"Trois mille chevaux vapeur" d'Antonin Varenne


Trois mille chevaux vapeur
Auteur : Antonin Varenne
Éditions : Albin Michel (2 Avril 2014)
ISBN : 978-2226256102
560 pages

Quatrième de couverture

Le sergent Bowman appartient à cette race des héros crépusculaires qui traversent les livres de Conrad, Kipling, Stevenson... Ces soldats perdus qui ont plongé au coeur des ténèbres, massacré, connu l'enfer, couru le monde à la recherche d'une vengeance impossible, d'une improbable rédemption.

Mon avis

La guerre commence dans l’attente….

Qu’est ce qui peut inciter un ancien bourreau à devenir bon ?

Arthur Bowman, sergent au service de la compagnie des Indes est un homme dur. Un être solitaire, sans empathie, sans pitié, bourru … Un de ces soldats qui ne baisse pas les yeux, qui secoue les hommes, les forçant à aller au bout d’eux-mêmes au risque de se perdre.
Il dit faire cela pour sauver les militaires qui sont sous ses ordres, les obliger à survivre, un peu comme dans l’adage « attaquer avant d’être attaqués. »
1852, on le rencontre en Birmanie, on le suit à Londres et jusqu’en Amérique. On s’attache à ses pas malgré sa part d’ombre, malgré sa noirceur. Il fait peur car on sent qu’il peut démarrer très vite dans l’horreur et parallèlement on se prend à vouloir l’apaiser. C’est un de ces personnages, tellement ancré dans l’intrigue et dans nos pensées, qu’il devient vite un familier, bien qu’on le connaisse peu.
La Birmanie, la compagnie des Indes, la révolte des cipayes, voici une première partie très bien documentée, aux descriptions fouillées mais pas lourdes. On ne sent pas l’étalage des recherches ou des connaissances de l’auteur. Tout est parfaitement incorporé à l’intrigue et l’écriture reste fluide agrémentée de dialogues vifs et intéressants car, de temps à autre, ils fouillent les pensées des protagonistes.

Six ans plus tard, Londres, le même homme ou du moins ce qu’il en reste… Arthur Bowman lutte maintenant contre ses démons intérieurs, fantômes personnels qui le hantent jour et nuit… Que faire pour résister aux cauchemars ? Boire, se droguer, oublier et essayer de s’oublier, n’être que l’ombre de soi-même … oui mais quel intérêt ? Accusé de torture et de meurtre (les stigmates sur le cadavre ont un air de « déjà vu »), il s’enfuit et souhaite disparaître mais la mort ne veut pas de lui. Alors il se décide à traquer l’assassin. Pourquoi ? Parce qu’il veut comprendre, savoir ce qui a pu inciter un homme (et lequel) à agir ainsi.

Petit à petit, au fil des pages, par d’infimes touches, la couleur revient dans ce tableau glauque, noir.
« Vous avez changé parce que vous avez découvert la peur, sergent. Peut-être que vous allez apprendre le vrai courage maintenant. »
Cela peut être un ciel un peu plus bleu, une chevelure rousse, un lac aux reflets argentés…..
Oh, ne pensez pas que l’on tombe dans un optimiste béat et démesuré. On en est loin. L’ambiance est lourde dans les pages de cet opus mais l’auteur contrôle parfaitement son sujet. L’atmosphère est maîtrisée de bout en bout. Le suspense est habilement maintenu. Les différents lieux que « visite » le Sergent Bowman sont décrits avec intelligence et précision, l’ambiance de l’époque évoquée avec finesse.

L’écriture d’Antonin Varenne atteint sa pleine dimension avec ce recueil. Pour moi, ce roman est le meilleur qu’il ait écrit (la barre est haute, il va falloir se maintenir ;-)Une force incroyable se dégage des pages qui défilent sous nos yeux. C’est parfaitement dosé et il n’en fait jamais trop.

La rédemption d’un homme n’est jamais chose aisée, il faut parcourir un long chemin en tant qu’individu pour y parvenir.
« L’Ojkipa, c’est la réunion des deux hommes qui sont en nous. Le guerrier et celui qui marche en paix sur la terre. »
La route que parcourt Arthur Bowman pour arriver vers un peu plus de paix intérieure est semée d’embuches, de barrières ; celles que l’on place devant lui mais également celles qu’il érige lui-même. Mais il ne cesse de progresser, ne serait-ce que sous le regard d’une femme…..

J’ai beaucoup aimé cette histoire. J’ai apprécié les extraits de « Walden ou La vie dans les bois » de Henry David Thoreau (récit retranscrivant la vie de Thoreau pendant deux ans, en forêt et expliquant comment cet isolement lui a permis de comprendre combien il est important de vivre en harmonie avec les éléments), que lit Bowman (ce n’est d’ailleurs pas sa seule lecture mais peut-être celle qui l’aide dans ses choix), cela lui donnait une part d’humanité, comme si un homme qui lit ne pouvait pas foncièrement être mauvais ….

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