"Le chant du prophète" de Paul Lynch (Prophet Song)

 

Le chant du prophète (Prophet Song)
Auteur : Paul Lynch
Traduit de l’anglais (Irlande par Marina Boraso
Éditions : Albin Michel (2 Janvier 2005)
ISBN : 978-2226481481
304 pages

Quatrième de couverture

À Dublin, un soir de pluie, deux hommes frappent à la porte d’Eilish Stack. Membres d'une toute nouvelle police secrète - le GNSB -, ils demandent à s'entretenir avec son mari, enseignant et syndicaliste, mais celui-ci est absent. Larry se rend au commissariat dès le lendemain, puis disparaît dans des circonstances troublantes. Tandis que le malaise s'installe peu à peu, Eilish voit son quotidien et celui de ses quatre enfants amputés d'une liberté qu'elle tenait pour acquise. Bientôt l'état d'urgence est déclaré, les rumeurs parlent de camps d'internement...

Mon avis

On se croit protégé, à l’abri, on pense que tout ça, ces choses horribles, ces droit bafoués, c’est loin de nous… Et puis, un jour, quelqu’un frappe à la porte et tout bascule…

C’est ce qu’il se passe, un soir chez Eilish et Larry, à Dublin. Elle est microbiologiste, il est prof et syndicaliste (adjoint au secrétariat général du syndicat des enseignants d’Irlande), ils ont quatre enfants, une maison, une vie bien remplie. Il se bat pour les droits des enseignants, c’est normal, c’est son rôle, veiller et agir. Manifester aussi si besoin. Ce n’est pas, encore, interdit…

Mais ce jour-là, des agents de la nouvelle police secrète, dont on ne connaît pas vraiment la mission, si ce n’est qu’elle a été mise en place suite à l’état d’urgence pour le pays afin de gérer la crise, toquent à la porte et demandent à voir Larry. Il est absent, en réunion. Il devra se rendre au commissariat dès le lendemain, sans attendre. Lorsqu’il rentre, cette visite l’interroge. Et le jour suivant, il se rend au rendez-vous. Il apprend, avec stupéfaction qu’il y a eu un signalement contre lui.

« [..]vous vous conduisez comme quelqu’un qui sème la discorde et l’agitation. »

Il doit faire « son examen de conscience » et prouver qu’il suit bien les règles. Lui, il considère qu’il remplit sa fonction de syndicaliste et qu’il exerce ses droits civiques. Le dialogue est impossible et il ne rentre pas chez lui.

Son épouse, ne le voyant pas revenir au domicile familial, se renseigne, se bouge, se bat. Elle doit faire preuve de discernement, ne pas se mettre en danger ainsi que leurs enfants. Mais que faire lorsqu’elle se heurte au silence des autorités ? Elle risque de perdre ses droits, de ne pas obtenir des papiers pour le petit dernier. Elle sent que tout lui échappe, comme si le gouvernement voulait les enfermer, les emprisonner, les étouffer…. Sa situation d’épouse d’un, peut-être agitateur, l’isole. Elle devient paria, rejetée…

En luttant, jour après jour, pour les siens, Eilish réalise que le bonheur se tenait dans des tas de petites choses ordinaires du quotidien, rien que le fait d’être en famille…. Autour d’elle, le monde se fracasse, s’écroule, se délite. L’ordre se détraque, le chaos s’installe… C’est insidieux, au début, on croit qu’il n’y a rien ou presque et puis, les libertés sont grignotées petit à petit, l’étau se resserre, le couvre-feu s’installe, les « zones » de déplacement aussi…

Ce roman parle de ce qui existe dans certains pays où tout est remis en cause et où les habitants doivent choisir entre fuir et tout abandonner pour l’inconnu, ou rester près de leur famille et essayer d’agir, en espérant un mieux.

L’écriture de Paul Lynch est immersive (merci à la traductrice), anxiogène. Le style indirect nous plonge dans l’histoire, nous empêchant de respirer, de prendre une pause. On est au cœur des événements, on a le sentiment de voir, de vivre, ce qui est présenté. On suit la répression, la violence, la peur, les angoisses… On est au cœur des pensées d’Eilish, qui a une période de déni avant de comprendre. Son esprit vagabonde, elle peut faire des incursions dans ses souvenirs puis revenir aussitôt au présent. Elle doit prendre des décisions mais comment savoir ce qui est le mieux ?

