Parfois le silence est une prière (Life Sentences)
Auteur : Billy O'Callaghan
Traduit de l’anglais (Irlande) par Carine Chichereau
Éditions : Christian Bourgois (11 Mai 2023)
ISBN : 9782267050981
290 pages
Quatrième de couverture
Au milieu du XIXe siècle, à seize ans, Nancy quitte la
petite île de Clear pour laisser derrière elle son enfance marquée par les
famines et la mort. Elle trouve un emploi à Cork, dans le sud de l’Irlande,
mais quand elle tombe enceinte après s’être laissé séduire par le jardinier, sa
vie prend une tournure dramatique. Son destin, et celui de ses enfants et
petits-enfants, sera marqué par la misère et la honte, mais aussi par le
courage et la volonté de vivre dignement.
Mon avis
« D’autres mots encore, ils sont tous en moi parce
que je les ai conservés ainsi qu’un oiseau affamé entrepose des miettes volées,
et à certains moments, je les sors et me les répète, en en tirant le maximum,
puisque c’est tout ce que j’ai. » *
Trois générations, trois retours sur l’histoire de l’Irlande
et celle de la famille de l’auteur puisque ce récit est en partie inspiré des
souvenirs de sa grand-mère et de ce qu’elle a appris des générations précédentes.
Un texte remarquable, empli d’émotions, faisant la part belle à la résilience
de ceux qui ont souffert de leur condition mais qui se sont battus pour s’en
sortir. C’est beau, émouvant, enrichissant, captivant.
On commence avec Jer en 1920, puis on poursuit avec Nancy,
sa mère en 1911 et on termine avec Nellie, la petite fille, en 1982, alors qu’elle
est âgée et arrive en fin de vie. Chaque partie est écrite à la première
personne, laissant la parole au personnage représenté. Chacun parle de sa vie,
de son passé, des siens, de ses difficultés, oscillant entre hier et maintenant.
Tous ont été confrontés à des situations difficiles. La mère a eu des enfants
sans être mariée, le fils a subi la guerre et d’autres vicissitudes, Nellie se
souvient d’un événement douloureux…. Mais tous trois sont restés debout,
droits, faisant le maximum pour continuer à avancer en étant honnête et fidèle
à eux-mêmes.
L’écriture de Billy O'Callaghan (merci à la traductrice) est
lumineuse, pleine de sensibilité et de délicatesse. Lorsqu’il décrit, dans la première
partie, la guerre et ses horreurs, il le fait avec « intelligence »
(je ne trouve pas d’autres mots). Bien sûr, c’est dur, choquant (comme les
scènes évoquées) mais le phrasé reste presque poétique et c’est tellement
fluide qu’on peut tourner la page sans rester bloqué sur ce qui est horrible et
ainsi poursuivre notre lecture. Son style sublime les mots, ils sont choisis
(et je souligne le travail exceptionnel de Carine Chichereau) pour coller au
plus près des ressentis, du quotidien partagé avec le lecteur. On est
immédiatement dans l’histoire, au cœur de ce qui se joue.
En lisant ce roman, j’ai pensé au cinéaste Ken Loach qui
montre la misère, les combats de ceux qu’on oublie, les conflits sociaux… Plusieurs
fois j’ai ressenti que les protagonistes de cette famille auraient eu envie d’agir
autrement mais qu’il fallait obéir à une règle : « on reste à sa
place » et on ne se mêle pas de ce qui ne nous regarde pas (même si
parfois….) parce qu’à l’extérieur, il ne faut pas faire parler de soi ou des
siens. Les femmes sont fortes, s’accrochent pour sortir de la détresse dans
laquelle elles sont que ce soit financièrement, moralement, physiquement… Elles
ont de la volonté et du caractère, elles sont admirables. Loin d’un quotidien
facile, elles captent chaque bribe de petit bonheur. Parfois c’est noir, rude,
la vie ne fait pas de cadeau mais toujours elles se relèvent et continuent.
Trois destins ordinaires vécus par des personnes
extraordinaires. Un livre magnifique !
*page 20
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