Le corps et l’âme (Body and Soul)
Auteur : John Harvey
Traduit de l’anglais par Fabienne Duvigneau
Éditions : Payot & Rivages (6 Janvier 2021°
ISBN : 978-2743651770
288 pages
Quatrième de couverture
L'ultime aventure du personnage de Frank Elder, inspecteur
de police à la retraite, qui doit intervenir dans une affaire à laquelle est
mêlée sa fille Catherine. Une enquête
mêlée à un drame intime.
Mon avis
Si on considère le titre de ce roman dans son édition originale,
il s’appelle « Body and Soul » comme le titre d’une chanson de Billie
Holiday qui date de 1957. Un de ces airs de jazz empreint de mélancolie, de
blues, à la fois triste et beau, oscillant entre différentes émotions, vous
laissant seul face à la mer (comme sur la première de couverture), comme si,
finalement, pour mieux comprendre la vie, il fallait parfois la laisser vous
bercer de nostalgie…
Franck Elder s’est éloigné de sa femme Joanne, et de sa
fille Katherine. Il habite loin d’elles, en Cornouailles. Il n’est plus dans la
police, il vit de petits boulots et parfois il aide le commissaire du coin. Un
jour, sa fille sonne à sa porte. Il y a sept ans, à seize ans, elle a été
séquestrée, torturée, violée et c’est lui qui l’a retrouvée. Le traumatisme est
toujours vif pour l’un comme pour l’autre et leurs conversations manquent de
naturel. Elle ne s’attarde pas et il ne sait pas comment réagir…..
Un peu plus tard, un peintre, Anthony Winter, est retrouvé
assassiné dans des conditions atroces. Il s’avère que Katherine posait pour lui
et qu’ils étaient très proches. Une enquête est diligentée, elle est souvent
interrogée et son père va essayer de l’aider. En parallèle, l’homme qui l’avait
enfermée, s’enfuit au cours d’un transfert entre deux établissements pénitentiaires.
Frank reprend du service, sans que tout cela soit officiel, pour aider ceux qui
cherchent le tortionnaire. Il est porté par l’amour qu’il éprouve pour sa
fille, il ne peut pas rester sans agir. Cette « enquête » est pour
lui l’occasion de faire le point sur sa vie, ses erreurs, ce qu’il aurait aimé
faire différemment, ce qu’il est, ce qu’il souhaite. On sent un homme qui se
questionne, a-t-il eu raison de partir ? Sa fille a-t-elle été fragilisée par
son « abandon » ? Est-ce qu’elle se serait sentie plus sereine,
plus rassurée s’il était resté ? A-t-il été égoïste ? On sent toute
la douleur de ce père face à cette multitude d’interrogations. Et la peur, bien
vivante, ancrée, de se tromper encore une fois alors que Katherine a besoin de
lui. Alors, il se donne, à fond, « corps et âme », pour elle, pas
forcément pour se racheter (d’ailleurs, peut-on se racheter de ses erreurs
passées ?), simplement pour être en paix avec lui-même, peut-être ? J’ai
trouvé bouleversant l’attitude de Frank Elder, sa façon de gérer les
différentes situations, les efforts qu’il fait pour se reprendre, pour avancer.
L’écriture intimiste, belle, poétique, musicale (avec de
nombreuses et magnifiques références) m’a conquise. Elle a « un je ne sais
quoi » de sublime. La souffrance sourd entre les lignes, elle habite le
roman mais elle n’est pas douloureuse car Elder la porte, certes comme un
fardeau, mais elle n’envahit pas les pages, probablement parce qu’elle est
évoquée avec discrétion, finesse, intelligence. Le style est sobre, posé,
chaque mot (notamment dans les dialogues) a du sens.
L’auteur parle de l’art, des liens complexes entre les
modèles et les artistes, il évoque la difficulté des relations familiales quand
une personne ne va pas bien, le rôle des parents, des amis. Tout ce livre est imprégné
d’une ambiance douce-amère qui m’a charmée. Ce récit est comme le jazz, il vous
envoûte, vous captive, et vous accompagne longtemps….
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