"La coquetière" de Linda D. Cirino (The Egg Woman)

 

La coquetière (The Egg Woman)
Auteur : Linda D. Cirino
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claude Bonnafont
Éditions : Liana Levi (5 Mai 2022)
ISBN : 979-1034905997
210 pages

Quatrième de couverture

En 1936, dans le sud de l'Allemagne, à la lisière de la Forêt-Noire, Eva mène une existence monotone dans la ferme familiale. Un jour, alors que son mari est sur le point de partir pour l'armée, elle découvre un étudiant caché dans son poulailler. D'instinct, elle le protège et l'abrite. Cette présence déroutante va pourtant bouleverser sa vie...

Mon avis

C’est en hommage à ses grands-parents juifs qui ont fui la Pologne pour s’installer aux Etats-Unis que l’auteur a écrit ce délicieux roman. C’est un bijou de délicatesse avec une écriture fine et peu importe que l’histoire soit improbable tant le personnage principal est attachant.

Les parents d’Eva lui ont trouvé un mari, se libérant ainsi d’un souci. Un paysan comme eux, d’ailleurs elle ne sait faire que ça, aider aux travaux agricoles. L’époux n’est pas violent mais pas aimant non plus.

« Le temps manque pour penser aux sentiments, à supposer qu’il y en ait. »

Il a pris femme pour tenir la ferme avec lui et elle accomplit ses tâches avec beaucoup d’application. Pas une minute pour faire autre chose entre les animaux, le potager, le ménage, la cuisine, la lessive. Elle a peu de contact avec l’extérieur, presque « protégée » car elle est loin de tout, elle est parfois un peu candide sans être naïve. C’est elle qui s’exprime et qui raconte son quotidien.

Le récit commence en 1936, on est en Allemagne. Son compagnon doit combattre et elle reste seule sur l’exploitation avec ses deux enfants adolescents censés l’aider avant et après la classe. Eux, ils se lassent rapidement et préfèrent agir pour Hj, Hitlerjugend, les jeunesses hitlériennes auxquelles ils croient.

Eva est bien isolée et doit faire face à tout. Elle est surveillée par les officiers du gouvernement et comme c’est difficile de tout assumer, elle se sépare de certains animaux pour se consacrer uniquement à son poulailler. Elle doit aller au village et découvre un autre « monde ». Elle développe son petit commerce et puis un jour, surprise, il y a un étudiant en fuite caché dans l’enclos des volatiles. Elle décide de se taire et une étrange relation se noue entre eux.

À sont contact, elle ouvre les yeux, elle comprend le sort des juifs, elle déteste cette injustice, les choix du gouvernement mais elle se heurte aux idées affirmées de ses enfants alors, elle garde ses pensées pour elle. Elle réalise que la jeune Eva ne savait rien de la vie…

« Il m’avait ouvert les yeux sur un fléau parmi bien d’autres et montré comment je pouvais le combattre […] »

Elle chemine, elle « grandit », elle murit, elle découvre la vie, car même au marché où elle vend œufs et poulets, elle est « obligée » de se plier à certaines « normes ». Elle réalise qu’elle n’a pas toujours le pouvoir de décider et qu’on lui impose d’agir d’une certaine façon. Mais au fond d’elle-même, elle reste une femme courageuse, forte, droite dans ses bottes, convaincue par ce qui est juste pour elle.

Ce texte est lumineux. Eva rayonne, scintille, son portrait la rend terriblement humaine.

L’écriture est fluide (merci pour la traduction), la vie à l’époque est bien décrite, présentée sous différents aspects, c’est très bien fait !

Coup de cœur !

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