Ce récit, terriblement réaliste, bouleversant, est un hommage à tous ces peuples qui luttent dans l’ombre. C’est aussi un rappel à l’ordre pour prendre conscience de notre bonheur et tout faire pour garder notre liberté …. Soyons vigilants.


"Le vol du héron" d'Isabelle Beaujean

 

Le vol du héron
Auteur : Isabelle Beaujean
Éditions : BOD (22 mars 2024)
ISBN : 978-2322524426
254 pages

Quatrième de couverture

Il y a des histoires qui sont prétexte à d'autres histoires... Amzaëll est policière. Une simple fonctionnaire ambitionnant simplement de bien faire son boulot. Et puis un jour, on lui donne l'occasion de faire plus... Un jour où tout, progressivement, va basculer. Au fil d'une seule enquête, c'est toute sa propre vie, marquée par un décès, qui va s'ouvrir à une rencontre, un secret, une folie peut-être... Mais le plus fou, hormis l'énigme policière, c'est que tout est vrai ! TOUT. Même l'impossible. Surtout l'impossible !

Mon avis

D’abord, il y a la couverture avec cette photo magnifique et ce titre mystérieux, superbement calligraphié. 

Ensuite, on rentre dans l’histoire, un départ classique, des policiers enquêtant sur des meurtres commis certains jours sur des individus très choisis … mais rien n’est figé, on le réalise rapidement.

Et puis, il y a l’écriture de l’auteur qui magnifie chaque mot, chaque expression pour les obliger à donner le meilleur d’eux-mêmes. Une atmosphère au cordeau suivant le lieu et les personnages qu’on y croise. On peut passer de l’angoisse à la tendresse, de la curiosité à l’horreur. C’est un subtil mélange des genres dans une unité constante.

Dans l’équipe de police, Amzaëll, une nouvelle recrue qui vit avec sa maman vieillissante. Entre elles, un lien à la fois fort et délicat fait de regards, de silences, de pensées communes, de non-dits aussi. Se confier, trop en dire, est-ce se fragiliser, prendre le risque de se perdre ?

Amzaëll est plutôt affectée aux chiens écrasés, aux petits délits. Pourtant, elle aimerait participer à de grandes investigations, arrêter un tueur en série, résoudre une affaire criminelle. Cela tombe bien, son supérieur l’appelle dans son bureau et lui demande de travailler en binôme avec le capitaine Martinot, un collègue. Il n’a pas l’habitude de partager ses recherches, d’échanger, elle non plus. Il va falloir qu’ils créent un lien ces deux-là, qu’ils s’écoutent, qu’ils parlent de leurs hypothèses, évoquent leurs idées, leurs conclusions.

Si ce roman démarre avec une intrigue que l’on aurait pu retrouver dans un autre livre, ça ne dure pas. Très vite, tout devient différent. On sent le mystère qui s’installe, qui se tisse de pages en pages. On avance sur la pointe des pieds, enveloppé dans une aura énigmatique, où on essaie de discerner le vrai du faux. On le sait pourtant, c’est écrit dans la quatrième de couverture : tout est vrai, même l’impossible…

J’ai aimé cette lecture, à la frontière du réel et de l’imaginaire. Elle m’a emportée dans une ambiance enveloppante, mystérieuse et intéressante. Les protagonistes ont des failles car ils sont humains et je me suis souvent interrogée sur ce qu’ils allaient devenir. On peut tout envisager …

Isabelle Beaujean a mis beaucoup d'elle dans ce texte, avec beaucoup de tendresse, frôlant l'intime et nous laissant deviner, entre les lignes, tout ce qui l'habite. 

La partie « Pour en savoir plus » dans les dernières pages est un atout supplémentaire pour mieux comprendre les choix de l’auteur, ce qu’elle a choisi de nous faire découvrir à travers un texte riche en émotions.

NB : quelques illustrations, çà et là : c’est superbe !

