"Masque de sang"' de Lauren Kelly (Blood Mask)


Masque de sang (Blood Mask)
Auteur : Lauren Kelly
Traduit de l'anglais par Valérie Malfoy
Éditions : Albin Michel (5 Janvier 2011)
ISBN : 978-2226218704
310 pages

Quatrième de couverture

Sous le pseudonyme de Lauren Kelly, la grande romancière Joyce Carol Oates, Prix Femina 2005 pour Les Chutes, poursuit en parallèle une carrière d’auteur de suspense. Vénéneux et diabolique, ce roman nous propulse sur la scène underground new-yorkaise, où Drew Hildebrand, riche et fantasque mécène, provoque le scandale autour d’une exposition de "bio-art" qui présente fœtus et masques de sang humain, dont un à sa propre effigie. Est-ce pour cela qu’elle disparaît de sa propriété au bord de l’Hudson ? Seul indice sur les lieux : un crucifix.

Mon avis

Ce livre s’ouvre sur un prologue de quelques pages qui plante le décor, nous serons dans un milieu d’artistes d’avant-garde …

Puis une première partie où nous allons faire connaissance avec Marta qui vient d’être trouvée, droguée, battue, la mémoire et le corps en lambeaux …
Les chapitres se suivent avec une écriture mêlant faits et pensées, décousues (du fait de la drogue) de Marta. Elle est en proie à des hallucinations, des cauchemars, ne sait plus où est la vérité et qui croire.
On apprend, que dès qu’elle l’a recueillie, Drewe a changé le prénom de sa nièce : Annemarie est devenue Marta. Comment « se construire » dans ses conditions ? Continue-t-on d’être soi ou devient-on une autre, façonnée par ceux qui nous appellent autrement ?
Marta ne fait-elle pas tout ce que souhaite sa tante pour être reconnue, aimée, jusqu’à s’oublier elle-même ?

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" Grâce à toi, Marta, j’espère redécouvrir la vie. Ce qu’est la vie, pas simplement ce qui arrive dans la vie. "

" …. anxieuse et impatiente de savoir si j’étais aimée, si je serais embrassée comme avant, dans ces bras assez forts pour, l’eût-elle voulu, faire craquer mes côtes.".

Quel difficile « héritage » pour la nièce de Drewe ! Quel lourd fardeau sa tante lui dépose sur les épaules !
Dans cette deuxième partie, l’analyse de la relation tante/nièce va être approfondie, nous aurons un regard sur le passé, la construction de « cette vie à deux », et pas toujours à deux …
Marta cherche à se faire aimer, Marta se pose des questions, Marta se sent coupable, se remet
en cause …

Les chapitres qui s’enchaînent, remettent en place petit à petit, lentement, au gré de la mémoire blessée de Marta, les événements qui se sont déroulés dans le passé et qui expliqueront en partie le présent, que l’on a découvert au début du roman.
L’étude psychologique des personnages et des relations qu’ils entretiennent est bien faite. C’est parfois angoissant, prenant, car le rythme des pensées de Marta est douloureux, torturé, entrecoupé par les questions qu’elle se pose sans cesse : est-ce vraiment « ma mémoire » ou un rêve ?

Les réflexions sur l’art et ses limites sont intéressantes. Qu’est-ce que l’art ? Jusqu’à quel point peut-on investir « de soi » dans l’art ? Cette « étude » n’a pas été sans me faire penser à Orlan, cette femme artiste pratiquant « L’art charnel ». C’est dérangeant, c’est gênant.
A-t-on besoin de la drogue, des excès pour stimuler ses sens et réussir ses œuvres d’art ?
Jusqu’où peut-on aller dans l’utilisation du corps ou d’une partie du corps au nom de l’art ? Où commence-t-il, où s’arrête-t-il ? Quelle est sa place ? Comment réagir face aux provocations violentes des artistes, qui nous touchent, nous remuent? N’agissent-ils pas ainsi dans le but de choquer, de faire parler d’eux ?

La troisième et dernière partie, beaucoup plus courte, nous donnera la clef de toute l’histoire et ce n’est pas sans frissonner que nous découvrirons ce qu’il en est …

Ce roman policier n’est pas un roman ordinaire, l’écriture de qualité s’adapte aux situations évoquées et la construction du récit est bien pensée.
Le sujet traité n'est pas courant et la façon de l'aborder change des récits habituels.
Les personnages se repèrent facilement, ils ne sont pas nombreux et leur caractère bien déterminé, pas de confusion possible !
C'est une lecture prenante, qui sera peut-être angoissante pour certains. Je laisse à chacun le choix de se lancer, ou pas, dans cette découverte.

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