L’empreinte (The Fact of a Body, a Murder and a Memoir)
Auteur : Alexandria Marzano-Lesnevich
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Héloïse Esquié
Éditions : Sonatine (10 janvier 2019)
ISBN : 9782355846922
480 pages
Quatrième de couverture
Etudiante en droit à Harvard, Alexandria Marzano-Lesnevich
est une farouche opposante à la peine de mort. Jusqu’au jour où son chemin
croise celui d’un tueur emprisonné en Louisiane, Rick Langley, dont la
confession l’épouvante et ébranle toutes ses convictions. En enquêtant sur
cette affaire, elle découvre alors les mobiles de celui-ci qui, à sa grande
surprise, font écho à son histoire personnelle.
Mon avis
Croire en la loi…..
Alexandria Marzano-Lesnevich a écrit un livre qui se
démarque complètement de ce qu’on a l’habitude de croiser. Véritable pépite
littéraire où plusieurs genres se mêlent avec intelligence et brio. En effet,
il y a un peu de biographie, de journalisme d’investigation, d’enquêtes, de
thriller…. Mais surtout il y a le cheminement d’une femme qui se dévoile, va
très loin, creuse de plus en plus pour comprendre les faits qu’elle évoque mais
également pour se comprendre elle-même.
Cette jeune femme est « élevée dans le
droit » (ses parents sont avocats) comme d’autres le sont dans
l’enseignement ou le médico-social parce que toute la famille « trempe »
dedans. Alors, forcément, elle se lance dans des études en lien avec la justice
pour continuer dans la lignée familiale. Elle est contre la peine de mort,
c’est une certitude qui lui semble inébranlable. Elle a intégré Harvard et va
faire un stage dans un cabinet d’avocats en Louisiane. Dès le début, elle se
retrouve à découvrir l’affaire d’un meurtrier pédophile : Ricky Langley. Ce pourrait être, pour elle, un cas d’école
lui permettant de mieux cerner les tenants et aboutissants du métier qu’elle
souhaite exercer. Mais cela va être beaucoup plus, et s’il fallait employer un
seul mot pour le définir, je dirai : un bouleversement. Elle va relier ce
qu’elle apprend de Ricky à sa propre histoire et tous ses fondamentaux vont
être ébranlés.
Dans ce recueil, elle alterne les pages où elle fait des
recherches, retranscrivant des extraits d’auditions, de documents, fouillant
dans le passé de l’assassin avec des passages beaucoup plus intimes où en
employant le « je », elle nous plonge au cœur de sa vie, de ce qu’elle
a subi, de ses souffrances….. Elle est bousculée dans ce qui était ses
convictions, et elle va analyser, décortiquer, « autopsier » sa
famille, son passé pour avancer er devenir celle qu’elle doit être…..Dans un
même chapitre, on peut passer des faits qu’elle observe (le meurtre du petit Jeremy Guillory, âgé de six ans tué par
Ricky, le procès, les causes, les conséquences) à son propre vécu. Elle établit
des parallèles, nous démontrant comme chaque acte fait écho à sa vie, parfois
douloureusement ….
Il lui est arrivé de rajouter quelques détails non trouvés
dans les dossiers qu’elle a consultés mais globalement, elle est restée fidèle
au contenu de ce qu’elle a lu. C’est un travail de recherches admirable mais
pas seulement. Dans ce récit, elle essaie de saisir pourquoi Ricky en est
arrivé là, si dès le départ tout était en place pour qu’il est une vie marginale.
Mais elle ne s’arrête pas à lui, elle va plus loin : la mère de Jeremy,
les voisins, les juges, sa famille, elle, tout ce que chacun d’eux a pu ressentir,
est décomposé, pesé, soupesé jusqu’à ce qu’elle trouve une explication qui lui
semble en équilibre avec le reste.
Son écriture quasi chirurgicale, efficace, pose les
événements, les relations entre les uns et les autres. Le style est étoffé,
avec des détails. Tout se déroule sous nos yeux et la froide analyse qu’en fait
l’auteur ne bloque pas les émotions qui sont nombreuses ainsi que les
questions. Qu’est-ce que le pardon ? Comment défendre un homme qui a
commis l’inimaginable ? Comment se construire après des abus sexuels
minimisés ? Comment s’aimer ? Et
finalement, pour être juste, suffit-il d’obéir aux lois ?
Dans cet opus que j’ai énormément apprécié, Alexandria nous
montre comment son regard a évolué, et la mutation profonde qui s’est opérée en
elle. Si elle n’avait pas fait ce stage, qui serait-elle maintenant ?
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