"Everglades" de R.J. Ellory (The Bell Tower)

 

Everglades (The Bell Tower)
Auteur : R.J. Ellory
Traduit de l’anglais par Etienne Gomez
Éditions : Sonatine (10 Avril 2025)
ISBN : 978-2383992073
458 pages

Quatrième de couverture

Août 1976. Garrett Nelson est shérif adjoint en Floride. Lors d'une arrestation qui tourne mal, il est grièvement blessé. C'en est fini pour lui du service actif. Suivant les conseils de sa thérapeute, Hannah Montgomery, il rejoint le père et le frère de celle-ci à Southern State, en tant que gardien au pénitencier d'État. Édifiée sur l'emplacement d'une ancienne mission espagnole située au beau milieu des Everglades, la prison est censée être d'une sécurité absolue. Et pourtant... Entre un étrange suicide et une curieuse évasion, l'instinct d'enquêteur de Nelson reprend vite le dessus.

Mon avis

1976. Garrett est shérif adjoint, il vit seul et n’a pas vraiment d’obligations, son père est décédé et il n’a plus de lien avec sa mère. Alors, lorsque son chef lui demande d’aller aider les collègues, dans le comté d’à côté pour une arrestation, il ne fait pas d’histoire, il se rend disponible. Quand il rejoint l’équipe, on lui explique ce qu’un coéquipier et lui doivent faire. Rien de compliqué, tout devrait se dérouler sans encombre. Malheureusement, ça tourne mal et il est grièvement blessé à une jambe. Pour lui ce fait est d’une violence inouïe qui propage une ombre en lui, collant à la peau, assombrissant son quotidien.

« La violence avait fait irruption par cet événement, et elle avait une manière à elle de ne jamais repartir. »

Il ne peut plus exercer son métier. Sa kiné lui parle d’un pénitencier où il pourrait être gardien. Il pense que ce serait toujours, en quelque sorte, en lien avec sa précédente profession puisqu’il s’agit de faire régner l’ordre. Et il est conscient que c’est la seule chose qu’il sait faire.

Une fois embauché, il réalise que cela n’a rien à voir. Ce nouveau job l’entraîne dans les ténèbres. Il n’arrive pas à cloisonner vie privée et vie professionnelle, il se laisse « bouffer » par ce qu’il voit, ce qu’il sent (des non-dits, des magouilles, des silences…) et il n’aime pas ça. Il est démuni face à la noirceur qui l’envahit, il n’arrive pas à s’en protéger et le noir déborde sur la clarté pâle de ses journées, menaçant de l’enfouir, de l’étouffer.

Il s’interroge sur ses choix de travailler au maintien de l’ordre. Il se questionne sur des faits surprenants, notamment une évasion alors que le lieu est très sécurisé, isolé dans une nature hostile. Certains collègues joueraient-ils double jeu ? Ce qu’il croit comprendre ne lui plaît pas, pas plus que l’attitude des autres adjoints lorsqu’il essaie de les alerter.

Comme à son habitude, l’écriture de R.J. Ellory est fouillée, racée, profonde. Le traducteur a su trouver les mots précis, marquants, à la hauteur du regretté Fabrice Pointeau qui était une « pointure » dans ce milieu.

L’auteur analyse la violence sous toutes ses formes et les raisons qui peuvent pousser à des actes abominables. Qu’est-ce qui fait qu’un jour, un homme ou une femme bascule du côté du mal ? Quel mécanisme se met en place dans son esprit ? C’est quoi la valeur de la vie, d’une vie ? A-t-on le droit de tuer ? Quand et comment ? Exécuter un meurtrier au risque de faire une erreur judiciaire, est-ce juste ? Si on se trompe, que se passe-t-il ?

« Pourquoi tuons-nous ceux qui tuent pour montrer que tuer est mal ? » a dit Holly Near (militante pacifiste).

Garrett est un homme attachant, intègre, qui ne supporte pas l’à peu près. Il a besoin de certitudes, de croire en l’homme, en lui. Quand il côtoie ceux qui sont dans le couloir de la mort, il réfléchit à chaque décision prise par un individu, à chaque bifurcation possible, à ce qui fait pencher l’histoire d’un côté plutôt que d’un autre. Ses interrogations pourraient être les nôtres, c’est un homme qu’on pourrait connaître. D’ailleurs, Ellory dit : Je veux écrire des histoires auxquelles les gens pensent même en dehors du livre, et quand ils le terminent, je veux qu'ils aient l'impression d'avoir laissé derrière eux des personnes qu'ils ont appris à connaître.

Garrett est un homme ordinaire face à des situations qu’il maîtrise mal ou pas du tout car il n’est pas seul face à elles. Le lecteur passe, avec lui, par tout un panel d’émotions, de sentiments, il l’accompagne, le soutient, le plaint, est heureux pour lui, parfois.

Captivant, addictif, nous interpellant, ce récit est fort, puissant, nous poussant à réfléchir sur de nombreux sujets.


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