Poupée
Auteur : Sylvie Callet
Éditions du Caïman (26 Novembre 2024)
ISBN : 978-2493739209
250 pages
Quatrième de
couverture
Un soir d’hiver,
sur la côte méditerranéenne, une femme surnommée Poupée se jette à la mer. Non
loin de là... À vingt-cinq ans passés, Laurie, privée de revenus, est
contrainte de revenir vivre chez ses parents, dans un petit village côtier du
Var, à proximité de Toulon. Père manipulateur, mère sous emprise... La jeune
femme a bien du mal à se réadapter à cet environnement toxique.
Mon avis
En prélude, une
femme qui choisit la mort… Qui et pourquoi ?
Puis, quatre saisons,
de l’hiver à l’automne suivant pour faire connaissance avec Laurie. Elle a
vingt-cinq ans, plus travail, ni de revenus, elle n’a pas d’autres solutions
que le retour chez ses parents, même si elle n’en a pas envie… Elle sait qu’elle
va étouffer.
Le père, Benoît,
fait régner un régime de terreur, il est le mâle alpha, celui qui décide de
tout, des vêtements, de la musique qu’on écoute (ou pas) à la maison, des
sorties (ou pas) qui sont autorisées. La mère, Ingrid, obéit, même si en
cachette, parfois, elle semble, non pas se rebeller (la chape, sur ses épaules
est bien trop lourde) mais transgresser, un peu, juste un peu… Laurie observe,
se tait, essaie de se faire oublier, tout en espérant une autre vie….
Elle n’aurait
sans doute jamais imaginé, ne serait-ce qu’une partie de ce que le destin lui
réservait. Elle se retrouve confrontée à une situation qui lui échappe. Elle
découvre sa mère sous un autre jour et ne sait qu’en penser. Elle se questionne
mais elle-même vit des choses très fortes et elle est un peu perdue.
Dans ce décor méditerranéen
où le ciel bleu est souvent là, Sylvie Callet écrit une histoire sombre. On est
loin des clichés ensoleillés du midi où tout le monde profite du bon temps.
C’est un récit « habité » par les différents protagonistes. Ils sont « palpables »,
tout comme les lieux et les scènes présentés. Le lecteur est au cœur de l’intrigue,
au plus près de chacun. Leurs émotions nous touchent ou nous hérissent, leurs
peurs nous angoissent, leurs interrogations sont les nôtres…
L’écriture de l’auteur
est immersive, belle car elle magnifie chaque mot pour en tirer ce qu’il a de
meilleur. Le vocabulaire est celui qui correspond le mieux à ce qu’elle veut
nous transmettre. Il est à la fois fort,lyrique et porteur de sens car sélectionné
avec soin, chaque terme étant à sa juste place.
« Son
apparition inattendue contraste de façon dérangeante avec le souvenir brouillé
qu’elle s’est construit de lui, un portrait emmiellé par la sépia du temps,
imprégné d’un fantasme de conte de fée auquel elle a succombé après seulement
quelques jours d’absence, donnant à celle-ci une valeur d’épreuve, Pénélope
moderne tricotant le jour des tresses de sagesse et de résignation, détricotant
la nuit son ouvrage de patience en sanglots d’abandon – des larmes d’alcool
blanc infusé de racines essouchées, d’absinthe à ravaler, de mille écorces
amères – suivis d’étreintes désespérées avec son traversin . »
Ce roman aborde
plusieurs thèmes, la trahison, la manipulation, l’emprise que certaines
personnes ont sur d’autres, le mensonge, les non-dits familiaux, la vengeance….
La tension s’installe assez vite et monte en puissance au fil des pages, on ne
souffle pas ou si peu…
Ce qui est très
fort, c’est d’associer ce style incisif, marquant, parlant de noirceur, avec
une certaine forme de poésie et de belles métaphores.
« Et de
planter dans les siens des yeux d’une noirceur abyssale, deux sabres d’obsidienne
dégouttant d’une encre luisante, épaisse comme une coulée de lave. »
Je ne savais pas
à qui faire confiance, que croire. Les individus de cet opus ne sont pas « lisses »,
ils ont tous une face cachée, ils ne se dévoilent jamais en entier ou alors ils
nous bernent. C’est toute la complexité de l’âme humaine, de ceux qui portent,
parfois, un passé si lourd, qu’ils ont besoin de l’éliminer de n’importe quelle
façon, parce qu’ils doivent « se libérer ». Les relations humaines ne
sont pas simples et parfois le dialogue est très compliqué car certains jugent
vite, trop vite et agissent sans mesurer les dégâts collatéraux.
J’ai énormément
apprécié ce recueil, ces protagonistes cabossés par la vie, tellement « vivants »
que je ne les oublierai pas.
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