Le livre de Daniel (Het boek Daniel)
Auteur : Chris de Stoop
Traduit du néerlandais (Belgique) par Anne-Laure Vignaux
Éditions : Globe (4 Mai 2023)
ISBN : 978-2383612155
294 pages
Quatrième de couverture
Le Livre de Daniel, c’est l’histoire tragique d’un homme de quatre-vingt-quatre
ans assassiné à coups de fourche dans sa ferme isolée, par des jeunes paumés de
Roubaix qui veulent de l’argent, le filment avec leurs téléphones portables et
font circuler la vidéo de sa mise à mort sans aucune empathie. Le Livre de
Daniel, c’est aussi l’histoire de Chris de Stoop, le neveu de Daniel, qui,
après avoir enquêté dans le village de son oncle, en Belgique, décide de se
porter partie civile au procès des bourreaux de son oncle. Il ne cherche pas
réparation ; ce qu’il cherche, c’est à comprendre ce qui a mené cinq jeunes
désœuvrés au meurtre.
Mon avis
Chris De Stoop est un journaliste belge, c’est un homme
engagé. Il a notamment enquêté pendant un an (sous couverture) sur un réseau
international de trafic d’êtres humains. Dans ce livre, il parle de son oncle
Daniel, dont il est l’un des descendants parmi d’autres. Apprenant l’assassinat
de Daniel, il a décidé de se porter partie civile au procès des accusés. Pour
assister aux quinze jours de réflexions, témoignages etc, il a eu besoin de
comprendre. Mieux connaître Daniel, mieux cerner les jeunes fautifs. Non pas
pour juger ou obtenir une quelconque réparation, mais pour avoir des
explications.
Dans ce recueil, il redonne vie à son oncle, il libère la
parole de certains témoins, il analyse les faits, recherchant ce qui a pu
pousser des adolescents désœuvrés à commettre l’irréparable. Bien sûr, ils n’ont
pas eu une enfance facile, Ils n’ont pas trop réussi à l’école, ils vivaient
dans un coin perdu avec beaucoup de chômage et l’envie d’avoir une moto, un IPhone
etc…. Bien sûr c’est facile de trouver des excuses….
Chris de Stoop ne juge pas, il ne tombe jamais dans le
pathos. Il raconte Daniel, qui a repris la ferme parentale, qui était amoureux
(mais elle a dit non), qui maintenait les traditions et la façon de travailler
de ses parents. Il était respectueux de tout ça. Il vivait à l’ancienne, pas de
chéquier, pas de télévision…. Il faisait ses courses en tracteur et promenait
son argent avec lui. Marginal ? Non, libre.
« Dans sa ferme, derrière ses volets fermés et sa porte
barricadée, personne ne pouvait le voir ni l’entendre, il pouvait être
simplement lui-même. Libre. »
Pourtant, pour le psychologue qui a parlé aux accusés, « Daniel
Maroy s’est déshumanisé lui-même. » Il s’est placé en dehors de la
société et les bourreaux ne réalisaient pas qu’ils martyrisaient un humain…. Je
comprends aisément que cette phrase est « dérangée » l’auteur.
Il a attendu soixante-deux mois entre le décès de Daniel et
le procès. C’est long, très long….Il a rencontré des voisins, des commerçants, les
accusés, et il retranscrit tout cela d’une plume vibrante sans haine, ni
jugement. Il veut simplement répondre à la question « Pourquoi ? »
et il le fait très bien.
Les jeunes ont participé à des degrés divers, ils se sont
laissé emporter vers la violence. Ils ont fait les mauvais choix, sans se
douter que cela entraînerait des dommages collatéraux dans leur famille. Il est
intéressant de voir comment chacun s’est d’abord positionné, rejetant la faute,
minimisant ou assumant…Certains seront marqués à vie, par la prison, ou parce
qu’ils ne se pardonneront jamais d’avoir agi ainsi. D’autres passeront à autre
chose ou seront tiraillés sans cesse, hantés peut-être ….
D’autre part, « le vieux crasseux » comme certains
l’appelaient redevient « homme » dans ce texte, il existe, il vit, et
le lecteur ne pourra pas l’oublier.
L’auteur aborde des thématiques très actuelles. La
difficulté pour les agriculteurs de tenir lorsque l’exploitation est trop
petite et qu’un problème surgit (une panne sur un engin agricole et c’est tout
un budget qui bascule dans le rouge). Le désœuvrement des jeunes dans les
régions ou les villes où ils se cherchent, manquant de tout ce qui leur fait
envie et qu’il serait tellement plus cool de posséder. Alors, si de l’argent
facile est à portée de mains… D’ailleurs n’est-ce pas le vieux qui les a tentés
en montrant ses billets ?
Cette lecture est bouleversante. Chris de Stoop a le bon ton,
les mots justes (merci à la traductrice). Son texte l’a sans doute aidé à avancer,
il est porteur de sens et a dû faire du bien à tous ceux qui appréciaient
Daniel.
NB : Ce livre est resté numéro 1 des best-sellers aux Pays-Bas pendant longtemps.
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