"Kay Scarpetta - Tome 28 : Identité inconnue" de Patricia Cornwell (Identity Unknown)

 

Kay Scarpetta - Tome 28 : Identité inconnue (Identity Unknown)
Auteur : Patricia Cornwell
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Dominique Defert
Éditions : JC Lattès (14 Mai 2025)
ISBN : 978-2709674942
386 pages

Quatrième de couverture

Le Dr Kay Scarpetta est appelée sur une très étrange scène de crime : dans un sinistre parc d’attractions abandonné, un corps à la peau curieusement rouge a été retrouvé au centre d’un agroglyphe de pétales. Horrifiée, elle découvre que la victime n’est autre qu’un homme qu’elle a autrefois aimé, Sal Giordano. Pour Lucy, la nièce de Kay, la forme géométrique ne laisse aucun doute : l’astrophysicien a été jeté dans le vide du haut d’un objet volant non identifié. Les autorités, elles, s’interrogent sur la loyauté du scientifique envers sa nation et le débat fait rage. Mais lorsque l’autopsie révèle un indice que son ancien amant semble lui avoir volontairement laissé, la cheffe de l’institut médico-légal entrevoit une explication à la fois plus simple, et bien plus terrifiante...

Mon avis

Je m’intéresse à Kay Scarpetta depuis ses débuts. J’ai suivi ses enquêtes, ses déboires amoureux. Je connais Lucy, sa nièce, très douée dans ce qui est en lien avec l’informatique, le numérique. Elle est maintenant adulte et collabore parfois avec sa tante.

Cette fois-ci, un corps a été retrouvé dans un parc d’attraction abandonné. C’est un ancien compagnon de Kay et cette découverte la bouleverse. Elle s’applique à rester professionnelle pour mener ses investigations, dont, bien entendu, l’autopsie qui est présentée avec de nombreux détails. C’était un astrophysicien renommé, Sal Giordano et elle l’avait rencontré la veille de sa mort.

Parallèlement à cette affaire, Scarpetta doit en outre se pencher sur le cas d’une petite fille dont la mort lui paraît suspecte. Les parents de cette fillette la harcèlent pour récupérer le corps.

Elle est donc sur tous les fronts, comme à son habitude et son fidèle Mario l’aide. Elle sent bien qu’on (son mari, sa nièce) lui cache certains éléments. Sal, qui communiquait assez souvent avec elle, lui disait-il tout ? Ou avait-il une part d’ombre ? Les autorités se questionnent, elle aussi.

Cette nouvelle intrigue permet de voir l’évolution des différents personnages. Leurs liens changent au fil des tomes, certains se rapprochent, d’autres s’éloignent. Ils sont devenus des familiers pour les lecteurs et ils sont heureux de les retrouver.

J’ai lu cette aventure sans déplaisir mais pas avec un enthousiasme débordant. Le début est lent, les investigations : scènes de crimes, autopsie, analyse psychologique des individus, regards sur les faits, prennent de la place et donnent parfois une impression de longueur (surtout quand c’est entrecoupé de « et j’envoie un sms », « je noue mes lacets » etc qui ne sont pas franchement utiles). Il y a également les « réponds-je », ou « répliqué-je » qui alourdissent le texte au lieu de l’alléger mais ce n’est que mon avis.

Toutes mes excuses au traducteur, qui je sais, ne fait pas un métier facile, mais je n’ai pas été convaincue par la tournure des phrases et le vocabulaire employé. Pour l’anecdote, il utilise le mot sopalin (qui est une marque) au lieu de feuilles d’essuie-tout. Un de mes élèves, à qui j’avais dit de prendre du sopalin pour éponger la peinture qu’il avait fait tomber, avait tourné en rond sans rien prendre. J’avais donc pris le rouleau en lui disant : regarde ! Il m’avait répondu : ça ne s’appelle pas Sopalin mais essuie-tout !)

Il m’a manqué un peu d’action même si le fond est vraiment intéressant, voire captivant pour les recherches de Sal, le contexte évoqué et certaines réflexions sur la vie. L’auteur sait nous accrocher et dans ce livre elle aborde de nombreux thèmes. Je continuerai de la lire mais sans attendre avec impatience le prochain titre.

"Voyage Voyage" de Victor Pouchet

 

Voyage voyage
Auteur : Victor Pouchet
Éditions : Gallimard (14 Août 2025)
ISBN : 978-2073119087
210 pages

Quatrième de couverture

"Orso voulait mettre en place ce qu'il appelait la théorie de la grande diversion. Il avait trouvé cette formule dans un livre et elle lui plaisait. Il fallait se changer les idées. Penser à autre chose. Chercher l'aventure dans des endroits inédits ; aller là où ils n'étaient jamais allés ; voir ce qu'ils n'avaient jamais vu ; avancer un peu plus loin, au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau." Orso et Marie s'aiment, mais leur quotidien insouciant se heurte à un chagrin brutal. Pour faire diversion, ils se lancent dans un road-trip improvisé.

