Les saisons
Auteur : Maurice Pons
Éditions : Christian Bourgois (7 Mars 2024)
ISBN : 978-2267049282
272 pages
Quatrième de couverture
Un jour du seizième mois de l’automne, Siméon arrive dans
une vallée perdue où se succèdent inlassablement deux saisons ― une de pluie et
une de gel bleu ― et où seules les lentilles parviennent à germer. En pleine
saison pourrie, cet étranger qui se déclare écrivain cherche à prendre place
dans la communauté qui y vit, vaille que vaille. Isolé au milieu de ces
habitants aux moeurs mystérieuses, Siméon affronte une hostilité grandissante…
Mon avis
Ce livre est indéfinissable, fascinant par son histoire, son
phrasé, ses événements qui peuvent tour à tour vous dégoûter, vous surprendre, vous
donner de l’espoir. Il ne laissera personne indifférent. Il a été publié la
première fois en 1965.
Le récit se déroule dans un pays où les saisons sont rudes (après
des mois de pluie, le gel peut rester présent trente à quarante mois), longues ;
où la nature est difficile à maîtriser ; où la nourriture est rare et les
occupations également….. Un homme, qui a beaucoup souffert, arrive dans un
village au milieu de nulle part. Il veut s’installer quelque temps pour écrire.
Les habitants, peu nombreux, sont soupçonneux et envoie les douaniers enquêter.
Il arrive malgré tout à s’installer, dans des conditions précaires, chez une
veuve qui tient ce qu’on pourrait appeler une auberge (mais elle ne ressemble en
rien à un tel lieu).
Il pleut, tout le monde est hostile mais notre homme espère être
avec son crayon, ses feuilles et les remplir. C’est son but et il le dit :
« Je suis venu pour partager avec vous le pain des mots et le vin de la
phrase ». (Oui, il y a quelques allusions à la Bible). Il essaie de
surmonter chaque obstacle, d’avancer son projet mais toujours quelque chose se
met en travers. L’auteur nous parle de la condition d’écrivain, des maux et des
mots de ceux qui veulent transmettre, par un livre, un message, raconter une
vie, des vies….
Un narrateur extérieur, parlant à la première personne et
interpelant de temps à autre le lecteur, présente le quotidien de cet étranger,
Siméon, qui a osé débarquer et surtout rester là alors qu’il n’est pas
franchement le bienvenu. Il croit qu’on s’habitue à lui mais ce n’est pas si
simple… Il fait tout pour apporter un peu de lumière, de chaleur, de printemps
avec ce qu’il tente de transmettre.
La galerie de personnages est très riche, tous ont un petit
côté burlesque qui s’explique par ce qu’on apprend sur eux, sur les traditions
de ce coin du monde atypique, sur les relations que les gens entretiennent ou
pas.
J’ai pensé à Kafka et « La métamorphose », un recueil
inclassable lui aussi mais d’une force extraordinaire. Ce sont des textes qui
restent dans notre mémoire, même des années plus tard. J’ai pensé à la cour des
miracles et puis j’ai compris : « Les saisons » c’est incomparable.
C’est tendre, loufoque, décalé, hypnotisant. Maurice Pons a
une écriture riche au vocabulaire soigné, aux tournures de phrases travaillées.
La poésie est là même quand il décrit des moments plus ardus. C’est un sacré
contraste d’utiliser un style qui magnifie chaque terme pour parler de la
laideur (celle des autochtones, celle du paysage, celle des faits…..) J’ai été
ébahi de la puissance de ce petit bouquin !
Rédiger ce texte a dû être aussi une prise de risque.
Comment peut réagir un éditeur le découvrant la première fois ? Pense-t-il
que l’originalité, la beauté du libellé, et tout ce qui fait l’unicité de cette
rédaction, emporteront les lecteurs dans un univers qu’ils n’oublieront jamais,
entre réel et imaginaire ?
C’est mon cas. Dire que j’aurais pu passer à côté de cette œuvre
magistrale et ne jamais la lire ! Je ne l’oublierai pas !
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