La maison des regards (La casa degli sguardi)
Auteur : Daniele Mencarelli
Traduit de l’italien par Nathalie Bauer
Éditions : Globe (4 Avril 2024)
ISBN : 978-2383612803
320 pages
Quatrième de couverture
À vingt-cinq ans, Daniele, un poète, se noie dans l’alcool
pour oublier la crise existentielle qu’il traverse. Alors que sa mère, déchirée
de voir son fils se faire du mal, lui propose de mettre fin à leurs jours
ensemble, Daniele se résout à prendre un emploi d’agent d’entretien dans le
plus grand hôpital pédiatrique européen, l’Enfant-Jésus à Rome. Très vite, le
jeune homme à la sensibilité exacerbée pense abandonner, tant l’injustice et la
douleur qui s’imposent à ces enfants malades dépassent l’entendement et les
mots. Mais le quotidien, la camaraderie et la solidarité qui se créent avec les
collègues et les patients lui montreront l’authentique visage de la vie, levant
le voile épais des ténèbres qui l’empêchait de vivre.
Mon avis
L’écriture exerce une forme de possession impitoyable.
Daniele est poète, depuis deux ans, il connaît un certain
succès et commence à être « reconnu ». Et puis, d’un coup, le vide,
plus rien, un trou noir et une vie qui lui échappe… Est-ce que ses écrits ont
un sens ? A-t-il un but ? À quoi servent les poèmes ? Les
questions, lancinantes, le hantent. Il est en pleine crise existentielles et il
n’écrit plus….
« Or la poésie témoigne de la souffrance, elle ne la
soigne pas. Les mots m’accompagnent depuis toujours, ils sont cristal et
racine, voyage et lame, ils sont tout, sauf un remède. La poésie ne soigne pas,
elle ouvre, découd, dénude. Mais la force de faire de la poésie, je ne l’ai
plus. »
Son quotidien est fait d’alcool, de nuits agitées, de
journées passées à dormir ou récupérer, voire à chercher sa voiture, le plus
souvent accidentée. Il se détruit mais ne peut plus s’arrêter tant il est accro
à l’alcool. Il blesse ceux qui l’aiment et qui le voient plonger, s’enfoncer….
Ses quelques amis ne le suivent plus. Hébergé chez ses parents, ceux-ci se
désespèrent de la situation. Ils n’en peuvent plus et sa mère lui propose un
suicide à deux car il souffre et elle aussi. « Comme ça, on arrêtera de
souffrir. »
Est-ce le déclic ? Peut-être ou pas. Toujours est-il
qu’il accepte, sans enthousiasme, un travail d’agent d’entretien dans un très
grand hôpital pédiatrique de Rome. Chaque matin, se lever, pointer, tenir un
horaire, assumer les différentes tâches qui lui sont confiées, finir sa
journée, tenter de ne pas boire pour revenir le lendemain …. Est-ce possible
pour lui ou est-ce insurmontable ?
Il découvre l’esprit d’équipe, les collègues, ceux avec qui on peut
établir un contact, ceux qui sont plus méfiants, les chefs qui ne laissent rien
passer, ceux sur qui on peut compter…. Et au-delà de tout, il prend en pleine
figure, le regard, les regards des jeunes malades, vides ou encore vifs,
quelques fois espiègles. Il côtoie la mort, il réalise que tout est fragile…
Mais son âme de poète hyper sensible ne supporte pas la détresse de ces
enfants, leurs souffrances... alors il replonge, parfois se relève plus ou
moins droit, plus ou moins solide…
Il est confronté à ses démons intérieurs et à ce qu’il vit dans
ce milieu hospitalier où les valeurs, les rapports humains, les échanges ne
sont plus les mêmes. Est-ce qu’il a peur ? De ce qu’il ressent ? De
ce qu’il voit ? On ne sait pas forcément comment se comporter face à la
maladie sévère, qui ne laisse que peu ou aucun espoir…
Alors, il apprend. Ses coéquipiers lui enseignent la
légèreté, la capacité à sourire face aux embuscades de la vie.
Il s’accroche, essaie de repousser ses addictions. Cabossé,
abîmé, parfois prêt à fuir, il montre combien certaines rencontres ont pu
influencer le cours de son destin et l’aider à avancer dans le bon sens, sans
rien exiger en retour.
« Ce qui me terrifie vraiment, c’est ce temps de
passage entre la personne que j’ai été ces dernières années et celle que je
serai, c’est la construction du nouveau moi. »
C’est avec une écriture (merci à la traductrice) d’une
surprenante lucidité, que Daniele Mencarelli nous parle de sa descente aux
enfers, de ses problèmes, de ses hauts, de ses bas. Son chemin a été long,
difficile. Il a dû se battre contre lui-même et rien n’étant jamais acquis, il
devra faire preuve de vigilance. J’ai
particulièrement aimé son rendez-vous avec le directeur et ce qui en découle,
c’est beau ! J’ai également aimé la place de la poésie dans son parcours.
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