Mon sous-marin jaune (Guli kafbáturinn)
Auteur : Jón Kalman Stefánsson
Traduit de l’islandais par Éric Boury
Éditions : Globe (4 Janvier 2024)
ISBN : 978-2267050288
410 pages
Quatrième de couverture
Un écrivain qui ressemble beaucoup à Jón Kalman Stefánsson
aperçoit Paul McCartney dans un parc londonien, en août 2022. L’ancien Beatles
est le héros de sa jeunesse, et le narrateur rêve de lui parler. Mais il lui
faut d’abord préparer cette conversation, trier ses souvenirs, mettre de
l’ordre dans l’écheveau d’émotions et de récits de toute sorte qu’il aimerait
partager avec son idole.
Mon avis
Le récit commence par les souvenirs d’enfance d’un homme, il
présente son lien avec les chansons des Beatles (dont « Yellow Submarine »
qui a donné le titre à ce roman), sa relation à la religion avec « l’Éternel »
présent dans son quotidien. C’était un gamin solitaire dont la mère a disparu
trop tôt et pour qui la communication avec son père était compliquée. On
apprend qu’il est devenu écrivain.
Et puis, on découvre ce monsieur assis dans un parc
londonien, il aperçoit Paul McCartney pas loin de lui. Il s’interroge, lui
parler ou pas ? Il aimerait bien mais est-ce une bonne idée ? Il
pense et remontant le temps, il partage ses souvenirs, ce qu’il a vécu, sa
solitude, son inquiétude, ses désirs… Il les laisse venir à lui comme ça dans
le désordre, un fil en tirant un autre …
Pour combler le vide laissé par sa maman et le peu d’intérêt
manifesté par son paternel, l’enfant lit la Bible, rencontre un Dieu, l’Éternel
qui n’est pas toujours aussi « aimant » qu’il l’imaginait. Un peu
comme son père. Il ne manifeste pas beaucoup d’intérêt pour son fils et ce
dernier se questionne sur son affection…. Pour ce jeune garçon, Dieu intervient
parfois mais pas forcément à bon escient, et il n’est peut-être pas celui qu’on
imagine….. « [….] en réalité le
Démon qui tente d’usurper son identité. Il y parvient si bien qu’il abuse tout
le monde. Ce qui signifie que depuis lors, depuis des millénaires, c’est en réalité
le Diable et non Dieu qui a façonné les hommes. » Alors il cherche des
réponses ailleurs.
C’est un livre sur la tristesse d’un enfant solitaire, qui
se construit au fil du temps, grâce aux rencontres plus ou moins réussies. Il
cherche l’amour dans le regard des autres, dans ses actes, dans sa passion pour
les Beatles qui lui apporte du réconfort.
Très personnel, déstructuré, le texte peut surprendre mais
il est très riche. Riche de lieux, de dates, de personnages, de réflexions
personnelles qui vont de plus en plus loin au fil des pages. Certains passages
sont emplis d’humour, presque jubilatoires. Lorsque l’auteur (le « héros »
du livre pas Jón Kalman Stefánsson, quoique….) prend une leçon de conduite et
perd tous ses moyens parce que l’assassinat de Lennon est annoncé à la radio, c’est
un pur moment d’humour et même de poésie. Le moniteur d’auto-école est très en
colère contre son élève qui a fait une bêtise, mais …..
« Il enfile ses lunettes et découvre Kolbrún dont la
beauté et la gentillesse le changent aussitôt en ange de douceur, réduisant à
néant le démon écumant et ses postillons. »
Ce recueil foisonnant, casse les codes de la temporalité, de
la linéarité. Très libre, Stefánsson ose, il se confie l’air de rien sous le couvert
d’une fiction. C’est un peu désarçonnant, surprenant, mais très original. Je
pense sincèrement que c’est même très fort, car cette espèce de « mosaïque »
en apparence sans queue ni tête est à mon avis quelque chose de parfaitement « construit »
dans l’esprit de Stefánsson.
L’écriture (merci au traducteur) est tour à tour presque « philosophique »,
lyrique, humoristique. On sent toute une palette de styles, mais pour autant
rien ne semble haché, c’est lié et fluide.
Une lecture exigeante mais une belle découverte !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire