"Mécanique de la chute" de Seth Greenland (The Hazards of Good Fortune)


Mécanique de la chute (The Hazards of Good Fortune)
Auteur : Seth Greenland
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Esch
Éditions : Liana Levi (5 Septembre 2019)
ISBN : 979-1034901708
670 pages

Quatrième de couverture

Un empire financier bâti à New York par une famille juive originaire d'Europe centrale suffit-il à mettre les descendants à l'abri des tracas de la vie ? Apparemment non car Jay Gladstone, à la tête de cette considérable fortune, est assailli par les même tracas que le commun des mortels : épouse exigeante, progéniture insupportable, obligations familiales, contraintes sociales. Propriétaire d'une équipe de basket, Jay doit aussi compter avec les coûteux caprices des joueurs, noirs pour la plupart, dont la super star Dag. Or entre Juifs et Noirs, aux Etats-Unis, les rapports sont complexes. D'autant plus que le problème racial empoisonne la société américaine, alors qu'Obama entame son second mandat.

Mon avis

Plus rude sera la chute….

« Mécanique de la chute » est un roman foisonnant, intéressant, abouti et malgré les six cent soixante dix pages, on ne voit pas le temps passer tant on a le souhait d’en savoir plus !

Dans ce livre, qui se déroule à New-York, en 2012, on suit trois destins qui se croisent et s’entrecroisent. Trois vies tout à fait différentes dans une Amérique où Barak Obama accomplit son second mandat.
Celui qui est au cœur de tout, c’est Jay, Harold Jay Gladstone, d’origine juive. Depuis plusieurs générations, sa famille s’est démenée pour avoir du travail et a monté les échelons un par un, avec en travaillant et en ne cédant devant rien. Il est, à cinquante ans, à la tête d’un empire immobilier, avec sa sœur, son cousin… Marié à Nicole, plus jeune, il affiche sa réussite et est même propriétaire d’une bonne équipe de basket de NBA. Il a une fille d’un premier mariage. Sans en rajouter, il ambitionne de réussir encore et encore au niveau professionnel, et également avec les sportifs qui dépendent de lui.
Vient ensuite Christine Lupo, procureur qui vise une place de vice-gouverneur avant, qui sait, de monter plus haut dans la hiérarchie. Elle est très ennuyée. Un policier blanc vient de tuer un homme noir. Faut-il convoquer le grand jury ? Est-ce un acte raciste, ou de légitime défense ? Tout doit être réfléchi pour que les électeurs continuent de lui faire confiance et que sa carrière ne soit pas en péril. Doit-elle se mettre du côté de la police pour avoir son soutien ?
Le troisième, c’est Dag, ou plus précisément, D'Angelo Maxwell, la star des joueurs que « sponsorisent » Jay. Capricieux, comme beaucoup de vedettes, Il a des attitudes et un discours méprisants avec son agent. Il veut toujours plus et se montre exigeant au niveau finances.  
Ces trois là ont en commun d’être en haut et de souhaiter y rester, voire de monter encore …
 Tout semble lisse, bien ordonné, puis quelques prémices d’un moins bien apparaissent. Il y a quelques fissures çà et là. Le cousin Franklin de Jay est-il aussi clean qu’il le laisse entendre pour les comptes ? Le mari de Christine Lupo n’aurait-il pas une femme dans l’ombre ? etc ….
C’est souvent comme cela que craquent les barrages. Les failles sont minuscules mais l’eau s’infiltre et érode avant que tout explose. Ou à cause du battement d'ailes d'un papillon à l'autre bout du monde....

Dans ce récit, le poids de l’éducation, des coutumes, de la religion, du passé familial, de la politique démontre combien il est difficile de se construire lorsque les racines sont ancrées dans un terreau bien défini. La fille de Jay fait des choix de vie qui ne correspondent pas aux traditions de son père. C’est douloureux pour lui, et le dialogue est difficile. Les relations entre la communauté juive et la communauté africaine sont délicates. Les injustices sociales ne sont pas toutes traitées de la même façon. La justice semble calculée en amont, comme si tout se jouait avant de passer au tribunal, une vaste mascarade ? Les grands maux de la société sont présentés de façon très vivantes avec des exemples précis, bien choisis. On voit également le mal que font les médias, les réseaux sociaux, les hackeurs, et combien leur rôle peut modifier la vérité… L’auteur est né en 1965, mais il évoque ces modes de communication en connaisseur.

L’écriture de Seth Greenland est très vivante (merci au traducteur, Jean Esch), il campe son histoire dans le temps et l’espace avec doigté. Le contexte politique, social, les relations privées, professionnelles sont intégrés à merveille dans un recueil mené de main de maître, tambour battant. Il rappelle avec intelligence que personne n’est à l’abri. Surtout pas les grands de ce monde. Un mensonge, une trahison, une petite erreur, un mot de trop échappé et répété, voire déformé et tout s’écroule.

Ce livre incarne parfaitement un gros problème de notre siècle. Lorsque la chute commence, elle est lente, inexorable, tout semble se placer en travers du chemin et la vie professionnelle et privée s’effrite. Les conflits d’intérêt poussent certains à agir différemment de ce qu’ils auraient fait, simplement pour servir leur carrière, leur avenir. Les hommes prennent-ils un certain plaisir à en lyncher d’autres, à faire souffrir, à manipuler ?

Avec un style très vif, un peu d’ironie de bon goût et bien placé, l’auteur nous offre une lecture puissante, addictive et captivante. Je ne le connaissais pas et si tous ses livres sont de cette qualité, j'en redemande !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire