"Sa préférée" de Sarah Jollien-Fardel

 

Sa préférée
Auteur : Sarah Jollien-Fardel
Éditions : Sabine Wespieser (25 Août 2022)
ISBN : 978-2848054568
212 pages

Quatrième de couverture

Dans ce village haut perché des montagnes valaisannes, tout se sait, et personne ne dit rien. Jeanne, la narratrice, apprend tôt à esquiver la brutalité perverse de son père. Si sa mère et sa soeur se résignent aux coups et à la déferlante des mots orduriers, elle lui tient tête.

Mon avis

Prix du roman FNAC 2022, un texte coup de poing.

Si j’avais agi. Si seulement ….

Combien de personnes sont hantées par ces petites phrases commençant par « si…. »
Jeanne est jeune lorsqu’on fait sa connaissance. Avec des phrases courtes, hachées, emplies de colère, elle explique son quotidien où la violence de son père la détruit. Sa mère, soumise, ne fait pas grand-chose… Le lecteur, impuissant, se sent mal à l’aise et espère que les choses vont aller mieux au fil du temps quand la petite fille prendra son indépendance.

Mais comment s’en sortir lorsqu’on traîne un passé lourd, chargé, où la rancœur et la rage restent omniprésentes ? Jeanne, en grandissant, reste cynique, désabusée, bizarre. Elle choisit de ne pas se confier, de ne pas trop en dire, de ne pas s’investir…

« Je détricotais mon passé jusqu’à le rendre supportable. »

C’est une lecture qui ne laisse pas indifférent. Le rythme d’urgence, comme si les mots se bousculaient, nous prend à la gorge, aux tripes. C’est seulement dans les dernières pages que le flot se calme, peut-être parce que les explications, les découvertes qu’a fait Jeanne, l’ont aidée à comprendre son histoire. Pas forcément à l’accepter, mais à la comprendre. Parfois, elle répète des mots, pour mieux s’en imprégner, pour insister sur la marque qu’ils impriment en elle. Entourée de taiseux dans ce canton suisse où tout se sait mais rien ne se dit, elle souffre en silence, ne se sent ni aimée, ni aimable, ni soutenue encore moins accompagnée dans sa douleur…. On peut se demander si les mêmes faits, ailleurs, auraient été tenus secret de la même façon. Dans ce coin de montagne, les habitants sont particulièrement adeptes du « chacun ses problèmes ».

Portrait d’une femme blessée, ce roman noir est fort, puissant, bouleversant. L’auteur y a mis beaucoup d’elle, non pas pour une autobiographie mais pour offrir aux femmes son cri de colère.

Elle dit d’ailleurs dans les entretiens avec les journalistes : « Je suis née en colère. Je ne peux pas faire autrement. »

Situé dans les années 70, ce récit ne reprend pas des événements réels mais il parle de tous ceux qu’on a trop souvent mis sous le tapis parce qu’il faut faire comme si…

Ah que ses « si » font du mal et sont dangereux !

C’est difficile après une lecture comme celle-ci de dire qu’on a beaucoup aimé. Certains pourraient imaginer qu’on se fait plaisir à lire des choses violentes.

Et pourtant, laissant une trace indélébile, ce titre sera un coup de poing, coup de gu… mais surtout un coup de cœur.


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