Les porteurs de glace (De ijsdragers)
Auteur : Anna Enquist
Traduit du néerlandais par Micheline Goche
Éditions : Actes Sud (6 Avril 2006)
ISBN : 978-2742760473
160 pages
Quatrième de couverture
Nico et Lou Desbrogé cachent un drame familial au monde
extérieur : leur fille adoptive a quitté la maison. Puisqu'elle est majeure,
ils ne l'ont pas fait rechercher, mais son absence accentue l'incompréhension
et le silence qui depuis longtemps brisent leur couple. Psychanalyste, Nico
vient d'obtenir la direction d'un hôpital où il se heurte bientôt à de graves
conflits sociaux. Il s'attache alors à une jeune stagiaire, Eva, et s'octroie
une escapade avec elle. Mais à l'aube, malgré son acharnement à ne rien laisser
paraître, il l'abandonne et part au hasard en voiture. Après avoir tenté de
joindre Lou par téléphone, il perd le contrôle de son véhicule.
Mon avis
J’aime beaucoup tenir dans mes mains des livres des éditions
Actes Sud. J’apprécie le format, la couleur des pages et la texture du papier.
« On dit qu’on supporte mieux les malheurs quand on en
parle, mais hélas nous n’en avons pas l’expérience. »
Ce livre est court mais profond. Profond de tout ce qui est
tu, caché, mais aussi profond de ce qui est analysé à travers la situation de
Lou et Nico.
Lou et Nico portent un secret, un secret froid, glacé qui a
figé leur vie, leurs émotions et envahi de gel leur amour. Chacun d’eux,
désarçonné par la situation, se mure dans le silence et fait « comme si ». Pour
se protéger, pour protéger l’autre, pour ne pas dire que c’est insupportable,
que la vie n’est plus la vie ? Que la couleur a déserté le quotidien ? Nico se
consacre à son travail, comme un fou, y reste tard, s’investit de plus en plus
comme s’il voulait fuir Lou, ne pas se retrouver seul avec elle. Lou, quant à
elle, continue d’être professeur mais jardine, jardine, comme si le contact de
la terre l’aidait à oublier, à s’oublier. Fatigue physique pour pouvoir dormir
comme une masse ou choix réel de faire un potager ? Entre eux l’absence de
cette fille attendue, aimée mais avec qui ils n’ont pas su parler. Entre eux,
le silence, la porte fermée de la chambre devant laquelle il passe avant
d’aller dans la leur…Entre eux les non-dits. Est-ce que c’est plus facile de se
taire plutôt que d’affronter la discussion ? Ne rien dire dans le couple mais
aussi en dehors… Personne ne sait … Et porter ce fardeau glacé ….
Une chose m’a frappée dans ce livre, c’est la présence du
sable.
Il est là au début : « Elle avait toujours détesté le sol
sablonneux…. » Mais aussi à la fin : « …et lâcha le sable…. » On le
retrouve aussi, en filigrane, plusieurs fois dans le roman. Sable sous les
pieds d’Eva, sable sous les pieds de Nico ou de Lou mais aussi sable présent
partout, nommé un certain nombre de fois ainsi que ses dérivés.
Alors, bien sûr, je me suis posée la question. Anna Enquist
a-t-elle mentionné ce sable dans un but précis et si oui lequel ?
Sable qui s’écoule, témoin du temps qui passe ?
Sable où s’enfouir, comme l’autruche, qui ne veut pas voir ?
Sable qui cache, camoufle, recouvre tout ?
Sable pour « le grain de sable », celui qui dérange un
quotidien lisse, organisé, huilé ?
Sable qui crisse, rugueux et se glisse partout sans qu’on
s’en rende compte ?
Sable chaud, gorgé de soleil par opposition au fardeau glacé
?
Je n’ai pas la réponse mais après coup, je serais curieuse
de compter le nombre de fois où ce mot et ses dérivés apparaissent dans ce
livre ….. comme s’il était un élément à part entière du roman.
Passé les quinze premières pages où il a fallu sans doute
que j’apprivoise l’écriture d’Anna Enquist, j’ai lu facilement ce roman.
L’auteur a su habilement retranscrire la relation douloureuse de ce couple, la
place du silence, des non-dits, l’angoisse qui monte à l’intérieur et qui
s’exprime par une attitude différente à l’extérieur…
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