Un dîner chez Min (Inspector Chen & Judge Dee)
Auteur : Xiaolong Qiu (traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Adélaïde Pralon
Éditions : Liana Levi (4 Février 2021)
ISBN : 979-1034903641
256 pages
Quatrième de couverture
Le légendaire et dérangeant inspecteur Chen est sur la
touche. Le Bureau de la réforme du système judiciaire, une voie de garage
destinée à l’éloigner des enquêtes trop indiscrètes, pourrait le satisfaire en
lui laissant le temps d’écrire un roman inspiré par le célèbre juge Ti. Mais on
ne se refait pas, et la tentation d’aller fourrer son nez dans une affaire qui
bruisse dans Shanghai–celle mettant en cause une belle courtisane qui ouvre sa
table privée aux éminences et aux Gros-Sous de la ville–est plus forte que la
sagesse.
Mon avis
C’est toujours un immense plaisir de retrouver l’écriture
raffinée de Xiaolong Qiu (merci à la traductrice) ainsi que son inspecteur Chen
Cao. Comme l’auteur, Chen a étudié la littérature anglaise, et il aime les
poèmes, mais ils ont un autre point commun : ils dérangent tous les deux.
Sans doute parce qu’ils osent exprimer ce que les dirigeant chinois veulent
cacher. A savoir les difficultés quotidiennes pour certains (travail,
transports, logements etc), la corruption des hommes politiques, la forte
présence du Parti qui surveille, dirige, musèle la parole…..
Dans ce nouvel opus, Chen est toujours « puni ».
De façon élégante, mais sans lui laisser le choix, il a été mis en retrait, et
nommé directeur du Bureau de la réforme du système judiciaire. Actuellement en
congés de convalescence, c’est sa jeune secrétaire Jin qui gère les dossiers.
Il a l’intention de profiter de son temps libre pour écrire un roman inspiré
par le célèbre Juge Ti mais de temps à autre, l’inaction lui pèse.
Alerté par un vieil ami, il apprend qu’une jeune courtisane
Min a été accusée d’avoir assassiné son aide en cuisine, Quing. Un homme de l’ombre
est prêt à payer une jolie somme pour éclaircir l’affaire et innocenter la Dame
Républicaine (c’est ainsi que Min est surnommée). Il faut savoir que Min
recevait chez elle pour des dîners privés très prisés et très chers. Le soir de
la mort de la servante, plusieurs hommes étaient venus manger, n’ont-ils pas
observé des tensions entre les deux femmes ?
Si Chen a très envie de creuser l’affaire (on ne se refait
pas, mener des investigations est un vrai besoin pour lui), il doit être
discret et ne pas trop se mettre en avant. En discutant habilement avec sa
secrétaire, cette dernière va s’emparer des pistes qu’il glisse ça et là, l’air
de rien et elle lui apportera des éléments de réponse. Cette collaboration est
une nouveauté et c’est une excellente idée. Leurs idées se complètent et leurs échanges
permettent d’avoir un autre regard sur les faits. La surveillance restant importante,
ils doivent agir avec discernement et doigté. Chen se sert aussi d’autres
personnes de sa connaissance pour avoir des indices mais habilement.
Chen est attentif au moindre détail, il observe et fait le
parallèle entre ce qu’il cherche et ce qu’il voit. Contempler un cerf-volant et
le voir s’envoler peut lui apporter une information sur son enquête. J’aime la
façon dont ces indices sont amenés par l’auteur, c’est subtil. Il y a une atmosphère
très gouleyante dans ce récit. Le goût des bons mets est évoqué par l’intermédiaire
des plats, de leurs odeurs, de leur texture. En outre, les extraits de poèmes et
le lien avec le passé sont également importants. Chen utilise une enquête du
juge Ti pour réfléchir à celle qui mène et en parler à mots couverts en
établissant des parallèles. C’est astucieux et c’est amusant de voir comment il
réussit à contourner la surveillance, l’air de rien. C’est presque un jeu. Mais
il doit être vigilant et extrêmement prudent.
« La nouvelle nomination de Chen n’était peut-être
qu’un piège diabolique. Congé ou pas, tôt ou tard, il serait bien obligé de
parler des problèmes du système judiciaire et tout ce qu’il dirait serait
retenu contre lui comme autant de preuves du complot qu’il fomentait contre le
Parti. »
Il est stupéfiant de constater que tout, absolument tout
peut être interprété et se retourner contre les personnes. Min la courtisane, se
retrouve dans un shuanggui, un mode de détention très sévère, plutôt utilisé
contre les cadres du Parti qui dérapent. Pourquoi une telle procédure contre
elle ? Pour l’isoler de qui, de quoi ? Jalousie, vengeance, envie de
pouvoir et de richesse, amour, rapports entre les uns et les autres sous les
yeux de ceux d’en haut, tout cela est évoqué avec finesse et intelligence par l’auteur.
Je me suis totalement délectée de ce roman ! C’est une réussite !
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