"La couronne du serpent" de Guillaume Perilhou

 

La couronne du serpent
Auteur : Guillaume Perilhou
Éditions : de l’Observatoire (21 Août 2024)
ISBN : 9791032927397
230 pages

Quatrième de couverture

Stockholm, hiver 1970 : le jeune Björn, quinze ans, se présente aux auditions de Mort à Venise. Il ignore que sa rencontre avec Luchino Visconti est sur le point de changer sa vie : le maestro a trouvé « le plus beau garçon du monde ». Deux destins s’entremêlent, unis par cette beauté – offerte à l’un, révérée par l’autre. C’est l’histoire d’un orphelin et de sa traversée du miroir aux alouettes ; l’histoire d’une famille souveraine et victorieuse dont les relents, déjà, se font sentir. C’est l’histoire d’un regard, celui d’un homme, devenu celui des autres.

Mon avis

« Chez Visconti, ça passe. Il n’y a pas de détournement de mineur, juste un détournement de regard. »

Pour jouer Tadzio, dans « Mort à Venise », Luchino Visconti a choisi Björn Andrésen, un jeune suédois de quatorze ans, élevé par sa grand-mère (c’est elle qui lui a fait passer le casting). Ce livre, inspiré de faits réels, avec quelques documents d’époque, explore l’influence de Visconti et du tournage de ce film sur le devenir de l’adolescent, parachuté acteur vedette du jour au lendemain.

Björn incarne une beauté parfaite, éthérée, il sait à peine ce qu’il joue, on lui demande de s’asseoir, d’avancer, de reculer… Il ne maîtrise pas la langue et obéit. Il est « façonné » par le grand maître à tel point que quelques-uns se demandent s’il ne va pas devenir homosexuel comme lui.

À l’adolescence, on l’envoie au Japon où ses cheveux blonds et son air angélique font fureur. On se bat pour l’approcher, lui couper une mèche en souvenir. Publicités, chansons, mangas où son visage est reproduit, le succès est là et puis il n’en peut plus, il craque…

On a l’impression que Björn adulte est devenu une ombre, comme si le rôle de Tadzio l’avait définitivement éteint en le marquant trop. Il a été étouffé, son véritable « moi » a-t-il disparu ? J’ai été peinée pour lui. J’aurais voulu qu’il soit accompagné, encadré, qu’on l’aide à retrouver sa place.

On ressent que Visconti accapare ses comédiens, ils deviennent presque des marionnettes entre ses mains. Il leur demande « d’être » le rôle qu’ils jouent. C’est normal c’est le but du cinéma. Mais pas au point de s’oublier, de « se perdre ».

C’est avec des lettres rédigées par plusieurs protagonistes : Visconti, Björn et d’autres, des réflexions profondes et intéressantes ainsi que de courts extraits de documents qu’est construit ce magnifique roman. On a le sentiment que l’acteur se confie, se met à nu, révélant toutes les difficultés qu’il a rencontrées après ce tournage. Il a perdu pied, s'interroge sur le sens de sa vie. Il a sans doute compris qu’on s’était servi de lui, presque comme un objet sexuel. De l’autre côté du miroir, c’est Luchino qui écrit, principalement à Helmut Berger, son amant et compagnon, à qui il a offert une belle notoriété à travers certains personnages. Les points de vue et les regards sur les situations évoquées ont peu de points communs …

Cette lecture a été un pur moment de plaisir littéraire. L’écriture est stylée, ciselée, précise sans être ostentatoire. Le vocabulaire est de qualité, bien choisi. La construction avec les différents courriers, le ressenti de Björn, avec du recul, sur sa vie, est finement mise en place avec un équilibre parfait.

Je ne connaissais pas cet auteur et je suis ravie de ma découverte ! Il m’a présenté le destin d’un homme et il l’a fait avec brio !

NB : Pour compléter, à regarder en accès libre :  L'ange blond de Visconti : Björn Andrésen, de l'éphèbe à l'acteur. Un documentaire Arte.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire