"De l'or dans les collines" de C Pam Zhang (How Much of These Hills is Gold)

 

De l’or dans les collines (How Much of These Hills is Gold)
Auteur : C Pam Zhang
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Clément Baude
Éditions : Seuil (7 Janvier 2022)
ISBN : 9782021395938
336 pages

Quatrième de couverture

Lucy et Sam, filles d’immigrants chinois, sont désormais orphelines. Ma est partie depuis un moment, Ba vient de mourir dans la nuit. Les deux fillettes livrées à elles-mêmes entament alors un long périple au cœur d’une nature inhospitalière, peuplée d’individus agressifs et souvent racistes, à la recherche de l’endroit idéal pour enterrer leur père. L’une est raisonnable et avide de connaissances, l’autre arbore et assume une identité de garçon, refusant de se plier aux règles du monde. Très vite hors-la-loi dans un univers qui ne veut pas d’elles, Lucy et Sam vont se confronter au rêve amer de l’Ouest américain, portées par leur imaginaire où se mêlent tigres et bisons géants.

Mon avis

« C’est quoi la vraie richesse ? »

Ce très beau roman, à l’écriture aérienne et poétique se décline en quatre parties. La première nous parle d’un présent où Lucy et Sam, filles d’immigrants chinois, fuient avec le corps de leur père décédé. Leur mère n’est plus là pour les aider, l’argent manque, le choix de partir s’impose. Dans la deuxième partie, ce sont les souvenirs avec la mère qui resurgissent. En troisième, le paternel s’exprime. Il raconte comment il a connu son épouse, les liens qui se créent entre immigrés. Et dans la quatrième partie, on revient au présent, un peu plus tard, cinq ans après. On découvre ainsi l’évolution de Lucy et Sam, comment leur passé a conditionné leurs choix de vie et la relation à la fois trouble, troublante, mystérieuse, envoutante qui les unit.

Au début de ce récit, les deux fillettes avancent vers l’avenir avec un mort. C’est bizarre d’agir ainsi mais c’est parce qu’elles souhaitent offrir un bel enterrement à leur père, Ba. Il faut trouver le lieu, le moment, ce qui ira le mieux. Tout le vécu avec lui les assaillent, le travail dans la mine, la faim, le froid…. Le désir d’apprendre de Lucy, avec un professeur, monsieur Leigh, qui l’observe car il écrit une monographie…. Elles sont là, dans ce pays de grands espaces et de cow-boys, de chercheurs d’or, de villes qui apparaissent au bout de routes poussiéreuses. Les rencontres qu’elles font sont source de questions et leur permettent de continuer le chemin. Elles espèrent, elles aimeraient, elles voudraient… mais elles ne sont à leur place nulle part, elles ne sont pas d’ici, pas de là-bas non plus. Elles s’appartiennent et n’ont pas de racines. Pour autant, ce n’est pas une errance, chacune a soif de vivre sa vie, de pouvoir décider.

Est-ce que ce sera possible ? Parfois, il est plus facile de se faire enterrer (« elle a laissé une part d’elle-même toujours plus grande se faire enterrer. ») C’est plus confortable que de lutter sans arrêt, sans obtenir de résultat, mais sans être vraiment libre, quitte à s’oublier soi-même …..

« Qu’est-ce qui fait un chez soi ? » Lucy et Sam sont en recherche perpétuelle, avec un besoin constant d’exister, de trouver leur place, de prouver qu’elles ont le droit « d’être » tout simplement.
Elles pensent à leurs parents, à ce qu’ils ressentaient :

« Lui, c’était un monde perdu, voué à rendre le présent et l’avenir bien ternes en comparaison. Elle, c’était un monde si étroit qu’il ne pouvait accueillir qu’une seule personne. »

Il m’a fallu trois ou quatre pages pour rentrer dans ce récit. Au début, j’ai été un peu désarçonnée par le rythme, certaines phrases très courtes, d’autres plus longues, un style parfois épuré puis des détails, des descriptions de la nature qui campent un paysage, le rendant plus réel, plus visuel. Mais très rapidement, je me suis laissée porter par l’écriture (merci au traducteur) et par l’histoire singulière, belle et douloureuse comme une longue complainte, formée de couplets sombres et tragiques mais emplie d’un désir farouche de liberté, de vivre. C’est une lecture bouleversante, qui laisse une trace une fois la dernière page refermée. Quelle belle découverte !  


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