Mon avis

Orso et Marie sont en couple. Confrontés à un chagrin, un tsunami émotionnel, dont on ne sait rien au début, ils sont déstabilisés, bouleversés. Alors, il propose de partir, là, maintenant, tout de suite, sans trop réfléchir. Ils feront la tournée des musées originaux, dans des endroits qu’ils ne connaissent pas.

On pourrait penser que c’est pour fuir. Je crois plutôt que c’est une façon de se renouveler, de créer de nouveaux souvenirs, de relancer le dialogue, d’abord sur un terrain neutre avant d’aller plus en profondeur.

Ils sont fragiles, sur la retenue, puis petit à petit, ils s’ouvrent, ils parlent, leur road trip les surprend, les attire, les embarque et le lecteur les suit.

J'ai aimé l'écriture pleine de tendresse, de délicatesse, avec une pointe d'humour et parfois de poésie. Les deux personnages principaux sont attachants, intéressants dans leur façon d'appréhender la vie et leur quotidien. 

L'histoire est universelle, mais tellement bien rédigée qu'on a envie d'accompagner les deux protagonistes encore longtemps.

Malgré tout, pour moi, il manque un souffle, un petit quelque chose. Il aurait pu être intéressant d’avoir une incursion plus fouillée dans le passé.


"L'inconnu des barricades" de Pierre Mazet

 

L'inconnu des barricades
Auteur : Pierre Mazet
Éditions : du Caïman (9 Janvier 2025)
ISBN : 978-2493739216
266 pages

Quatrième de couverture

Saint-Étienne 1834, la grève des passementiers est noyée dans le sang. Dans les rues du pourtour du quartier de Chavanelle, on ramasse des cadavres. D'une impasse, les brancardiers sortent celui d'un homme dont le visage ne rappelle nulle origine connue. C'est alors que Floréal Leroux, journaliste débutant, entre en scène, s’assignant une double mission : identifier l’inconnu, afin de lui rendre, en partie, sa dignité. Et, bien entendu, trouver le coupable, car celui que policiers et politiques désignent semble arranger un peu trop le pouvoir...

Mon avis

Saint-Etienne, 1834, après Lyon, la révolte des canuts arrive dans cette ville. Il y a beaucoup de bagarres, de violence et les morts sont assez nombreux. Les brancardiers ont de quoi s’occuper. Et voilà que, dans une impasse, ils ramassent le corps d’un homme de couleur, que personne ne reconnaît.

Richement documenté, le contexte de la rébellion des passementiers est très bien amené et intégré au récit. L’heure n’était pas au dialogue, la répression était importante. On croise des personnes ayant existé. Pour quelques-unes, elles sont présentées avec plus de détails en fin d’ouvrage, ce qui nous éclaire sur ce qu’elles étaient.

C’est Floréal Leroux, jeune journaliste, qui raconte les faits. Il décrit les arrestations, l’atmosphère chargée de peur, les conditions de travail très difficiles et l’impossibilité d’obtenir des améliorations. Voyant le macchabée, Floréal décide de mener l’enquête, profitant de quelques contacts, il fouine, interroge, recoupe les maigres informations qu’il obtient. Il voudrait que cet homme soit reconnu dans tous les sens du terme. Il pense qu’il n’est pas venu à Saint-Etienne par hasard. Il veut comprendre et savoir qui il est. Son inexpérience n’est pas un frein, car finalement il ose. Il va même aller jusqu’à la capitale où il découvrira des documents qui vont l’aider, l’éclairer dans ses recherches.

Parfois, il dérange. C’est un peu comme de nos jours, le journalisme d’investigation n’a pas toujours bonne presse (c’est le cas de le dire ; -) À trop creuser, on risque de découvrir des éléments que certains n’ont pas envie de voir dévoiler. Mais il ne se décourage jamais et il continue encore et encore, usant de son charisme et de son sourire. Il pourrait devenir un héros récurrent tant il est attachant et intéressant dans son fonctionnement.

Cette histoire m’a captivée, j’ai aimé que les événements soient reliés à Monsieur Laperouse, même si tout cela est romancé. Cela intensifie, intelligemment, l’approche historique et donne une autre dimension au texte. En outre, le vocabulaire, les descriptions (je pense, entre autres, aux Rambertes), tout est parfaitement adapté, relié à la période évoquée.

