Maud Martha (Maud Martha)
Auteur : Gwendolyn Brooks
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sabine Huynh
Éditions : Globe (16 Mars 2023)
ISBN : 978-2383612001
194 pages
Quatrième de couverture
Publié en 1953, Maud Martha est le premier et unique roman
de l'immense poétesse américaine Gwendolyn Brooks. Largement inspiré de la vie
de l'autrice, Maud Martha retrace en trente-quatre brefs tableaux les
différentes étapes de son existence : enfance, jeunesse, mariage, vie
conjugale, maternité... Les épisodes de la vie, qui sont les mêmes pour tous,
éprouvés par une jeune femme noire de Chicago dans les années 1940.
Mon avis
Gwendolyn Brooks (1917-2000) était afro-américaine, poète et
enseignante. Elle a étudié à Chicago, une ville qu’elle appréciait, dans un
établissement élitiste où beaucoup d’étudiants blancs étaient présents. Elle a toujours
souhaité écrire et ce qu’elle préférait, c’était la poésie où, d’après les
critiques, elle retranscrivait à merveille la réalité. Elle a été lauréate du
prix Pulitzer. Elle n’a publié qu’un seul roman, Maud Martha, en 1953. Il est
inspiré de sa vie. Elle a, en effet, eu beaucoup de mal à obtenir la
reconnaissance qu’elle méritait. C’est seulement cette année que cette histoire
est traduite en français.
Maud Martha raconte la vie d’une jeune femme d’origine
africaine qui vit à Chicago, elle est née en 1917 et le récit se termine juste
après la fin de la seconde guerre mondiale. Ce n’est pas un texte linéaire. Le
livre est composé de trente-quatre courts chapitres, comme autant de « photographies »
d’un instant T sur le parcours d’une fillette que l’on voit devenir femme, mère
et épouse. Chaque « flash » est précis, délicat, écrit dans une
langue poétique (ce qui explique le fait de choisir Sabine Huynh comme
traductrice. La poésie étant son domaine de prédilection, elle a su
parfaitement trouver le ton et les mots pour que cette lecture soit belle et
porteuse de sens). On a donc une trentaine d’instantanés de vie de Maud.
Maud, quelle que soit la période, a toujours fait preuve d’optimisme,
de résilience, acceptant les événements comme ils se présentaient et essayant de
s’adapter. Elle a appris à ne pas déranger, à accepter l’idée que pour elle,
certaines choses seraient différentes, plus ardues, à cause de la couleur de sa
peau (sa sœur Helen plus claire, reçoit plus d’attention, la pauvre si elle
touchait un bouton de porte crasseux….). Dénicher un appartement, aller au
cinéma, au théâtre, se faire soigner, tout est plus compliqué. Mais Maud n’en a
cure, elle s’accroche, elle avance, la tête haute. Pourtant tout est mis en
place pour souligner la différence et parfois, elle sent bien que les adultes
(son mari entre autres, quand elle sera mariée) préfèreraient se faire oublier.
Elle ne veut pas de gris, Maud.
« Les sanglots, les frustrations, les petites rancunes,
les animosités grandes et laides, les contraintes mesquines sous le couvert de
l’amour, l’ennui, qui arrivaient jusqu’à elle en traversant ces murs, portés
par les paroles, les cris et les soupirs-tout cela était gris. »
Elle souhaite de la couleur, de la gaieté. Pas de regard
soupçonneux quand elle est au milieu des blancs, le racisme n’a pas à diriger
ses choix. Elle a besoin de fantaisie, de liberté, d’être elle-même sans
contrainte, avec les vêtements et le mode de vie qu’elle choisit. Elle est
capable de dire non, de tenir tête avec intelligence, elle est admirable car forte
dans ses convictions et pleine de ressources. J’ai aimé son dynamisme et son envie
de profiter de chaque instant. Elle a une énergie folle et ne veut pas perdre
une seconde.
« Mais si l’amertume était dans la racine, pour quelle
raison perdrait-elle son temps à s’en prendre à la feuille ? »
Ce recueil n’est pas long, les chapitres courts sont
percutants. Quelques mots, des phrases chocs qui font écho dans notre esprit. Comment
vivre quand on se sent quelques fois rejetée, mal considérée au travail ou dans
un commerce ? Que dire à ses enfants lorsqu’il leur arrive la même chose ?
L’écriture est lyrique, délicieuse, sensible, magnifique. Chaque mot virevolte,
portant une forme d’éclat et de couleur, de légèreté, malgré un propos sérieux,
effaçant ainsi ce qui pourrait apporter du gris, du pessimisme et faisant
pétiller la vie !
NB : il y a encore des Maud Martha, partout dans le monde. Puissent-elles s’inspirer de celle-là pour continuer de tracer la route du respect.
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