Je l’imaginais avec Sébastien et j’aurais aimé qu’elle soit réelle. Les autres enquêteurs m’ont interpelée, comme d’ailleurs tous les personnages du roman. L’auteur a une force d’écriture, qui, en peu de mots, donne un excellent aperçu psychologique de chacun. Il les rend tellement palpables qu’on a l’impression que chacun nous murmure sa détresse au creux de l’oreille. On voudrait presque les prendre par la main pour les emmener loin de tous ces bouleversements…. Et on reste là, terriblement impuissant, pourtant on veut encore espérer en l’homme….comme Aïcha dans les dernières pages.  Alors avec elle, j’aime à croire que, peut-être, au bout d’une des routes de certains des protagonistes de ce roman, la terrible désespérance deviendra espérance….et que le ciel, si sombre, s’éclaircira…


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