Mémoire céleste (Voyager)
Auteur : Nona Fernández
Traduit de l’espagnol (Chili) par Anne Plantagenet
Éditions : Globe (6 Février 2025)
ISBN : 978-2383613275
176 pages
Quatrième de couverture
Le 19 octobre 1973, cinq semaines après le putsch mené par
le général Augusto Pinochet, la Caravane de la mort, l’escadron de l’armée
chilienne qui semait la terreur en opérant des raids dans tout le pays, a
conduit vingt-six prisonniers politiques dans le désert d’Atacama où ils ont
été sauvagement assassinés. Les corps n’ont jamais été retrouvés. Confrontée à
la mémoire défaillante de sa mère âgée, Nona Fernández se donne pour mission de
sonder cette violence omniprésente qui peine toujours à être reconnue en
exhumant les traces de ces vingt-six hommes.
Mon avis
Nous voici, ne nous oubliez pas.
Alors qu’elle accompagne sa mère, qui fait des malaises
imprévisibles (dont elle ne se souvient pas), à l’hôpital, Nona Fernández
observe les schémas de l’activité cérébrale de celle-ci pendant l’examen
médical. Elle établit alors un parallèle avec les étoiles, les constellations,
qui représentent quelque chose. Et cela l’entraîne dans le désert d’Acatama, au
Chili, où vingt-six personnes furent exécutées par la Caravane de la Mort (un
commando qui supprimait les opposants à Pinochet quelques jours après le coup d’état
en septembre 1973).
Ce drame a été terrible. Les corps ont été enterrés n’importe
comment puis déterrés pour être jetés à la mort afin de ne pas laisser de
traces… Les familles n’arrivaient pas à « faire leur deuil ». Nona Fernández a
rencontré une épouse qui tenait à retrouver les ossements de son époux pour lui
donner une sépulture correcte. Elle a cherché pendant des années sans jamais
baisser les bras.
Une proposition de créer une constellation « mémoire »
pour eux a été faite par Amnesty International (Le désert d’Acatama est un lieu
exceptionnel pour observer le ciel). Elle nous explique comment cette
proposition a été mise en place puis elle rebondit sur des souvenirs d’enfance
toujours en lien avec le ciel.
Présenté comme cela, on peut imaginer un récit confus mais
ce n’est pas le cas, c’est remarquablement bien construit et très intéressant. À
travers ses réflexions sur le cosmos (où les étoiles brillent quand elles meurent
et ne sont peut-être plus vivantes lorsqu’on voit leur lumière…), sur la vie et
la mort, sur les combats des hommes contre la dictature, sur ceux qui perpétuent
le souvenir pour qu’ils ne « disparaissent pas », Nona Fernández
tisse un livre qui se démarque. Elle a une écriture (merci à la traductrice) emplie
de délicatesse. En parlant du passé, le sien avec sa mère et sa grand-mère,
celui de ceux qui ont été assassinés et de leur famille, elle lutte contre l’oubli.
Et en le faisant, elle laisse « vivant » chaque humain qui un jour a
dit « non » et a mis en place ce qu’il fallait pour empêcher les
exactions ou ceux qui se sont donné les moyens de « laisser » une
trace pour les générations futures.
Ce témoignage, car c’est ainsi que je le vois, est fort,
puissant, porteur de sens. En le rédigeant, l’auteur continue la révolte contre
la violence, le racisme, la bêtise humaine, contre tout ce qui ne va pas dans
ce monde gangréné par l’égoïsme, le désir de puissance. Certains penseront que
ça ne sert à rien de se battre car c’est très difficile, voire insurmontable
quelques fois, mais il ne faut jamais désespérer. C’est bouleversant à lire et
ça m’a donné envie de découvrir les autres titres de cet écrivain.
Les écrits, comme celui-ci, sont là pour la mémoire, pour le passé, le présent mais aussi le futur afin que l’espoir soit toujours une flamme vive dans nos vies et nos esprits.
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