"My Absolute Darling" de Gabriel Tallent (My Absolute Darling)


My Absolute Darling (My Absolute Darling)
Auteur : Gabriel Tallent
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Laura Derajinski
Éditions : Gallmeister (1 er mars 2018)
ISBN : 978-2351781685
465 pages

Quatrième de couverture

À quatorze ans, Turtle Alveston arpente les bois de la côte nord de la Californie avec un fusil et un pistolet pour seuls compagnons. Elle trouve refuge sur les plages et les îlots rocheux qu'elle parcourt sur des kilomètres. Mais si le monde extérieur s'ouvre à elle dans toute son immensité, son univers familial est étroit et menaçant : Turtle a grandi seule, sous la coupe d'un père charismatique et abusif. Sa vie sociale est confinée au collège, et elle repousse quiconque essaye de percer sa carapace. Jusqu'au jour où elle rencontre Jacob, un lycéen blagueur qu'elle intrigue et fascine à la fois.

Mon avis

L’auteur a mis huit ans à écrire ce livre, il m’a fallu deux jours pour le lire. Coupée du monde, en apnée, j’ai dévoré ce récit fort, dérangeant, sublimé par une écriture profonde, majestueuse.

C’est en Californie du Nord, dans le comté de Mendocino que vit Julia. Julia c’est son prénom lorsqu’elle va au collège, elle n’est pas vraiment intégrée dans sa classe, a des difficultés et rejette l’aide d’une de ses professeurs…. Dans la maison où elle vit avec son père (sa mère est décédée) elle est Turtle ou Croquette. L’habitation est une espèce de cabane aménagée au milieu de nulle part. Un peu plus bas, dans le pré, se trouve le mobil home du grand-père. Son quotidien avec son géniteur est rythmé par quelques rituels : le matin, elle gobe des œufs, lui lance une bière, le soir, elle peine sur ses devoirs puis nettoie son arme, s’entraîne à tirer. Son paternel est adepte du survivalisme, lit les philosophes et les cite. Il fait vivre des choses terribles à sa fille sous prétexte de l’endurcir…De plus, il a une emprise malsaine sur elle.

Julia est à la fois fascinée, admirative et soumise devant son père. Elle le déteste et elle l’aime. Cette ambivalence la « ronge », la détruit mais elle ne sait pas comment faire…. Si elle se libère de son joug, arrivera-t-elle à s’en sortir, comment réagira-t-il ? Jusqu’à quel point cette domination lui pèse-t-elle ? A-t-elle connu autre chose, peut-elle envisager de vivre autrement ? Dans la nature, Julia va faire connaissance avec deux jeunes adolescents, Jacob et Brett. A partir de ce moment-là, elle entrevoit que son quotidien pourrait être autre, que les relations entre les personnes peuvent être plus simples que ce qu’elle connaît …. A leurs côtés, elle évolue. Ils sont gais, légers et ça lui fait du bien. Quel sera le prix à payer pour ce mieux être ? Va-t-elle arriver à avancer ?  Elle est prisonnière de l’amour absolu, exclusif, extrême que lui voue son père. Il l’aime trop, mal, il dépasse les limites depuis longtemps et n’entend pas modifier son comportement…. Elle souffre de devoir choisir, elle a sans doute l’impression de le trahir ….
La relation toxique entre Julia et son père est bien décrite. On comprend comment il la violente moralement, physiquement, la poussant toujours dans ses retranchements, l’obligeant à puiser au plus profond d’elle-même pour tenir debout, faire face… Il a peur qu’elle lui échappe, il sent qu’elle veut prendre son envol alors il va encore plus loin pour « se l’attacher », en faire son esclave, ne reculant devant aucune perversité …. On peut se demander pourquoi personne, parmi les adultes qui ont des doutes, n’ose affronter Martin….

C’est un récit violent, poignant, avec un final un peu trop « grand spectacle » mais le reste est tellement abouti que ce bémol ne gâche en rien la lecture. J’ai trouvé l’écriture et le style de l’auteur puissants, le vocabulaire profond. Chaque phrase est pesée, réfléchie. Certaines sont empreintes de poésie. « …elle sent son âme pareille à une tige de menthe qui pousse dans la pénombre des fondations… »
J’ai lu un interview avec l’auteur qui est très intéressant et qui éclaire sur le processus de rédaction et les choix faits dans ce recueil.

Ce roman m’a profondément marquée, j’étais comme Croquette, entre fascination, répugnance et amour absolu …..


NB : que le titre n’ait pas été traduit est une très bonne idée.


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