Amour,
meurtre et pandémie (Love and
Murder in the Covid Days)
Auteur: Qiu Xiaolong
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Françoise Bouillot
Éditions : Liana Levi (4 Mai 2023)
ISBN : 979-1034907878
226 pages
Quatrième de
couverture
Où sont passées les
échoppes des rues de Shanghai où se pressaient les gourmets ? La politique
sanitaire du gouvernement les a interdites. Chen, le légendaire inspecteur, ne
trouve un réconfort que dans la littérature et la poésie. Pourtant c’est à ses
talents d’enquêteur que le Parti fera appel pour résoudre une série de meurtres
qui touche le plus grand hôpital de la ville, déjà sous tension. Le mot d’ordre
: maintenir à tout prix la stabilité tout en prônant l’efficacité de la
politique zéro Covid.
Mon avis
La Chine change, la
Chine reste immuable
Ce n’est pas le premier
livre où je retrouve Chen Cao, ancien inspecteur de police de Shanghai, mis en
retrait (un peu forcé) de ses fonctions parce qu’il dérange. J’ai donc beaucoup
apprécié de lire une nouvelle aventure de cet homme qui, à son petit niveau,
essaie de lutter contre le parti chinois.
Cette fois-ci, c’est le
Parti qui fait appel à lui, ce qui est pour le moins surprenant puisque le but
est de le tenir à l’écart. Alors pourquoi ? Est-ce pour mieux le
manipuler, pour mieux le surveiller ou pour donner une sorte de légitimité à ce
qu’il découvrira, vu qu’il est plutôt bien considéré par les citoyens ?
Connaissant le PCC (parti communiste chinois), cette décision n’est certainement
pas anodine.
Trois meurtres ont été
perpétrés vers l’hôpital et Hou Guohua, le directeur du personnel de la
municipalité se déplace lui-même au domicile de Chen pour lui demander de
l’aide. Comme ce dernier est en train de travailler avec sa jeune secrétaire
Jin, c’est à eux deux (elle sera là pour l’accompagner dans ses investigations)
qu’on demande de résoudre et surtout de stopper cette série de crimes. En
effet, les bruits les plus fous courts. Nous sommes en pleine épidémie de
COVID, si du personnel médical est assassiné, n’est-ce pas parce qu’ils n’a pas
soigné, ou mal, certains malades ?
Chen est très surpris
qu’on lui confie cette tâche mais ça va lui permettre de sortir un peu, de
bouger, de s’occuper, et il accepte. Jin est enchantée. Cette jeune femme est
en admiration devant Chen. Elle a commencé par un peu de secrétariat avant de
l’assister. Sa sagacité, son esprit de déduction font merveille et elle apprend
énormément auprès de lui. Ils entretiennent une relation ambiguë car la liberté
a disparu de leur pays. Il y a d’ailleurs, tout au long du roman, outre des
extraits de poèmes dont est friand le policier, une comparaison avec
« 1984 » de George Orwell. C’est bien pensé et ça fait peur pour le
pays où ils vivent….
Au-delà de la résolution
des crimes, c’est l’atmosphère de cette histoire qui en fait toute sa richesse.
L’auteur par l’intermédiaire de ses personnages, nous présente plusieurs coins
du pays, dont ceux où le COVID est très présent. Une ombre plane en permanence,
c’est lourd, étouffant et anxiogène. Les habitants sont enfermés, contrôlés, surveillés
à l’extrême. Qiu Xiaolong dénonce ce qui s’est passé pendant la pandémie. Il
parle des mensonges, des fausses informations, de la manipulation des résultats
des tests, du fait qu’il faut ruser pour sortir, obtenir des nouvelles de sa
famille, ou tout simplement communiquer car tout, absolument tout, est sous
contrôle. « Nous n’avons pas seulement des caméras de surveillance
ordinaires, mais aussi des caméras de surveillance humaines que sont les
comités de quartier. » « Le nœud coulant du contrôle gouvernemental
n’avait cessé de se resserrer, et on ne pouvait pas négliger les problèmes que
risquait de vous causer un simple appel téléphonique. »
Le parti a lavé le
cerveau du peuple mais certains luttent encore. Pourtant n’importe qui, à
n’importe quel moment, peut être accusé de « délit de pensée ». Lire
des ouvrages comme celui-ci nous rappelle notre bonheur d’avoir encore une
certaine liberté de mouvement. Oui, nous devons être vigilants pour éviter les
dérives. Mais quand on imagine la vie en Chine, on frissonne… Amour, meurtre et
pandémie est bien plus qu’un roman, c’est une piqûre de rappel, peut-être même une
forme d’appel au secours.
Servi par une écriture délicieuse (merci à la traductrice) avec des poèmes choisis pour le message qu’ils offrent, ce texte m’a beaucoup touchée.
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