"Tu as amené avec toi le vent" de Natalia García Freire (Trajiste contigo el viento)

 

Tu as amené avec toi le vent (Trajiste contigo el viento)
Auteur : Natalia García Freire
Traduit de l’espagnol (Équateur) par Isabelle Gugnon
Éditions : Christian Bourgois (9 Janvier 2024)
ISBN : 978-2267053920
162 pages

Quatrième de couverture

Cocuán, un village perdu et oublié, coincé entre la jungle et la Cordillère des Andes. C’est là que Mildred est née et qu’elle a été dépouillée, après la mort de sa mère, de ses animaux, de sa maison et de sa terre.Des années plus tard, Cocuán devient le théâtre d’événements étranges, disparitions, accès de folie et divagations. Les habitants se rappellent alors la légende de la vieille Mildred et ressentent à nouveau l’ombre de la mort qui hante le village depuis lors.

Mon avis

Quand Mildred est née, elle a amené le vent avec elle. Celui qui se faufile partout, qui sème les cypsèles des pissenlits, qui calme le bétail, celui qui est chaud, doux…Un vent qui n’a pas peur. Mildred ne doit pas l’oublier, c’est le dernier message de son père au moment du décès de sa mère. Et il quitte la maison. À ce moment-là, elle se retrouve seule avec ses cochons et sa truie. Elle reçoit des visites de ceux qui semblent s’inquiéter pour elle. Il faut dire qu’elle est atypique, on ne sait pas tout sur elle, sans doute parce qu’on n’en a pas besoin pour s’imprégner de ce personnage mi fée mi sorcière.

 À Cocuán, dans ce village au milieu de nulle part pas loin de la Cordillère des Andes où Mildred vit, un peu isolée, loin du bourg, les habitants décident pour elle. Ils ne font pas preuve d’empathie, comme s’ils avaient peur d’elle, comme si elle détenait des pouvoirs à exorciser par le feu. C’est dur, violent et elle souffre …

Et puis Mildred se tait, un autre narrateur prend le relais, il y en aura neuf en tout. Chacun a ses propres perceptions des faits, ses ressentis. Il s’en passe dans ce coin perdu. Conflits, secrets, mystères, on n’aura pas toutes les explications, la logique n’habite pas ce pays-là. Chacun raconte avec son style, son vocabulaire, ses mots, sa poésie. Il est là le tour de force de l’auteur. Ce n’est pas linéaire. On ne comprend pas tout mais … est-ce indispensable ?

La nature tient une grande place dans ce roman, les plantes, les animaux, le vent … comme autant d’éléments vivants, bruissants, frémissants, vibrants. Les raconteurs se succèdent, les points de vue se croisent, s’entrecroisent. On est dedans, en haut, sur le côté … On entend les cris, les chuchotements, les chants … tout ce qui est décrit nous touche ou nous atteint, voire nous envoute ….

Il y a quelque chose de magique, une force fantasmagorique dans le phrasé. J’ai eu le sentiment d’être au cœur d’un cerveau habité par des cauchemars, des rêves, des visions … C’est inexplicable mais ce qui l’est, c’est que malgré les questions qu’on peut légitimement se poser, cette écriture (merci à la traductrice) a quelque chose de magnétique. Elle attire et vous prend dans ses rets.

Natalia García Freire a un imaginaire riche, surprenant, presque déstabilisant mais qui vaut le détour. Elle prend des risques dans sa façon de rédiger mais c’est ça sort des sentiers battus, ça oblige le lecteur à accepter « le jeu » qui consiste à laisser son esprit cartésien autoriser l’inattendu, la rencontre avec un univers onirique, coloré, qui le laissera l’œil rêveur et la tête levée vers le ciel étoilé…

NB : La couverture est bien pensée, vraiment magnifique !


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