L’Irlandais
Auteur : Maurice Gouiran
Éditions : Jigal (15 Mai
2018)
ISBN : 978-2-37722-036-6
240 pages
Quatrième de couverture
Lorsqu’on découvre le peintre Zach Nicholl, le crâne
fracassé dans son atelier marseillais, son ami Clovis n’a qu’une pensée en tête
: aider Emma, en charge de l’enquête, à retrouver l’assassin ! Zach s’était
illustré dans le street art avant de devenir bankable et de fuir Belfast vingt
ans plus tôt. C’est donc en Irlande du Nord que Clovis va chercher ce qui se
cache derrière ce crime. Zach était l’un des artistes républicains auteurs des
célèbres murals, ces peintures urbaines, outils de mémoire et de propagande.
Mais pourquoi avait-il quitté son pays juste au lendemain des accords de paix
de 1998 ?
Mon avis
L’hiver est terminé à Marseille mais Clovis Narigou,
journaliste et « éleveur » de
chèvres n’a pas trop d’énergie. La faute au froid qui l’a engourdi …. de partout ;-) , vu qu’il a même
délaissé pendant quelques mois, sa belle Emma, fliquette androgyne avec qui il
vit une relation amoureuse en pointillés…. Il se retrouve attablé au café
lorsqu’il apprend la mort violente de Zach Nicholl, un peintre spécialisé dans
le Street Art et bien connu dans le coin. Deux de ses potes le traînent chez la
veuve, histoire de présenter leurs condoléances. Elle, c’est Aileen, une
irlandaise discrète et farouche qui a fui l’ Irlande avec son mari. Elle ne
veut pas ramener seule le corps du défunt dans son pays natal et demande à ses
visiteurs de l’accompagner. Clovis aimerait bien revoir Belfast et il enfume un
peu son patron prétextant avoir la possibilité d’ écrire un article avec des
choses nouvelles sur l’IRA (Irish Republican Army) et la période des Troubles
et ainsi il obtient un billet pour partir là-bas.
Maurice Gouiran a l’art et la manière d’impliquer le lecteur
dans ses récits. Il n’hésite pas à nous interpeler voire à nous prendre à
témoin. J’en veux pour preuve les « Vous me suivez ? » ou autre
questionnement beaucoup plus profond, nous obligeant à nous pencher sur les
interrogations qu’il soulève (et elles sont nombreuses). Il est captivant parce
qu’il fait entrer l’Histoire (avec un grand
H) dans l’histoire personnelle de ses personnages en agrémentant le tout d’une
enquête dans laquelle des individus sont
en lien avec les faits historiques, et ça tient la route, waouhhh ! . Ce
qu’il présente est documenté, fourni, argumenté et il réussit ce tour de force
de glisser ça et là une opinion jamais moralisatrice mais profondément ancrée
dans la réalité. J’ai particulièrement apprécié les remarques écologiques, l’air
de rien, au détour de l’enquête, notamment sur les paquebots de croisière qui
polluent en faisant tourner leur moteur à l’arrêt pour permettre aux passagers
restés à bord de profiter de différents loisirs. Il observe également l’évolution du Street Art
qui devenu une mode se met à arriver dans les galeries artistiques (Street, ça
veut bien dire « rue », non ? ), alors qu’à la base, par
exemple en Irlande, il était utilisé comme support d’expression pendant les
conflits, comme ici :
Mais, bien sûr, comme
l’indique le titre, le principal sujet, c’est l’Irlande. Pas la verte Erin des
touristes, non, celle des « Volontaires », fiers idéalistes qui
veulent -pour faire court- que leur pays soit libre. Libre de ses droits, de
ses choix, de sa vie…. L’auteur fera
surtout allusion aux années 80, avec la mort de Bobby Sands, le bras de fer
contre Margaret Thatcher… Mais cette période est forcément en lien avec le
passé, notamment les Troubles. Agitation politique, trahison, mensonge,
exécution, violence, rien n’a été épargné à ceux qui se battaient. Que ce soit Renaud avec sa ballade
nord-irlandaise, U2 avec Sunday, Bloody Sunday (et le film éponyme de Paul
Greengrass), le thème n’a jamais laissé indifférent …..et à juste raison.
C’est par l’intermédiaire de femmes du cru que l’auteur nous
présentera les événements. Autrefois, en Eire, Il était conseillé aux dames d’être
effacées, de rester mariées à vie (même si le mari disparaissait), de ne pas se
faire remarquer… mais Clovis va faire connaissance avec des rebelles, des
courageuses qui ont osé, même dans l’ombre, agir, et s’investir….. Quelle pouvait être leur place ? Comment
sont-elles arrivées à se faire entendre dans cette société attachée aux
traditions ? Et Zach, faisait-il partie de l’IRA ? Cachait-il quelque
chose qui l’a poussé à s’installer à Marseille ? Quels étaient ses liens
avec les combattants? Clovis va chercher, sur place, à mieux comprendre mais ce
n’est pas aisé face à des gens secrets, qui ne veulent pas tout dire, qui se
protègent mutuellement et qui peut-être, ne veulent pas remuer le passé…. De
son côté, Emma en charge de l’enquête, fouine et reste en lien avec Clovis, des
fois qu’il dégotte une indication sur place ….
Ce roman est abouti, complet, intéressant. En vert et noir, il vous glisse à l’oreille les chants de la
Liberté, de tous ceux qui ont cru que c’était possible et qui ont essayé …….
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