L’Esteta
Auteur : Amadeo Alcacer
Éditions : Santa Rosa (25 septembre 2015)
ISBN : 978-1519036896
251 pages
Quatrième de couverture
L’inspecteur Ivo Matich suit les traces d’un meurtrier avec
lequel il a un compte personnel à régler. Dans sa quête, il sera secondé par
Manuela Sepulveda, une jeune recrue du commissariat central de Santiago du
Chili. Le criminel quant à lui, dérape,
enchaîne les assassinats et devient complètement incontrôlable. Il sollicite de
son côté, l’aide de la psychiatre Lucia Felipez qui commence à décortiquer sa
psyché torturée.
Réussira-t-il à disparaître définitivement et échapper ainsi
aux forces de police ?
Mon avis
Qu’est ce que l’art ?
Ils sont deux à hanter les pages : Ivo Matich, le policier
et l’Alicanto, l’assassin.
Tous les deux ont des points en commun, des personnalités
tourmentées, des passés lourds à porter. Bien sûr, sur le papier, c’est Ivo, le
policier qui traque l’Alicanto mais dans la réalité, c’est beaucoup plus
complexe. Ils se cherchent, se provoquent, jamais en face, mais à travers leurs
actes, leurs pensées. Aucun des deux ne baisse sa garde, bien décidés qu’ils
sont à tenir les rênes en mains.
Ivo porte son doute identitaire comme une marque de
fabrique, tantôt croate, tantôt chilien, il ne sait plus qui il est, il a du
mal à se stabiliser. Il boit trop, il
drague mal, il se pose beaucoup (trop) de questions. Mais une chose est
certaine, il veut venger son coéquipier tué par L’Alicanto. Il n’aura de cesse
de traquer cette représentation du mal qui l’obsède.
L’Alicanto évoque la mort comme une pulsion. Il lui faut
tuer pour exister, ressentir du plaisir. Quand il s’exprime dans des courriers
(envoyés à un tueur d’exception, sa
muse, son modèle), ses mots seraient presque poétiques pour parler de
l’horreur, de la violence à l’état pur « La beauté dans la mort »….. Un meurtre
peut-il être une œuvre d’art ? Le passé de l’Alicanto a-t-il conditionné son
présent ? Cet être indescriptible est-il capable d’aimer, de recevoir de
l’affection et d’en donner ?
Qui des deux tient les cartes en mains, qui manipule qui ,
qui aura le dessus? Chacun fait preuve
d’une intelligence hors du commun, d’une analyse fine des situations,
anticipant au maximum les réactions de l’autre. On se croirait dans un jeu
d’échecs géant où les pièces n’avancent jamais sans réflexion, où chaque «
joueur » se positionne en fin stratège.
Toutes ces interactions se déroulent au Chili, en partie à
Santiago, dans une ambiance politique et humaine remarquablement décryptée pat
l’auteur. Non pas qu’il nous raconte tout ce qui s’est passé et qui n’aurait
pas forcément un intérêt primordial dans le roman ; non, il s’agit d’une
atmosphère, d’une ambiance, d’explications sur la vie là-bas au détour d’un
reportage, d’une conversation . On découvre les mapuches, on lit des constats
sur le gouvernement de Michelle Bachelet.
« Mais depuis l’arrivée au pouvoir de Bachelet, tout avait
changé. Les règles déontologiques primaient aujourd’hui sur les résultats.
Paraître était devenu plus important que de nettoyer la ville des ordures qui
arpentaient les trottoirs. Le monde ne tournait pas rond.»
Et ces états de faits influencent les personnages qui
évoluent dans ce milieu. Les policiers notamment, pour qui la corruption fait
partie du quotidien. Récupérer de la drogue et la garder bien au chaud … en
quoi est-ce gênant ?
La force de cette intrigue est dans le fait de ces deux être
qui se heurtent, se découvrent (au sens où nous apercevons de plus en plus de
leur personnalité), se cachent à nouveau, mettant en place un suspense de plus
en plus tendu. A l’origine, lui est croate, et son caractère est plus « carré »
que celui de l’Alicanto qui est tout feu tout flammes….mais….il habite au
Chili….et cela modifie ses perceptions de base. Est-ce que c’est cela qui lui
permettra de mieux cerner la personne dont il veut la mort ? En se rapprochant d’elle?
Amadeo Alcacer sait à merveille installer un climat dans un
roman, il décrit parfaitement l’état d’esprit du tueur, ses besoins, ses
motivations. Comme il varie les procédés d’écriture (lettres, reportages,
dialogues, etc) pour nous faire découvrir tout cela, son style n’est jamais
lourd. C’est donc un texte bien agencé,
dans une atmosphère ténébreuse à souhaits
qu’il nous offre pour cette suite de l’Alicanto.
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