Sentir mon corps brûler
Auteur : Aure Hajar
Éditions : Eyrolles Poche (4 Septembre 2024)
ISBN : 978-2416007118
360 pages
Quatrième de couverture
« Je crevais d'être vue par eux, voulue par eux, admirée
d'eux. Leur approbation conditionnait ma vie. Alors je les flattais et leur
donnais ce qu'ils attendaient, je croyais ainsi m'émanciper, m'éloigner de ma
mère, défier des règles ancestrales ou religieuses. J'étais en vérité leur
esclave. » Quand Lila emménage à Paris pour y étudier le droit, tout lui semble
à portée de main. Pourtant, à la faculté, la réalité des rapports sociaux la
rattrape. Ses camarades des beaux quartiers respirent l'assurance et la
sécurité, elle enchaîne les petits boulots pour payer son loyer. Une situation
qui la rend invisible. Alors, protégée par un pseudonyme, Lila commence à se
prostituer sur Internet.
Mon avis
La précarité étudiante existe et elle est encore très
présente en France. Elle touche des jeunes qui ne peuvent pas joindre les deux
bouts sans un boulot à côté. Sauf qu’avoir une activité professionnelle ce sont
des heures qu’on ne consacre pas aux études. Manque de sommeil, malbouffe,
logement juste salubre etc… Difficile de tenir bon dans ces conditions.
C’est le cas de Lila, qui s’installe à Paris pour suivre une
fac de droit. Sa mère est marocaine, son père n’est pas là. Il faut qu’elle se
débrouille au milieu de tous ceux qui ont plus de ressources financières. Elle
ne peut pas vraiment les fréquenter, les suivre dans leurs sorties, ses
finances ne lui permettent pas de s’offrir le luxe de quelques extras. Ils sont
sûrs d’eux, à l’aise, elle se sent gênée et peine à trouver sa place, comme si
elle n’existait pas.
Que faire, que décider ? Lorsque l’occasion de gagner
rapidement, beaucoup d’argent, en peu de temps, se présente, Lila fonce. Elle
sera escort girl. Ce qu’elle n’imagine pas, ce sont les dérives. Les hommes qui
demandent n’importe quoi, qui exigent toujours plus, qui sont violents, qui ne
paient pas…. Et l’obligation de faire comme si pour recevoir son dû, ne pas
être ennuyée ….
Pour supporter tout cela, Lila se dédouble. Son corps n’est
qu’un accessoire, sa personne s’efface, elle n’est pas là, elle s’évade…. Mais
la souffrance physique, le traumatisme de certaines situations, tout cela ne
peut pas être nié, oublié. Même si elle l’enfouit, elle y pense …
« J’ai compris depuis que nos choix, ou même les
options qui se présentent à nous, ne sont que rarement le fruit du hasard ;
ils découlent de notre histoire. »
Dans ce roman, Aure Hajar emploie parfois des mots crus parce
qu’on ne prend pas de gants dans la « putosphère », le corps est
outil mais à quel prix ? Les cauchemars qui hantent les nuits, les
douleurs qui brûlent le ventre le jour, la peur omniprésente d’être rejetée par
la famille si elle découvre cette triste réalité, par les quelques amis…
L’auteur explore les facettes du sexe qu’on pourrait appeler
facile, avec les passes rémunérées, le cinéma porno… Elle explique l’engrenage
qui broie, l’escalade pour gagner un peu plus, le quotidien compliqué. Elle
souligne la difficulté à créer des liens, à faire confiance à un homme, les
images qui restent présentes, qui envahissent l’esprit. Son écriture brute,
sans pathos nous noue les tripes.
Malgré une fin que j’ai trouvé un peu rapide, c’est un récit
qui fait mal, qui met une claque. On peut se demander comment une jeune femme
peut en arrive là. Et elle nous renvoie cette question principale : qu’est-ce
que la société offre comme solutions pour aider ceux qui souhaitent apprendre
et se retrouvent face à d’énormes problèmes financiers ?
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