Le chasseur de lucioles
Auteur : Janis Otsiemi
Éditions : Jigal (15 Février 2012)
ISBN : 978-2914704830
204 pages
Quatrième de couverture
À Libreville, une prostituée est découverte sauvagement
assassinée dans un motel de la périphérie. Les agents de la PJ - de fidèles
abonnés des bordels de la capitale - pensent tout d'abord à un crime de
rôdeur... Quand une seconde fille est retrouvée égorgée dans un autre hôtel du
quartier, les policiers sont encore loin d'imaginer qu'ils ont affaire à un
client bien décidé à nettoyer la ville de toutes ses lucioles... Celui qui te
veut du mal la nuit a commencé à t'en vouloir le jour. C'est dans ce climat de
psychose générale que les gendarmes de la DGR enquêtent de leur côté sur le
braquage d'un fourgon de la Société Gabonaise de Sécurité dont le butin de
plusieurs millions de francs CFA attise bien des appétits...
Mon avis
Qui lira ce polar
découvrira la sombre Afrique....
L’Afrique, le Gabon, Libreville, ce n'est pas seulement le
soleil, une certaine nonchalance parfois doublée de volupté, une vie avec ses
hauts et ses bas, ses riches et ses pauvres...
Non, l'Afrique, ce n'est pas seulement cela....
Il y a à Libreville, des hommes corrompus jusqu'au cou, des
tricheurs, des menteurs, des violents, des conflits d’intérêt, des pots de vin,
...
Bon, d'accord mais dans d'autres pays aussi, alors à quoi
bon lire ce roman ?
D'abord pour le style de l'auteur, langage imagé, proverbes
(typiquement africains) jetés de ci, de là (et surtout en début de chapitre) : « Deux villages n’ont pas une fontaine
commune », ironie mordante empêchant le lecteur de s’arrêter sur les scènes
un peu plus difficiles. Il faut d’ailleurs remarquer que l’auteur ne s’appesantit
aucunement dans les détails, ne donnant pas dans le « gore ». Il plante le
décor, décrit les faits sans en rajouter. Son écriture est incisive, précise
mais tempérée de pointes d’humour de façon régulière.
Ensuite, pour l'envers du décor, les enquêtes conjointes
servant de prétextes pour explorer au plus profond une partie de la population,
ses douleurs, ses faiblesses, ses problèmes, ses angoisses, ses peurs face au
chômage, découvrant ainsi les ethnies qui se côtoient parfois avec difficulté,
les personnes dont on ne sait pas si on peut leur faire confiance, leur donner
plus parce qu’elles sont en situation irrégulière ou parce que leur
comportement ne semble pas « clair » …. . Le tout dans une ambiance chaude,
sableuse, poussiéreuse, aride, sèche … A tel point qu’on en vient à se demander
si les faits ne pourraient pas être différents si l’air était moins lourd, si
une légère brise soufflait … On dirait presque que la chaleur accentue le
mal-être, étouffant toute possibilité de prendre du recul ….
Tout n'est pas rose (sans jeu de mot ;-) mais très sombre.
Chômage, corruption, propagation du SIDA, vivre sans papiers
sont le lot quotidien de beaucoup plus de personnes qu'on ne l'imagine dans
cette ville.
Quelquefois, il est plus facile de gagner l'équivalent de
plusieurs mois de salaire avec un tout petit trafic qui ne fera pas forcément
de vous un gros délinquant qu’en cherchant en vain une activité rémunérée…
Comment résister à l’appât du gain ? Comment rester intègre ? La frontière est
parfois bien mince...
Dès le début « on sait » (même pas besoin de lire les
dernières pages) : un homme tue...Qu'est ce qui pousse un individu à basculer
du jour au lendemain dans la sauvagerie, l'horreur et la barbarie ? Se dire que
l'on n'a plus rien à perdre suffit-il à justifier l'inconcevable ?
J'aurais souhaité que les raisons qui ont poussé Georges à «
passer de l'autre côté de la barrière » soient développées un peu plus même si
on peut mettre ses actions sur le compte d’une certaine impulsivité accompagnée
de colère.
Les personnages esquissés assez rapidement sont intéressants
dans l’ensemble.
Georges qui aime la mer, aurait pu être attachant s’il
n’avait pas commis l’irréparable. Les différents enquêteurs ont le mérite de
vouloir comprendre, souhaiter aller plus loin que la simple découverte des
fautifs. Ils essaient de comprendre les motivations pour mieux cerner les
individus et de ce fait les arrêter.
Les dialogues sont vifs, alertes, écrits avec la « langue de
là bas » ce qui nécessite de temps à autre une traduction en bas de page.
Une bonne lecture, un auteur qui se démarque par son style
donc une excellente découverte.
Qui fermera ce polar
aura un auteur de plus à mettre sur ses listes ….
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