"La hideuse" de Reine Bellivier

 

La hideuse
Auteur : Reine Bellivier
Éditions : Christian Bourgois (21 Août 2025)
ISBN : 978-2267055351
192 pages

Quatrième de couverture

À la fin des années 1950, dans un bourg des Deux-Sèvres, Marguerite, mariée et mère de trois enfants, quitte le domicile familial et disparaît sans un mot. Des années plus tard, sa fille enquête pour comprendre les raisons et les circonstances de cet événement qui a marqué sa vie. De la vérité, elle n'a que les bribes qu'on a bien voulu lui confier. Certes, il y aurait eu un autre homme, plus aisé que son père, que sa mère aurait rejoint sur la côte. Mais est-ce bien seulement cela, son histoire ? Et comment vivre libre après avoir tout abandonné ?

Mon avis

Elle s’appelle Marguerite et un jour, elle est partie, laissant un mari et trois enfants en bas âge Laissant, abandonnant, fuyant ? Qu’est-ce qui peut pousser une femme à prendre la route, quitter un époux et trois petits ? Fatigue, lassitude, nouvel amour, envie d’aventure, de liberté ? Étouffait-elle dans un quotidien usant, sans fantaisie ? A-t-elle, eu, subitement, un désir d’autre chose ou cette décision a-t-elle mûri durant de longues semaines ?

La narratrice, sa fille, décide de mener l’enquête (c’est d’ailleurs le sous-titre de ce roman) pour comprendre cette femme, éclairer sa personnalité, peut-être lui redonner une certaine forme de dignité en analysant son besoin de partir, de s’affranchir de cette vie qui ne lui convenait plus, comme si, des années après, elle lui « offrait » la permission d’agir à sa guise.

Elle n’a rien ou presque, quelques bribes de souvenirs (les siens, ceux des autres), quelques photos ou traces écrites…. Autrement dit pas grand-chose et surtout rien de suffisant. Alors elle émet des hypothèses, elle les lance, puis les contredit quelques fois et revient en arrière.

« J’ai arpenté ces derniers jours des chemins qui m’ont aidée à en imaginer bien d’autres. »

Elle s’interroge sur le mariage, le couple, la maternité. C’est quoi être une femme, une compagne, une mère ? Comment peut-on aimer, accompagner, vivre pleinement ?

Ce sont les années 50, après la guerre, les femmes ont souffert et Marguerite a peut-être besoin de découvrir le monde, même si cela se limite à la France. À moins qu’un autre homme ne lui ait dit « Viens, rejoins-moi, je t’aime mais seulement nous deux, pas d’enfants… » Aucune certitude, plusieurs vérités se côtoient. On ne saura pas et c’est mieux ainsi, elle garde sa part de mystère, d’évanescence… C’est elle qui a décidé, sans se justifier et c’est son droit, même si ça fait mal à ceux et celles qui s’interrogent encore …

La narratrice l’interpelle souvent,

« Tu te perds dans l’air vif, ta tête se déploie aux dimensions du ciel, tu te débarbouilles avec les rayons du soleil. »

« Je ne sais plus ce qui m’appartient. Quels souvenirs sont les miens et lesquels sont les tiens, véridiques ou réinventés. »

Décliné en quatre parties, citant souvent en début de chapitres, des extraits de lectures qui font écho aux recherches de celle qui investigue, ce roman atypique est la « peinture » d’une femme qui s’est probablement questionnée, qui a hésité mais qui a choisi sa vie. Qu’est-ce qui lui a donné le souhait du changement ? A-telle eu envie de faire machine arrière, ne le faisant pas par orgueil ? On ne sait pas mais peu importe. Elle est là, vivante, vibrante, dans ces pages où nous la découvrons.

Ce texte, d’une grande sensibilité, poétique, est émouvant, prenant, beau tout simplement. J’ai aimé que la fille ne juge jamais sa mère, qu’elle lui trouve des raisons d’agir comme elle l’a fait, qu’elle la « reconnaisse » dans sa différence, dans sa façon d’être, pas forcément dans la norme de l’époque mais en toute « liberté ».

Un livre d’une immense délicatesse, à lire pour entendre tout ce qui bruit entre les lignes …


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