La trilogie de Copenhague - Tome 3 : Dépendance (Gift)
Auteur : Tove Ditlevesen
Traduit du danois par Christine Berlioz et Laila Flink Thullesen
Éditions : Globe (17 Octobre 2024)
ISBN : 978-2383612650
242 pages
Quatrième de couverture
Tove est désormais une poétesse publiée et reconnue, mais
c’est avec les aléas des relations conjugales qu’elle doit maintenant composer.
Alors que son premier mariage se défait, la jeune femme entre dans l’âge adulte
et apprend, de la plus dure des manières, que le monde des femmes n’est
décidément pas celui des hommes. L’appel de sa machine à écrire restera, comme
un phare dans le brouillard, ce à quoi elle s’accrochera.
Mon avis
Ce livre a été écrit en 1971, cinq ans avant le suicide de
l’auteur. On peut considérer que c’est le tome 3 de ses mémoires. Nous
découvrons Tove dans une période de sa vie où c’est une poétesse reconnue, avec
une certaine notoriété. Mais elle a toujours une personnalité trouble. Elle est
mal à l’aise avec les sentiments, elle aime sans aimer pour aimer, mais sans
vraiment s’investir dans la relation. Ce qui la porte, la nourrit, l’enflamme,
c’est l’écriture. Et pourtant écrire est resté longtemps secret et interdit
pour elle lorsqu’elle était jeune. Sans l’écriture, elle n’existe plus. Tout
lui semble fade. Son style est poétique, parfois épuré mais toujours porteur de
sens.
« Je n’ai que vingt ans, mais je sens bien que la
vie, hors de ces pièces vertes, file en fanfare pour les autres, alors que les
journées me recouvrent insensiblement comme de la poussière, l’une après l’autre,
toutes exactement semblables. »
Elle a besoin de poser des mots, de rédiger des poèmes, des
romans, ou de parler de sa vie comme dans ce recueil. Elle le fait avec un naturel
désarmant, sans filtre, ni pathos. Elle décrit ses émotions, les situations qu’elle
traverse, elle dit ses besoins, ses angoisses…. On la sent fragile et en
parallèle pleine de force lorsqu’elle prend une décision. Ella parle de ses
mariages, de ses choix face à la grossesse, de ses priorités. On a l’impression
qu’elle ne s’interdit rien ni dans son quotidien ni dans ce qu’elle choisit d’exposer
au grand jour par ce texte. De qui, de quoi est-elle vraiment amoureuse ? Des
hommes ave qui elle vit ou de ce qu’ils peuvent lui apporter ?
Elle raconte également ses dépendances, à l’alcool, à une
certaine forme de drogues. On pourrait être choqué qu’elle dise les choses
aussi crument mais son style (merci à la traductrice) sans fard, est limpide.
Elle n’en rajoute pas, elle rédige et par choix, elle dit tout. Elle en est attachante
et bouleversante de naturel, offrant son vécu avec une certaine simplicité.
Son récit évoque également la place de la femme dans la société
danoise à l’époque, entre 1940 et 1971 à peu près. Elle cherche la sienne,
comme si être « adoubée » en tant qu’écrivain n’était pas suffisant.
Pourtant c’est son seul moteur, son seul désir. Elle ne se cache pas, elle se
met à nu, quitte à déplaire, perdre le peu d’amis qu’elle a. Elle est en
perpétuelle lutte pour rester entière dans ce qu’elle veut être. Je pense
sincèrement que parfois, elle a fait de l’ombre aux hommes qui la côtoyaient et
que cela ne leur plaisait pas. Elle dérangeait mais jamais elle n’aurait
accepté de s’effacer.
On sent derrière cette femme régulièrement au bord de la névrose,
la petite fille qu’elle a été, celle qui voulait être écrivaine, qui se sentait
habitée par les mots, qui ne pouvait pas vivre sans écrire et qui le dit si
bien. J’espère que malgré tout ce qui a été difficile pour elle, elle a su être
heureuse.
Le titre original est Gift qui signifie à la fois marié et
poison. C’est très significatif pour ce recueil sombre et éblouissant à la
fois.
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