J’voulais naître gamin de Francesca Maria Benvenuto (L’amore assaje)

 

J’voulais naître gamin (L’amore assaje)
Auteur : Francesca Maria Benvenuto
Traduit de l’italien par Audrey Richaud
Éditions : Liana Levi (5 Septembre 2024)
ISBN : 9791034909582
160 pages

Quatrième de couverture

Du coup, moi c’est Zeno. J’suis coffré, à Nisida, la prison pour mineurs. J’ai chopé une peine, com’ tous les gamins ici, sauf que la mienne, elle est grosse com’ça! Et j’vous dis pas combien j’ai pris eh, parce que j’ai peur qu’ça vous choque après. Une prof ici, en taule, m’a promis que si j’écris, elle en touchera deux mots au directeur pour qui me file la permission de sortie à Noël, parce que maman est disponible pour me prendre deux jours.

Mon avis

J’suis né juste erroné.
Mais malheureusement, mon cœur est correct.

On est à 1991. Zeno a quinze ans, à cet âge, on ne devrait pas être en prison mais il y est parce qu’il a déjà agi comme les grands. Il est devenu adulte très vite, trop tôt, à dix ans, lorsque son père a fini en prison et que sa mère s’est prostituée pour gagner de quoi vivre et manger. Alors Zeno a dérivé du droit chemin lui aussi et quand ça a dégénéré, il s’est retrouvé derrière les barreaux. Il est à Nisida (une prison pour mineurs). Il a promis à son professeur d’italien de « se raconter ». En échange, elle fera tout pour qu’il ait une permission à Noël.

Et nous on découvre son histoire. C’est un gamin des rues, alors il s’exprime comme il peut, avec ses mots à lui, son franc parler, ses expressions, son dialecte (cela n’a pas dû être facile pour la traductrice, merci à elle). Il présente sa vie d’avant, son quotidien, ses journées.

« Nous on s’dérouille pour se sentir moins coffrés et plus dehors, comme avant d’arriver ici. »

Pour lui, il n’a pas eu le choix, c’était la continuité de tomber dans les magouilles, de tricher, de voler pour subsister. Comme une « marque de fabrique »…

« Les gens naissent au hasard et personne décide rien du tout. […] j’suis né d’une pute et de mon père. […] J’sais pas si on pourra devenir aut’chose qu’eux, quand on sera grands et qu’on aura grandi. »

On comprend qu’une espèce de fatalité l’a poursuivi, enfin c’est ce qu’il dit.

On pourrait penser qu’avec un tel phrasé, on va rester dans le « superficiel » et que ce roman n’apportera pas grand-chose. Et bien détrompez-vous ! Les remarques et réflexions de Zeno sont très pertinentes, il se pose les bonnes questions.

« J’sais pas moi si quand on aime quelqu’un, après l’autre est obligé d’aimer aussi, ou si y’a une loi qui l’interdit. »

Maintenant qu’il n’est plus un voleur, il se demande s’il « existe » encore.

« C’est pas l’business qui me manque, c’est d’être quelqu’un. »

Zeno essaie de rester « vivant » au sens où écrire et partager lui permet de l’être, mais que fera-t-il après ? Est-ce qu’il a encore moyen d’espérer ?

Cet opus m’a beaucoup plu par sa « fraîcheur », son côté « original » . Il y a des propos graves présentés avec une certaine forme de naïveté puisque, même s’il a grandi trop vite au niveau des responsabilités et des « bêtises », Zeno est encore un enfant dans sa tête. Il est tellement attachant !

 

Pour compléter : L’auteur a expliqué que sa mère avait eu une courte expérience de travail dans une prison et qu’elle racontait quelques anecdotes mais ce n’est pas ce qui l’a inspirée. Elle a elle-même côtoyé des mineurs emprisonnés et mis les pieds dans les maisons d’arrêt mais elle ne pensait pas à écrire. Et puis, en 2021, sa maman a reparlé de ses souvenirs et là, Zeno s’est imposé à elle. Sa « voix » lui soufflait le texte et c’était parti ! J’ai voulu citer la genèse de ce livre car on peut se demander comment elle a eu l’idée d’un tel écrit.

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