Enfant brûlée cherche le feu (Bränt barn söker
sig till elden)
Auteur : Cordelia Edvardson
Traduit du suédois par Anna Gibson
Éditions : Christian Bourgois (2 Octobre 2025)
ISBN : 978-2267056013
210 pages
Quatrième de couverture
Élevée dans la tradition catholique dans le
Berlin des années 1930, Cordelia est une jeune fille à part. Elle aime la
poésie, surtout celle qu'écrit sa mère, la belle et reconnue écrivaine
Elisabeth Langgässer, qu'elle admire tant. Mais la jeune Cordelia ignore que le
père qu'elle n'a jamais connu était juif. Sa mère est quant à elle plus occupée
à poursuivre sa carrière en faisant oublier ses propres origines juives auprès
des dignitaires nazis qu'à protéger sa fille. Alors, à quatorze ans, Cordelia
est déportée. Elle survit à l'enfermement à Theresienstadt puis à l'enfer
d'Auschwitz. Grâce à la Croix-Rouge suédoise, elle se retrouve après la
libération à Stockholm, où elle réapprend à vivre.
Mon avis
Cordelia Edvardson est née en 1929 à Berlin
et morte à Stockholm en 2012, après une longue vie consacrée au journalisme et
à l'écriture. En 1977, après la guerre de Kippour, elle s'installe en Israël, où
elle travaille en tant que correspondante pour un grand quotidien suédois.
Née d’un père juif inconnu, Cordelia a été
élevée par sa mère, une écrivaine. Celle-ci lui lisait des extraits de ses
romans, de ses poèmes, même lorsqu’elle était enfant. Cela lui a donné le goût
des mots.
« Emplie, submergée, enivrée par les
mots, leur texture, leur goût, leur parfum, leur couleur, la gamine s’ouvrait
alors. […] Qu’ils soient prononcés, lus ou écrits, les mots sont
nourriture. »
Les mots la sauveront, la soutiendront dans
toutes les épreuves de la vie (et rien ne lui sera épargné). Oserais-je écrire
que c’est la seule chose positive que lui a offert celle qui, en lui faisant la
lecture, lui a donné l’amour des mots ?
Elle lui a également donné une petite croix, quand elles ont été séparées mais,
vu les circonstances, à mon avis, c’était une façon, pour sa génitrice, de se
dédouaner face à une situation où elle n’avait pas le beau rôle….
Cette dernière se marie lorsqu’elle est petite
et son beau-père la frappe. Elle souffre mais personne ne s’en rend compte.
Elle commence à être « invisible » ce qui continuera lorsque, pendant
la seconde guerre mondiale, elle sera déportée à quatorze ans. Pourquoi ?
Parce qu’à moitié juive…
Enfant, elle a baigné dans la religion
catholique alors, elle ne comprend pas que d’un coup, elle soit juive. Dans un
premier temps, elle rejette l’étoile jaune. Mais elle sent qu’elle met sa
famille en danger, qu’elle est le petit coucou qu’il faut expulser du
nid. C’est tellement dur pour elle….
Sa mère essaie un stratagème en la plaçant
pour la cacher aux yeux de la loi mais ça ne fonctionne pas. Et elle se
retrouve dans les camps, à se battre chaque jour pour manger, marcher, dormir….
Devenue un numéro, elle doit lutter pour survivre. Elle saisit vite qu’il vaut
mieux avoir l’air en bonne santé pour être jugée apte au travail et ainsi
rester en vie. Comme d’autres, elle apprend à faire de la soumission un acte :
au lieu de se résigner à son sort, il est mieux de le revendiquer. Malgré son
désir de vivre, elle reste hantée par une question : pourquoi maman, m’as-tu
abandonnée ? Parfois elle tisse des liens mais tout cela reste fragile. Le
quotidien qu’elle décrit est abominable, terrible et dire qu’elle n’est qu’une
jeune fille…. Comment continuer à avancer ? Ne pas avoir le souhait de se
coucher pour ne plus jamais se relever ? J’étais en apnée pendant ma
lecture lorsque pendant ces passages.
Cordelia a été une femme forte, capable de
rester droite malgré une relation difficile avec ce qu’on nomme aujourd’hui,
une mère dysfonctionnelle, indifférente. Comment peut-on aimer si mal sa
fille ? Et comment se construire en vivant de tels événements ?
Dans ce récit, Cordelia parle d’elle en disant
« elle », « la fillette » etc. je me suis interrogée sur ce
« je » qui est absent. Est-ce une façon de mettre à distance la
souffrance, de se protéger des souvenirs douloureux qui remontent afin de
les éloigner, de les rendre moins présents ? Je ne sais pas. Mais, même
avec cette forme d’expression, ses phrases (merci à la traductrice) font mouche
et nous touchent. Elle a une écriture lumineuse, vibrante, qui irradie. La
lire, c’est être sentir chaque mot pénétrer en nous, c’est absorber ce qu’elle
a vécu, c’est serrer les poings en se disant « non, pas ça »….
On peut dire qu’elle a été courageuse,
volontaire, droite etc. Les qualificatifs sont bien pauvres pour une femme
exceptionnelle qui aurait pu mourir plusieurs fois mais qui a toujours tenu
bon.
Ce livre restera gravé en moi.
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