"Le vent passe et la nuit aussi" de Milena Agus (Notte di vento che passa)

 

Le vent passe et la nuit aussi (Notte di vento che passa)
Auteur : Milena Agus
Traduit de l’italien par Marianne Faurobert
Éditions : Liana levi (16 Janvier 2025)
ISBN : 979-1034910250
178 pages

Quatrième de couverture

Rêver est un droit. Un droit que revendique Cosima, la narratrice, qui porte un regard poétique et fantasque sur son quotidien. Quand elle quitte en fin de semaine Cagliari et son lycée pour rejoindre le village où vit sa grand-mère, toujours habillée en noir, son univers est habité par les personnages de ses auteurs préférés : Tchekhov, Tolstoï, Brontë et Deledda, icône de la Sardaigne. C’est dans un roman qu’elle se projette donc quand elle croise, dans le village d’origine de sa famille, le berger Costantino Sole.

Mon avis

Rêver est un droit absolu.

Cosima, la narratrice, est une jeune fille qui aime « littératurer » son quotidien.

«[…] je littératurais, sur les conseils de ma professeure de lettres, enrichissant en imagination les modèles originaux des choses, des personnes et des situations pour les rendre plus palpitantes. »

Elle rêve et s’invente une « autre réalité », le plus souvent, largement inspirée de ses lectures. Elle aime lire les grands classiques, les « visionner » dans son esprit et faire « comme si » les personnes qu’elle rencontre étaient issues de ces histoires qu’elle apprécie. Elle revendique haut et fort ce droit de rêver, de s’offrir des ouvertures vers d’autres possibles. Sans doute pour ne pas penser à ce qu’elle vit réellement dans une famille où l’argent manque cruellement.

« [..] je refusais tout simplement de perdre du temps avec les pires aspects du monde tant j’avais hâte de me réfugier dans le mien. »

On découvre sa mère et sa grand-mère, trois générations de femmes. Cette mamie qu’elle va rejoindre le week-end dans son village où elle espère croiser le berger, Costantino Sole, pour, peut-être, un grand amour. Il lui semble tout droit sorti d’une de ses lectures. En ville, à Cagliari, en semaine, c’est son meilleur ami, « signorino bandito » qui l’intéresse. Il vit avec ses parents qui sont très riches mais il ne veut pas de leur fortune. Chaque fois qu’il est en vacances, il part en mission humanitaire dans les pays pauvres. Il a grandi à Cuba et pour lui solidarité et partage sont indispensables. Ils s’entendent très bien, parlent en confiance et se respectent dans leurs différences.

Cosima a besoin de ces deux lieux, totalement différents, pratiquement à l’opposé l’un de l’autre, pour son équilibre. C’est la Sardaigne et ses contrastes. Suivant où elle se trouve, elle se glisse « dans les pages » du roman qui va bien, en phase avec ce qu’elle y vit.

« Madame, j’ai compris de quelles pages je devais m’échapper et dans quels livres je devrais rentrer. »

Quand elle va vers sa mamie, elle rapporte des œufs, des légumes pour améliorer les repas. La famille s’est installée à Cagliari parce que la mère aspirait à un monde plus juste où ils auraient pu s’en sortir financièrement …. Mais il faut compter sans arrêt, gérer la moindre dépense, faire des choix….

Cosima a besoin de rêver mais jusqu’où cette façon de fonctionner peut-elle l’accompagner ? N’est-il pas indispensable qu’elle garde les pieds sur terre pour ne pas souffrir d’un dur retour à la réalité ? C’est ce qu’on pourrait penser, en toute logique, mais « littératurer » lui est indispensable et on la comprend !

Dans ce récit, des citations extraites de livres sont glissés çà et là, des allusions sur Grazia Deledda, la seule écrivaine italienne à avoir reçu le Nobel de littérature. J’ai aimé sa construction, en lien avec les saisons, avec un printemps détaillé sur plusieurs mois …

L’écriture (merci à la traductrice) de Milena Agus est toujours aussi belle, poétique, pleine de sens, donnant une place à la nature, aux protagonistes comme si tout était là, sous nos yeux. Elle offre un regard magnifique sur la littérature qu’on la lise, l’enseigne ou l’écrive, elle nous rappelle qu’on la fait vivre !


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