La promesse (Das Versprechen)
Requiem pour un roman policier
Auteur : Friedrich Dürrenmatt
Traduit de l’allemand par Alexandre Pateau
Éditions : Gallmeister (5 Octobre 2024)
ISBN : 978-2351788714
194 pages
Quatrième de couverture
Dans un bois des environs de Zurich, la petite Gretl Moser
vient d’être assassinée à coups de rasoir. Confronté au terrible regard d'une
mère dévastée, le commissaire Matthias promet de trouver le meurtrier. La
police arrête un potentiel coupable, qui avoue avant de se suicider, mais
Matthias est persuadé que le véritable tueur court toujours. Hanté par cette
affaire, il décide de le traquer seul, en lui tendant un piège aux conséquences
tragiques. Une promesse est une promesse, mais la fin justifie-t-elle toujours
les moyens ?
Mon avis
Le titre : « La promesse », a été rédigé en
1958 et « retravaillé » pour être étoffé plusieurs fois. Ce roman est
en lien avec un scénario de film que l’auteur a écrit. Dans le film, on s’attache
au crime et à la résolution de l’enquête. Dans le livre, sous-titré « requiem
pour un roman policier », il met l’enquêteur et une affaire qui l’obsède « au
cœur du texte », au centre du « débat ».
Dans ce recueil, un conférencier (dont le but est de guider pour un écrire un bon
polar) est interpelé par un spectateur, un ancien commandant. Ce dernier explique
à l’orateur qu’il n’a pas captivé son public parce qu’il n’avait pas les bons « codes ».
Il se décide à partager une histoire qu’il a vécue, pour qu’il comprenne qu’on
ne maîtrise jamais tout, que résoudre une enquête n’est pas soumis à une
logique parfaite.
Pour appuyer son propos, il l’emmène en voiture et s’arrête
dans une station-service où se trouve son ancien coéquipier, Matthias. Celui-ci
avait promis, des années auparavant, à une famille de retrouver l’assassin de
leur petite fille. C’est devenu une idée fixe, une obsession, alors que fait-il
là ?
C’est le policier qui raconte à la première personne. Il
résume les faits : un crime sordide sur une fillette, un coupable
probable, et son copain Matthias persuadé que le prédateur court toujours et
décidé à mettre en place un piège pour l’arrêter. Il y a une mise en abyme de ce
qu’il s’est passé et des conséquences que cela a entraînées. Il analyse tout ce
qui a eu lieu et comment cela a joué sur la « vie » de son adjoint,
sur son esprit, en transformant son quotidien, à tel point qu’il pouvait agir
de façon insensée.
Un grain de sable peut modifier un destin, voire plusieurs
par ricochet. C’est ce qu’essaie de démontrer l’ex enquêteur à celui qui
voulait donner des conseils pour créer un bon texte policier. Et le lecteur le
constate également. Matthias a fait demi-tour pour ne pas abandonner ses
investigations. Il s’est « noyé » dedans, s’est perdu, a été déçu de
voir que rien n’avançait, mais a toujours espéré tenir sa promesse. C’est ce
qui « le tient » debout même dans un état pitoyable…. Mais ce n’est
pas ainsi qu’il pensait à son avenir.
Merci au nouveau traducteur. J’ai trouvé l’écriture profonde
et intéressante. D’autant plus qu’elle parle des rapports humains, de la
volonté de réparer ce que l’on pense être une erreur et d’empêcher d’autres
méfaits. Ça se déroule dans un petit coin de Suisse qu’on imagine sans peine,
les personnages et les lieux sont décrits avec précision car ils font partie du
décor et jouent parfois un rôle, la météo aussi. On voit comment les événements
peuvent agir sur le caractère de chacun, changer les liens qui unissent les
personnes, surtout quand elles tiennent compte du regard des autres…
De nombreuses références sont présentes, à commencer par le
petit chaperon rouge qui part en forêt …. Cela permet de faire des parallèles et de se
questionner : peut-on tout se permettre dans la recherche de la vérité ?
« […] notre devoir premier consistait à ne pas
dépasser nos limites, sans quoi nous ne ferions qu’ériger un État policier. »
La folie peut-elle tout excuser ? Peut-on se cacher
lorsqu’on a une conviction ?
J’ai beaucoup apprécié cette lecture qui aborde le thème du roman policier sous un angle totalement différent, un peu comme de l’intérieur, « à l’envers ». Il n’y a pas surenchère d’actions. Cela peut paraître assez lent mais c’est parce que tout est décortiqué avec doigté.
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