La vie nouvelle (The New Life)
Auteur : Tom Crewe
Traduit de l’anglais par Etienne Gomez
Éditions : Christian Bourgois (24 Août 2023)
ISBN : 978-2267050721
464 pages
Quatrième de couverture
Le jeune médecin et critique littéraire Henry Ellis vient d’épouser Edith. Ils se sont
rencontrés dans un groupe de libres-penseurs appelé la Vie Nouvelle, et se sont
promis de construire un couple moderne, loin des rigidités de l’Angleterre
victorienne. Au même moment, John Addington, grand bourgeois respecté par la
bonne société londonienne, marié et père de trois jeunes femmes, entre en
contact avec Henry. Ensemble, ils décident de concevoir un ouvrage à quatre
mains : une étude historique de l’homosexualité depuis la Grèce antique. Tout
en travaillant à ce livre, chacun des deux coauteurs est pris dans les
contradictions de sa vie intime.
Mon avis
Ce premier roman est ce qu’on peut appeler une fiction
historique. En effet, l’auteur mêle des personnages et événements réels à son
récit qui reprend une importante thématique de l’époque. On est en 1894 et les
homosexuels -les ont la vie dure. On considère que ce sont des invertis-es
sexuels-les (inversion des caractères genrés) et ils, elles, n’ont aucun droit.
De fait, ils, elles se cachent et ne peuvent rien revendiquer, aucune liberté.
Deux hommes, après avoir échangé une correspondance, vont
écrire à quatre mains, un livre sur la liberté sexuelle. Il s’agit de John
Addington, marié, père de famille, dont l’épouse connaît son penchant pour les
hommes et Henry Ellis. Ce dernier vient de s’unir à Edith, ils vivent séparés,
c’est un couple moderne, chacun était attiré par les personnes du même sexe.
Ils veulent presque être un « exemple » de modernité. Le but de l’ouvrage de John et Henry est de
préparer l’opinion a une modification de la loi sur les gays et les lesbiennes.
Mais rien n’est simple dans cette société victorienne
rigide, voire coincée dans un puritanisme excessif. Pourtant John, qui s’est
longtemps rangé dans une vie classique, n’en peut plus, il commence à parler à
ses connaissances, à essayer de diffuser ses convictions en citant les mœurs de
la Grèce antique. Il a le sentiment qu’il passe à côté de quelque chose s’il ne
dit rien. Henry Ellis en se mettant en ménage avec une lesbienne, veut, de son
côté, montrer que le mariage peut exister en dehors du sexe. Ces deux-là ont le
souhait de prouver que l’homosexualité n’est pas anormale.
Les difficultés seront nombreuses tant avant et après la
parution de leur ouvrage. Ils sont sans cesse tiraillés entre leur quotidien
« officiel » et leurs aspirations intimes qui les rongent. Ils font
souffrir ceux qui les aiment. Catherine, la femme de John, est digne mais
refuse certains compromis pour ne pas se sentir humiliée, moquée, elle espère
protéger ses filles.
Dans les premiers chapitres, on suit chaque homme dans sa
vie, ses tourments, ses choix puis commencent les premiers liens et le rythme
s’accélère un peu. Richement documenté (Tom Crewe fait référence à
l’arrestation d’Oscar Wilde), écrit avec beaucoup de vigueur, ce recueil rend
en quelque sorte hommage à ceux qui ont osé prendre la parole publiquement,
puis qui ont écrit pour faire bouger les lignes. Ils prenaient des risques mais
ils tenaient à s’exprimer.
L’écriture (merci au traducteur) et le style de l’auteur
sont intéressants, emplis de lucidité avec des descriptions précises, sans
tabou. On est au cœur de l’histoire, on ressent les émotions des personnages.
Chacun d’eux se bat pour être lui-même, pour avancer en confiance. Tous ont le
sens du devoir chevillé au corps en balance perpétuelle avec leurs ressentis,
leurs besoins sexuels.
Ce titre, bien loin de mes lectures habituelles, a soulevé
un flot d’interrogations en moi. Est-ce qu’un livre a le pouvoir de faire
évoluer les mentalités ? C’est une des questions, en filigrane, de cet
opus. Est-ce que mettre des mots sur ce qu’il faut taire au nom d’une société bien-pensante,
permet d’ouvrir les esprits, de bousculer les idées pré conçues ? Est-ce
que les hommes et les femmes élevés-ées dans le concept du « qu’en
dira-t-on » sauront raisonner par eux-mêmes ?
Finalement ces questions, soulevées par le texte de Tom
Crewe, sont encore criantes d’actualité…..
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