Je refuse (Jeg nekter)
Auteur : Per Petterson
Traduit du norvégien par Terje Sinding
Éditions : Gallimard (9 Octobre 2014)
ISBN : 9782070141517
272 pages
Quatrième de couverture
Jim et Tommy ne se sont pas revus depuis plus de trente ans. Tous deux ont
grandi dans la même petite commune près d’Oslo : Jim couvé et protégé par une
mère très pieuse, Tommy abandonné par sa mère, malmené par un père violent,
puis séparé de ses trois sœurs placées dans des familles d’accueil et obligé de
travailler dans une scierie. Pourtant, c’est bien Tommy qui fait carrière dans
la finance, alors que Jimmy vivote, entre son travail de bibliothécaire et des
arrêts maladie de longue durée. Quand ils se retrouvent par hasard, sur ce pont
menant à la capitale où Jim s’est installé pour pêcher, les souvenirs
ressurgissent...
Je refuse est un roman poignant sur l’amitié entre deux
hommes, qui sont aussi deux êtres cabossés par la vie. Leurs échecs
sentimentaux, leur colère et leur volonté de survivre sont admirablement mis en
scène dans un livre polyphonique d’une incroyable justesse.
Mon avis
Ce livre est l’histoire d’une rencontre, celle que j’ai faite avec cet auteur
mais également celle de chaque personnage avec la vie…
« Elle voulait que je me lie à elle. Je devais déposer ma vie entre ses
mains. »
Quelle est l’alchimie particulière qui crée des liens forts entre deux
personnes, que ce soit d’une même famille, d’un voisinage proche ou d’un même
milieu scolaire ou professionnel ? Est-ce que le « parce que c’était lui, parce
que c’était moi. » explique tout ?
D’ailleurs, est-il nécessaire d’expliquer, de décortiquer, de comprendre les
relations humaines ?
Jim et Tommy étaient deux adolescents, tout à fait différents de par leur
situation de famille mais amis au-delà de tout. Amis pour la vie comme on le
dit à cet âge-là, amis pour toujours, à la vie, à la mort ?
La vie nous joue des tours de temps à autre. On croit tenir les rênes mais tel
un cheval rétif , elle décide et nous entraîne sur d’autres voies, loin parfois
de celle, toute tracée, bien lisse, qui s’offrait à nous. Et, comme le
dit la chanson : « Et la vie sépare ceux qui s'aiment. Tout doucement, sans
faire de bruit. »
Jim et Tommy ont été séparés, et voilà que ce hasard, que certains appellent
coïncidence ou destinée, les fait se croiser alors que rien ne le
laissait supposer. Ils ont avancé l’un et l’autre, différemment de ce
qu’auraient laissé imaginer leurs conditions de vie au départ . Et comme chacun
le sait, les adultes d’aujourd’hui n’ont parfois aucun point commun avec les
jeunes adolescents d’hier…
Cette rencontre, très courte, entre les deux hommes, va les amener à cheminer
dans le passé, dans le présent mais également à se positionner pour leur futur.
C’est douloureux, comme tout ce qui touche à l’intime et que l’on essaie de
cacher jusqu’au jour où….
Décidément, j’aime la Norvège et ses ambiances froides d’hommes et de femmes
emmitouflées dans leurs vêtements, comme si ces derniers engonçaient leurs
émotions, comme si une fois déshabillés, alors seulement, ils pouvaient
s’exprimer… J’aime ces paysages immenses qui se devinent entre les lignes, ces
rapports humains qui se créent au rythme de la nature, autour d’une cane à
pêche ou d’une séance de patinage sur les lacs gelés.
L’écriture polyphonique, permettant de suivre chacun à différentes époques,
offre un regard acéré sur la construction des attaches entre les hommes, de
celles qui resteront, fils ténus mais invisibles, de celles qu’on renie ou
qu’on oublie …. Le rythme est lent, le style précis, sans fioriture mais
infiniment humain, comme si chaque mot était chuchoté pour ne pas avoir l’air
de se mêler de la vie de ceux qui sont ainsi exposés.
L’atmosphère est intime mais sans voyeurisme, délicate et parfois suspendue
comme l’haleine dans la gelée du matin, évanescente, mais présente, impalpable
mais infiniment bien retranscrite.
Ce livre aux hommes cabossés, secoués par la vie, portés par leur colère, leur
charisme, leur volonté ; déstabilisés par ce qu’ils croient être des échecs ou
ce qui leur échappent est un coup de cœur.
Et s’il fallait donner une raison à ce coup de cœur, ce serait : « parce que la
magie de la rencontre a eu lieu. »
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