À l’abri du mal
Auteur : Sylvain Matoré
Éditions : Le mot et le reste (21 Mai 2021)
ISBN : 978-2361397968
312 pages
Quatrième de couverture
Au cœur des Pyrénées, dans la vallée de la Himone, coule la
Lisette, cours d'eau dont la beauté n'est altérée que par la présence de
l'usine Laely et de ses rejets toxiques. C'est sur la rive, non loin de ce
monstre de ferraille, que le corps d'une jeune femme brûlée au troisième degré
est retrouvé. L'hypothèse de l'accident chimique est sur toutes les lèvres.
Convaincus qu'il ne peut en être autrement, Mélanie, une saisonnière idéaliste
en manque de combats à mener, et son petit ami Abdel, ouvrier de l'usine et
lascar repenti, vont se mettre en quête d'une justice que personne ne semble
vouloir appliquer. Mais leurs espoirs seront bientôt piétinés par une
imprévisible spirale de violence.
Mon avis
Comme un parfum de désespérance….
Dans cette vallée des Pyrénées, au cœur d’un petit village
de montagne, il n’y pas grand-chose à faire. Mais la vie est calme, proche de
la nature et la plupart s’en contentent. Surtout que l’usine Laely donne du boulot
aux gens du coin. Bien sûr Jean-Paul Lanteau, le patron, n’est pas toujours
très honnête dans sa charte de bonne conduite. Les déchets toxiques, censés
être recyclés, sont parfois « échappés » dans la Lisette, la belle
rivière sauvage qui coule à proximité. Mais on fait comme si on ne savait pas,
et puis d’abord, il ne dépasse pas un certain taux et rien de grave n’en
découle, n’est-ce pas ?
Sauf que ce jour-là, un corps féminin est retrouvé gravement
brûlé, en partie dénudée, sur les berges. Un bain dans l’eau fraîche très
polluée a-t-il pu provoquer de tels dégâts ? Ou est-ce autre chose ?
L’enquête va commencer. Très vite, la police se questionne sur Laely et son
personnel. D’abord faire le point sur les bidons de déchets dangereux, vérifier
leur évacuation et tous ceux qui, dans l’entreprise, ont un lien avec cette
tâche. D’ailleurs, parmi les employés, il y a Abdel, presque le profil idéal.
Il a habité en banlieue, a participé à des trafics et a fait de la prison. N’aurait-il
pas quelque chose à cacher ? Sa copine, c’est Mélanie, une fille toute
maigre qui a traîné sur les routes et dans des squats avant de se poser là avec
lui. Ce qui les unit ? En apparence un peu d’amour, un besoin de compter
pour quelqu’un, des idées communes sur l’écologie, la tolérance et quelques
autres combats bien actuels. Mais, si on creuse, je pense que ce qui les a rapprochés,
ce sont leurs fêlures, leurs blessures invisibles. En prenant soin l’un de l’autre,
ils se sentent, non pas investis d’une mission, mais utiles parce qu’ils « existent »,
ils ne sont plus « transparents ».
Justement, le décès de cette jeune femme va leur donner l’occasion
d’agir. Il faut dénoncer les erreurs de la fabrique, ne pas oublier que la terre
n’appartient pas à l’homme (c’est même le contraire), obliger le PDG à faire d’autres
choix. C’est avec un autre couple, un peu désœuvré, Marco et Angèle, que la
réflexion va être menée. Un combat qu’il
va falloir réfléchir en amont pour éviter toute erreur, des actions qui devront
être discrètes mais virulentes et suffisamment parlantes pour que les
débordements cessent.
Portés par leurs résolutions, Abdel et Mélanie ne renoncent
à rien, ne baissent pas les bras. Ils refusent de se résigner, de laisser
faire. La montagne et la nature autour d’eux sont tellement belles, il faut
cesser leur destruction, surtout si cela entraîne des morts. Oui, ils ont peu
de moyens mais, c’est le cas de le dire, ils soulèveront des montagnes et se
remueront pour faire bouger les choses. Pendant ce temps, le PDG est blanchi,
il n’a rien à se reprocher…. Paraît-il…. Mais qu’y- a-t-il sous les apparences
bien lisses de cet homme et de sa société ? La lutte des jeunes gens n’est-elle
pas vouée à l’échec ?
Cette lecture m’a captivée. J’ai apprécié l’omniprésence des
Pyrénées, de l’environnement, des lieux présentés, tous sont évoqués avec
beaucoup de doigté et d’intelligence. Ce n’est pas seulement l’aspect écologique,
mais tout un ensemble qui démontre combien il est important de respecter le rythme
naturel de chaque coin du monde pour vivre en harmonie. Ce roman policier,
outre l’intrigue, est un véritable plaidoyer pour que le lecteur prenne conscience
de certains faits. C’est très bien pensé cette « double entrée ». Les
personnages ne sont pas trop caricaturaux, ils sont parfois dans le mal-être ou
la toute puissance mais sans exagération. On comprend vite que certains vont
être entraînés plus loin que ce qu’ils souhaitaient et qu’ils risquent de
souffrir. L’écriture est belle, parfois poétique, enrichie par des approches
très visuelles des lieux, j’avais presque l’impression de contempler des photos.
L’atmosphère, teintée de désespérance, est lourde de sens. À nous de ne pas
oublier, une fois le livre refermé.
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