Au paradis je demeure (Heaven, my home)
Auteur : Attica Locke
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne Rabinovitch
Éditions : Liana Levi (3 Février 2022)
ISBN : 979-1034905157
320 pages
Quatrième de couverture
Le lac Caddo, une immense étendue d’eau verdâtre aux confins
du Texas et de la Louisiane, où les silhouettes décharnées des cyprès se
perdent dans la brume. Quand le soir
tombe, mieux vaut ne pas y naviguer seul, sous peine de ne plus retrouver son
chemin dans les innombrables bayous et de « passer une nuit au motel Caddo »,
comme disent les anciens. C’est d’ailleurs parce qu’un enfant a disparu sur ce
lac que Darren Mathews, Ranger noir du Texas, débarque à Hopetown, un lieu
reculé habité par une communauté disparate.
Mon avis
Darren Matthews est un Texas Ranger à peau noire, que ses
supérieurs trouvent parfois un peu « désobéissant ». Il est marié à Lisa.
Son union a été fragilisée et après plusieurs consultations avec un conseiller conjugal,
ça va mieux. Il a fallu qu’il abandonne le travail sur le terrain et qu’il se
cantonne à un emploi de bureau qui lui convient moins, mais c’était le prix à
payer pour garder son couple en vie. Bell, sa mère, qui ne l’a pas élevé, tant
elle était une poivrote notoire, le fait chanter suite à une affaire
précédente. Lui, il « court » après sa reconnaissance, son amour, il
essaie d’avoir une relation filiale et il galère car elle le manipule.
Darren est envoyé près du lac Caddo où un jeune garçon de
neuf ans, Levi, a disparu. C’est l’occasion pour lui de mener à nouveau l’enquête.
Le père de l’enfant est en prison, chef de la fraternité aryenne, il fait du
trafic de drogue. La mère s’est mise en
ménage avec un autre homme, pas plus net que le paternel. Darren est envoyé
là-bas avec une double mission : retrouver le gamin si possible mais
surtout essayer d’obtenir des informations sur la FAT (fraternité aryenne du
Texas) afin de faire tomber cette « organisation terroriste » dixit
son chef. Lorsque Matthews arrive sur les lieux, à Hopetown, il découvre un melting-pot
à l’équilibre délicat. Dans la ville de Jefferson, à vingt-cinq kilomètres, il
y a des blancs riches, qui dirigent tout et œuvrent dans l’ombre. Mais là, un peu
plus loin, des blancs pauvres, quelques indiens (ayant réussi à rester sur
place) et Leroy, un vieil homme noir grincheux vivent dans des caravanes ou des
masures. D’ailleurs, le petit Levi ayant « cherché » Leroy plusieurs
fois, ne serait-ce pas lui qui l’aurait kidnappé et tué ? Est-ce que ce
serait un crime raciste ? Ou y-a-t-il d’autres enjeux ?
C’est un polar d’atmosphère que nous offre Attika Locke. On
sent l’ambiance poisseuse entre les hommes, leurs relations faussées. Certains
s’imaginent avoir la suprématie (on est un mois et demi avant l’investiture de
Trump) et profitent de leur statut pour écraser les autres. Même Darren
souffre, son insigne ne le protège pas de tout et c’est très compliqué pour
lui. En plus, comme il est en « délicatesse » avec ses amis, ses
collègues (peut-être qu’il n’a pas tout dit sur sa dernière affaire), il avance
sur des œufs, en surveillant ses arrières en permanence tant il a peur d’être
coincé. Il n’y a pas que les éléments liés aux rapports entre les personnages
qui impulsent un « climat ». Il y a également les lieux :
Jefferson où la grand-mère de Levi joue à merveille un double-jeu, odieuse sous
une façade souriante ; menteuse sous des dehors policés ….et surtout le
bayou, les lacs, avec la mousse, des herbes qui bouchent la vue, de la vase
collante, les moustiques qui marquent la peau…..
Ce que j’apprécié dans les récits d’Attika Locke, c’est que
le contenu (à savoir ici une intrigue pleine de ramifications) est autant
travaillé que le contexte. C’est riche à tout point de vue, les protagonistes ont
des caractères bien campés, les faits ne sont pas simples et linéaires et il y
a une réelle et profonde réflexion sur le pays, le Texas plus précisément. Sans
sombrer dans la politique, l’auteur s’interroge. Est-on d’un pays quand on
cherche sa place très souvent, quand on doit parfois justifier le droit d’exister,
d’avoir un métier ? En outre, elle a une écriture élégante (merci à la
traductrice), délicate et un style porteur de sens. Le fond et la forme sont en
parfaite harmonie et je ne peux que recommander cette lecture.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire