L’hiver des enfants volés
Auteur : Maurice Gouiran
Éditions : Jigal (15 mai 2014)
ISBN : 979-1092016192
250 pages
Quatrième de couverture
Lorsqu’un soir d’hiver 2013, Samia frappe à la porte de la Varune , Clovis se doute très
vite qu’elle a besoin de son aide… Samia, Clovis l’a rencontrée en 82, alors
qu’il était encore correspondant de guerre. Avec son ami François, ils avaient
sorti la jeune Palestinienne des massacres de Sabra et Chatila… Depuis, elle
lui a préféré François, mais Clovis n’avait jamais rien pu lui refuser. Et
justement, François a disparu. Il a quitté sa paisible retraite du marais
poitevin pour Barcelone afin d’enquêter sur deux accidents étranges… Depuis,
plus de nouvelles ! Parti immédiatement à sa recherche, Clovis va, au cours de
ses investigations, voir brutalement réapparaître le spectre des enfants volés
aux familles républicaines par les franquistes. Un scandale et une véritable
affaire d’État ayant perduré jusqu’au milieu des années 80. Mais que vient
faire François dans cette histoire ? Lui qui semble avoir beaucoup dérangé lors
de son enquête… Et qui de fil en aiguille, va faire ressurgir de son propre
passé un autre drame effroyable…
Mon avis
L’Histoire regorgeait
d’oublis….*
Maurice Gouiran a l’art de ressortir des faits oubliés ou
que l’on cherche à faire oublier (si on creuse un peu, on s’aperçoit que notre
Histoire en fourmille) puis de les mettre en exergue dans ses livres avec une
écriture qui ne mâche pas ses mots. Mais comme il s’agit de roman, on ne peut
rien lui reprocher ….
Cette fois-ci, c’est l’affaire des « enfants volés du
franquisme » qu’il porte à notre connaissance. Dans les années 1940-1950
(voire même plus tard), plus de 300 000 garçons et filles ont été arrachés
à leur mère (à qui on disait que leur enfant n’était pas viable ou était tombé
malade puis décédé) pour être vendus à des couples en attente d’adoption. Tout
ceci organisé par des médecins, des fonctionnaires complices et des religieuses
« bien sous tout rapport » …. Un trafic terrible, un de ces événements
pour lesquels on fait l’autruche mais, ce n’est pas nouveau, le passé nous
rattrape toujours….
Clovis et François étaient grands reporters aux quatre coins
de la terre. Au Liban, ils ont sauvé Samia d’une mort certaine, elle avait
échappé de peu aux phalangistes qui mettaient le pays à feu et à sang. Elle
s’est rapprochée de François, l’a épousé, Clovis s’est effacé. Les années ont
passé et soudain, dix ans après leur dernière rencontre, Samia débarque, seule,
chez Clovis (qui était bien tranquille chez lui, au coin du feu et qui n’avait
aucune envie d’être dérangé) et elle lui demande de l’aide. François, parti en
Espagne pour faire un reportage (il lui arrive encore de réaliser quelques
piges) n’a pas donné de nouvelles depuis quelque temps, ce qui ne lui ressemble
pas du tout. Elle donne à François les éléments en sa possession : un accès
à la« boîte cloud » (données stockées sur internet) de son mari et
l’adresse de l’hôtel espagnol où il était hébergé.
Nous partons avec François en Espagne. Nous le suivons dans
son enquête, ses rencontres, ses entretiens, ses raisonnements. Parallèlement,
nous découvrons quelques pages de Beyrouth en 1982 (la connaissance de Samia)
mais aussi tous les documents entreposés sur le cloud. Ces derniers sont datés,
précis et apportent un complément d’informations intéressantes sur le passé et
le présent mais pas que …. c’est du lourd ce qu’on découvre et on se prend à
ouvrir wikipédia des fois que l’auteur en ait rajouté, qu’il ait interprété,
des fois que ce ne soit pas si noir, si injuste, si « dégu… » que ce
qu’il décrit, des fois que …. mais que nenni…… et tout cela n’est pas si loin….
Alors, on fait nôtre la recherche de François, puis celle de Clovis voulant
retrouver son pote, on fait nôtre la cause de ces adoptés qui se sont révoltés,
qui ont voulu comprendre, savoir qui était leur mère, si elle les aimait ….
On s’accroche, on espère, tout ne peut pas être foncièrement
mauvais, il y aura bien des entrevues positives, des sursauts d’espoir, pour
nous donner le temps de respirer, de souffler, de nous poser…oh, à peine, tant
le style et le ton de Maurice Gouiran sont vifs, alertes, efficaces, concis…
Pas d’atermoiements, de tergiversations, c’est sobre. Des
faits rien que des faits mais des faits qui secouent l’homme ou la femme qui
lit car l’auteur a cette force d’écriture qui nous poussent à nous sentir
proches, presque intimes de ses personnages, tant ils sont humains, vrais.
Ce recueil est classé dans la collection « polar »
de chez Jigal, je l’associerai plus à un roman « noir » par le sujet
qu’il aborde. Maurice Gouiran a retracé un épisode dramatique de l’Histoire
espagnole sans jamais sombrer dans le glauque et le pathos. La bonne littérature, c’est ça aussi :
gratter ou ça fait mal et vous laisser le cœur en vrac….
* phrase extraite du livre
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