Quand l’abîme te regarde
Auteur : Éric Emeraux
Éditions : Récamier (23 mai 2024)
ISBN : 978-2385771287
642 pages
Quatrième de couverture
Paris, août 2021. Le colonel Michel
Rinocci, dit Rhino, est le chef de l'Office central de lutte contre les
crimes contre l'humanité et les crimes de haine (OCLCH). Une mystérieuse
affaire de braquage le remet sur la piste de Vuk, son pire ennemi, présumé
mort. Ce criminel de guerre est le responsable de terribles exactions dont
Rhino a été le témoin impuissant en 1994, pendant la guerre en
Bosnie-Herzégovine. La traque reprend pour le colonel. Mais certains fantômes
du passé ressurgissent et bouleversent son fragile équilibre familial. De
chasseur, il devient traqué.
Mon avis
Éric Emeraux a été chef de OCLCH
(l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité et les crimes de
haine) et son roman est probablement inspiré de ce qu’il a vu, vécu et entendu.
Il plonge le lecteur dans un contexte riche, complexe où les hommes sont confrontés
à des situations plus que difficiles voire même insoutenables. Et ils n’ont qu’une
mission : tenir, résister et faire au mieux pour sauver ceux qui
souffrent.
En 1994 / 1995, le colonel Michel Rinocci, dit Rhino, chef
de OCLCH, était en Bosnie-Herzégovine. Un pays déchiré, éclaté où les conflits
entre ethnies sont d’une violence terrible. Rhino, à l’époque avec les chasseurs
alpins, était en mission pour obtenir des renseignements. Avec ses coéquipiers,
ils devaient être discrets, observateurs pour apporter à leurs chefs des éléments
de réponse. Mais surtout, il était indispensable qu’ils ne se dévoilent pas au
risque de se mettre en danger, de tout gâcher. Et c’est pour cela qu’en planque
ils ont assisté à des exactions traumatisantes, la torture d’êtres humains. La colère,
la culpabilité rongent Rhino. Il est hanté par ces faits, les images sont
restées imprimées sur sa rétine. Il n’a jamais oublié, c’est impossible pour
lui.
Il est maintenant en France, on est en 2021, le temps a
passé, il a élevé seul son fils, David. Il a toujours un côté imprévisible, un
peu électron libre et son boulot est sa principale occupation. Quelques fois,
David reproche à son père de « l’oublier », de ne pas tenir ses
engagements lorsqu’ils doivent se voir pour partager un repas, un concert….
Rhino le sait mais côté travail, il ne veut rien lâcher et essaie d’être
présent sur tous les fronts.
Août 2021, dans un hôtel particulier parisien, un braquage a
lieu. Un des malfrats est blessé et coincé par la police. Le capitaine Bonnier
de la DPJ (direction de la police judiciaire) remarque sur le bras de l’homme
hospitalisé un tatouage qui l’interpelle. Après quelques recherches, il s’avère
que c’est un criminel de guerre, recherché en Bosnie-Herzégovine. Bonnier
prévient Rhino qu’il connaît bien. C’est un choc pour ce dernier et en même
temps peut-être l’occasion de revenir sur le passé afin de tirer un trait
définitif et de le mettre vraiment derrière lui ?
Bien sûr, Rhino est loin de se douter où il met les pieds,
où cette rencontre fortuite va l’entraîner. Alternant le présent et le passé,
nous découvrons son quotidien en mission il y a vingt-sept en arrière et sa
volonté maintenant de venger ceux et celles qui ont subi l’impensable. On
pourrait alors lire une chasse à l’homme assez habituelle mais ce livre est
beaucoup plus travaillé que ça.
L’auteur a construit un récit aux multiples entrées, avec de
nombreux personnages (Il aurait pu être intéressant de les lister en début d’ouvrage
avec le lieu où ils interviennent mais ce n’est pas indispensable). Avec son expérience,
il peut nous expliquer les enjeux militaires, politiques, humains dont découlent
des décisions, parfois incompréhensibles quand on ignore les manipulations, les
mensonges, tout ce qui est tu pour des raisons diverses.
L’écriture est tonique, elle décrypte les événements dans un
style journalistique, qui peut sembler froid car il laisse peu de place aux
sentiments. Pourtant, le lecteur est traversé par des émotions variées surtout
si, comme moi, il s’attache à Rhino. C’est un homme à l’histoire peu ordinaire,
et j’ai trouvé excellent que sa vie personnelle soit en lien avec ce qui se
passe dans sa vie professionnelle. Il est tiraillé et peut perdre pied d’un
moment à l’autre, montrant que, finalement, il est humain tout simplement.
C’est une lecture assez exigeante pour ne pas mélanger les
lieux, les protagonistes, mais captivante avec des rebondissements pour
maintenir le rythme et l’intérêt. Éric
Emeraux a rédigé un texte ambitieux, réfléchi et il l’a réussi sans fausse
note.
NB : une préface du général Christophe Gomart, des
références musicales, des extraits de poèmes de Rimbaud apportent un plus à ce
texte foisonnant.
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