Vallée du silicium
Auteur : Alain Damasio
Éditions : Seuil (12 Avril 2024)
ISBN : 978-2021558746
332 pages
Quatrième de couverture
À San Francisco, au coeur de la Silicon Valley, Alain
Damasio met à l’épreuve sa pensée technocritique, dans l’idée de changer d’axe
et de regard. Il arpente « le centre du monde » et se laisse traverser par un
réel qui le bouleverse. Composé de sept chroniques littéraires et d’une
nouvelle de science-fiction inédite, Vallée du silicium déploie un essai
technopoétique troué par des visions qui entrelacent fascination, nostalgie et
espoir.
Mon avis
Un jour, on résistera
Voilà un livre tout à fait exceptionnel. Dans le cadre d’une
résidence au cœur de la Silicon Valley, Alain Damasio s’est interrogé sur la
place de l’intelligence artificielle, des progrès du numérique, des nouveaux « maîtres »
du monde : GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, et Microsoft) dont on
peut difficilement se passer mais qu’il faut savoir gérer.
Il nous rappelle l’hégémonie d’Apple avec des appareils
ultra performants mais peu compatibles avec d’autres (le chargeur est déjà
différent…) Toutes les applications pour aller plus vite, ne plus perdre une
minute, augmenter la production, automatiser. Il faut sans arrêt être appliqué
et impliqué. Oui, mais :
« On voit bien ce qu’on y gagne : une énième
paresse. »
Et bien sûr, j’ai pensé au Petit Prince :
- Bonjour, dit le petit prince.
- Bonjour, dit le marchand.
C'était un marchand de pilules perfectionnées qui apaisent la soif. On en avale
une par semaine et l'on n'éprouve plus le besoin de boire.
- Pourquoi vends-tu ça ? dit le petit prince.
- C'est une grosse économie de temps, dit le marchand. Les experts ont fait des
calculs. On épargne cinquante-trois minutes par semaine.
- Et que fait-on des cinquante-trois minutes ?
- On en fait ce que l'on veut...
"Moi, se dit le petit prince, si j'avais cinquante-trois minutes à
dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine..."
Alain Damasion reconnaît le côté pratique du GPS et de bien
d’autres outils. Il nous met simplement en garde, avec des réflexions profondes
et argumentées, des exemples concrets dont la voiture sans conducteur qui bugue.
Il écrit : « J’ai essayé de décoder ce que la
technologie qui vient nous fait déjà, et va nous faire. »
« Je ne critique pas la technologie qu’on nous offre
parce qu’elle serait inerte ou stupide, non responsive ou robotisante. Je la
critique parce qu’elle nous dévitalise en nous donnant l’illusion de faire plus
de choses. »
J’ai particulièrement apprécié sa remarque sur les réseaux
sociaux qui nous connectent mais ne nous lient pas, sur la place du smartphone
qui crée un cocon. J’ai été effarée par cet homme qui mesure la qualité de son
sommeil en permanence, ne risque-t-il pas de stresser le jour où le pourcentage
est moindre ? J’ai été très intéressée par le raisonnement sur les algorithmes
(c’est un domaine qui m’interpelle).
« On invente puis on avise. C’est seulement ensuite
qu’on cherche à savoir à quoi ça pourra servir et surtout comment faire du fric
avec. »
Qu’un cadre dise ça, ça fait peur non ?
Si quelques mots de vocabulaire peuvent rebuter, l’ensemble
est une lecture captivante et la nouvelle en fin d’ouvrage sera le cadeau qui
fait réfléchir encore plus loin !
NB : Mon fils a un doctorat « Web Intelligence »
et il vient de compléter avec un master sur la philosophie, l’histoire et l’éthique
des sciences et du numérique car, comme Damasio, les débordements de l’IA et
compagnie l’inquiètent et il souhaite alerter ses étudiants.
Restons vigilants.
« Ma puissance de vivre et d’agir par moi-même, avec
les forces qui me traversent et avec lesquelles je danse. »
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