Basses terres
Auteur : Estelle-Sarah Bulle
Éditions : Liana Levi (4 Janvier 2024)
ISBN : 979-1034908400
210 pages
Quatrième de couverture
En Guadeloupe, les toussotements de la Soufrière font partie
du quotidien des habitants de la Basse-Terre. Mais en ce mémorable mois de
juillet 1976, les explosions s’intensifient, les cendres recouvrent
impitoyablement la végétation et beaucoup se résignent à partir en
Grande-Terre. Au cœur de cette saison brûlante, les bourgs se vident et les
destins se jouent.
Mon avis
Estelle-Sarah Bulle est d’origine guadeloupéenne et depuis
qu’elle se consacre à l’écriture, elle s’est « rapprochée » de la
culture créole. C’est peut-être pour cette raison que son dernier roman se
situe à la Guadeloupe.
C’est en 1976, au moment où le volcan « La
Soufrière » menace la Basse Terre que l’auteur situe son récit. Par
l’intermédiaire de plusieurs personnages (dont certains font penser à ses
parents, notamment lorsque son père est revenu après une longue absence), on visite
plusieurs coins de l’île. Les habitants
de Grande Terre accueillent ceux qui fuient Basse-Terre, comme on leur a
demandé, à cause d’une possible éruption. Les logements, des cases, ne sont pas
grands et le quotidien s’en ressent. Et que dire de ceux qui arrivent de
France, qui ne retrouvent rien de leur « vie moderne » et son
pour quelques-uns, parachutés dans un univers nouveau qui les ravit et les
déroute à la fois ?
Une femme, Eucate, refuse de quitter sa maison, pourtant
située dans une zone dangereuse. Elle est « enracinée » dans le lieu,
dans les traditions, dans le passé et on comprend aisément son refus. Attachée
au folklore, elle a parfois des réactions surprenantes, à la limite de la
superstition et de la crédulité. C’est très intéressant de
« l’écouter ».
Pour Marianne qui vient ici pour la première fois (son mari
avait fui l’île) avec son époux, qui lui retrouve sa famille, c’est un
contraste perpétuel. Loin des clichés « carte postale », elle
découvre des demeures sans réfrigérateur, sans confort, où tout le monde
s’entasse, sans beaucoup d’intimité. C’est un gouffre par rapport à ce qu’elle
vit en France. Ce qui semble « normal », facile à un endroit reste un
privilège rare à un autre. La pauvreté est encore très présente en Guadeloupe.
Sur l’île, c’est la nature qui décide. Pourtant Haroun
Tazieff et Claude Allègre (c’est un fait réel, habilement glissé dans le
roman), se disputent sur la dangerosité du site et sur l’obligation ou pas
d’évacuer certains villages potentiellement menacés. Pour information, les deux
hommes sont restés fâchés, campant sur leurs positions et ça a duré longtemps. Il
ne faut pas oublier que la nature décide, c’est elle qui nourrit, qui « bouge »,
qui « prête » ses terres….
Ici, c’est difficile de connaître une « pleine
réussite », comme on en voit en France. Alors quelques-uns partent là-bas dans
l’espoir de jours meilleurs, d’un travail plutôt que le chômage. Mais à quel
prix ? Que laissent-ils derrière eux ? Il y a eu également ces femmes
confrontées à des grossesses difficiles, voire non désirées et dont les enfants
se questionnent encore sous l’œil goguenard de certains voisins.
Cette lecture est une vraie « peinture » d’une époque
et d’un lieu, avec toutes les difficultés, les joies, les relations qui se
nouent. C’est une excellente représentation de ce microcosme avec tout ce qui
s’y joue.
Estelle-Sarah Bulle a une écriture très agréable liant descriptions précises, visuelles et événements marquants ainsi que les ressentis et émotions des uns et des autres. Son style est accrocheur, on s’attache aux protagonistes, on les accompagne un bout de chemin en voulant connaître leur devenir. Leurs portraits sont délicats, emplis d’humanité, de réalisme. Cette histoire sert à aborder de nombreux thèmes : les liens familiaux, les choix pour l’avenir, la résilience, le poids du passé, la vie dans toute sa complexité et sa beauté….
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