Nulle part sur la terre (Desperation Road)
Auteur : Michael Farris Smith
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Demarty
Éditions : Sonatine (24 Août 2017)
ISBN : 978-2-35584-609-0
375 pages
Quatrième de couverture
Une femme marche seule avec une petite fille sur une route de Louisiane. Elle
n’a nulle part où aller. Partie sans rien quelques années plus tôt de la ville
où elle a grandi, elle revient tout aussi démunie. Elle pense avoir connu le
pire. Elle se trompe. Russel a lui aussi quitté sa ville natale, onze ans plus
tôt. Pour une peine de prison qui vient tout juste d’arriver à son terme. Il
retourne chez lui en pensant avoir réglé sa dette. C’est sans compter sur le
désir de vengeance de ceux qui l’attendent.
Dans les paysages désolés de la campagne américaine, un meurtre va réunir ces
âmes perdues, dont les vies vont bientôt ne plus tenir qu’à un fil.
Mon avis
Une écriture sublime et poétique, un univers dépouillé, des personnages
attachants et un roman excellent….
Maben et Russell sont deux personnes cabossées par la vie, ballottées et un peu
en rupture avec la société bien pensante. Le genre d’individus qui dérangent et
qu’on préfère voir de loin. Lui, sort de prison et revient au pays où l’accueil
est pour le moins tumultueux…Elle, elle marche avec sa fille, cherchant un
point d’appui, du travail, de l’aide….
Chacun des deux a souffert, plus que de raison et traîne sa douleur comme une
seconde peau. Tous les deux ont eu un passé qui n’a pas pris le chemin de
l’avenir qu’ils envisageaient. Ils ont des tas de raisons de haïr ceux qui sont
responsables de leur mal-être mais à garder des ressentiments, est-ce qu’on
peut avancer ?
Nous les suivons ou plutôt nous les accompagnons dans ce coin, vers la Nouvelle
Orléans, où les paysages désolés se succèdent, où l’inaction pèse et est
remplacée parfois, par un trop plein d’alcool et de débauche. La ville est
loin, tout se sait, tout le monde connaît tout le monde…difficile de se noyer
dans la masse, de se faire oublier….
C’est avec un phrasé qui m’a tout de suite conquise que l’auteur s’exprime. Pas
de larmoiement, pas de pathos mais des faits analysés avec un regard acéré qui
retranscrit les émotions des protagonistes. Pas de jugement, ni de leçons de
morale, on sent que la destinée choisit parfois et qu’il faut se plier à ce
qu’elle a décidé. Maben espère un mieux, Russell souhaite qu’on le laisse en
paix…mais rien n’est jamais aussi simple, n’est-ce pas ? Ces deux là m’ont tout
de suite plu, ils deviennent, en quelques lignes, des familiers, des gens qu’on
a l’impression de connaître depuis toujours.
C’est sans doute le style de l’auteur qui confère ce sentiment. On est tout de
suite dans le contexte avec la sensation très nette d’avoir toujours été là. De
ce fait, dès les premières lignes, on s’imprègne de cette atmosphère que l’on
pourrait croire un peu désabusée mais où une infime lueur d’espoir apparaît
régulièrement …. même si elle peut être balayée rapidement dans les pages
suivantes.
« …il était facile de haïr tout le reste mais se haïr soi-même était une
torture…. »
Avec leur part d’ombre, leur mal être, Russell, Maben et les autres nous
offrent une histoire comme on les aime, empreinte de tendresse et de
délicatesse malgré la dureté de certains passages qui nous rappellent que rien
n’est jamais acquis à l’homme.
J’ai lu ce roman en apnée comme si je craignais qu’en respirant trop fort, en
m’approchant trop près, j’effleure les blessures de ces malheureux et que je
rouvre certaines cicatrices …. L’auteur (et la personne qui m’a fait parvenir
ce livre) m’ont offert ce que je cherche dans une lecture : des étoiles dans
les yeux d’un bout à l’autre….
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