À travers ce roman, l’auteur aborde plusieurs thèmes, une certaine forme de racisme, les prises de pouvoir par certains qui en abusent, le manque d’écoute et de respect des plus petites classes sociales, le travail de journaliste pas toujours bien compris ou bien considéré. Et surtout les « raccourcis » pour la police lorsqu’elle pense avoir un coupable sous la main. Ce qui est bien pratique quand c’est un individu qu’on ne supporte pas parce qu’il a tendance à vouloir protéger les ouvriers. Si on peut s’en débarrasser ainsi, c’est parfait et tant pis pour lui, au moins, il cessera ses actions !

Moi qui suis stéphanoise, j’ai vraiment apprécié que cette intrigue, inspirée de faits réels, se déroule « chez moi ». Je connais bien les lieux mentionnés (quand les rues ont changé de nom, Pierre Mazet le signale donc on ne se perd pas) et j’avançais au rythme des différentes situations exposées, revisitant ma ville.

L’écriture est de qualité, immersive, fluide. Les indices arrivent petit à petit, maintenant notre intérêt car ce qu’on perçoit donne envie de toujours en savoir plus. C’est excellent !


"Inspecteur Stilwell - Tome 1 : Sous les eaux d’Avalon" de Michael Connelly (Nightshade)

 

Inspecteur Stilwell - Tome 1 : Sous les eaux d’Avalon (Nightshade)
Auteur : Michael Connelly
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Robert Pépin
Éditions : Calman-Levy (11 Juin 2025)
ISBN : 978-2702194331
400 pages

Quatrième de couverture

Sur l’île paradisiaque de Santa Catalina, au large de Los Angeles, les journées sont calmes pour l’inspecteur Stilwell. Récemment débarqué de l’unité des Homicides du LAPD, il s’occupe essentiellement de cas de violences domestiques et d’ébriété sur la voie publique. La découverte du corps d’une jeune femme dans le port de la ville d’Avalon, enroulé dans une bâche et lesté, est donc un véritable choc, non seulement pour Stilwell, mais également pour les personnalités les plus notables de l’île, qui apprécient peu cette mauvaise publicité. En dépit des pressions publiques et des ordres de sa hiérarchie à Los Angeles, Stilwell va méthodiquement enquêter.

Mon avis

Le bandeau annonce : un nouveau personnage, un nouveau décor, un grand roman. L’auteur m’ayant habituée à beaucoup mieux, je mets un bémol sur le mot « grand ». Non pas que ce soit mauvais mais c’est un peu mou et il faut attendre le dernier tiers pour que le rythme s’accélère.

De plus, comme pour le titre précédent, quand je lis, dans les remerciements, le nombre de personnes (dont des écrivains « mineurs ») ayant contribué à la rédaction de ce livre, je m’interroge. Qui a vraiment écrit et quoi ? Est-ce que ceci n’expliquerait pas le fait des deux publications par an (ce qui est beaucoup pour un seul homme) ?

C’est sur l’île de Santa Catalina, au large de Los Angeles que le lecteur fait connaissance avec l’inspecteur Stilwell (il n’a pas encore de prénom). Il a été muté dans ce lieu car il est « puni » par sa hiérarchie (il n’est pas le seul, peu choisissent d’être ici), restée sur le continent, comme le collègue Ahearn, responsable du clash qui l’a isolé. Il s’est habitué, bien qu’il n’ait pas grand-chose à se mettre sous la dent en matière d’affaire criminelle. On est loin du LAPD et il s’ennuierait presque !

Mais voilà que le corps d’une femme, lesté par une ancre et enroulé dans une bâche, est retrouvé dans le port. Comme il est excellent plongeur, il peut la voir de près. En parallèle, il doit chercher qui a décapité un bison et qui a volé une statuette dans un club très sélect. Il va utiliser les deux dernières enquêtes, auxquelles il a droit, pour mener des investigations sur la morte du port (en toute discrétion, vu que c’est chasse gardée pour ceux du continent).

Pas de risque de mélange car il n’y a pas pléthore de personnages. Tout est linéaire et les liens s’installent petit à petit (sur la fin, j’ai trouvé certaines déductions un peu rapides mais bon, il doit être très intelligent). Stilwell manque encore un peu d’étoffe, mais c’est le premier tome. Un peu rebelle, pas de cadavre dans le placard, il est parfois limite avec les règles mais sans trop exagérer.

L’écriture (merci à Robert Pépin, le fidèle traducteur) est fluide. Ça se lit bien mais, au début, je pouvais poser le roman sans problème, je n’étais pas hyper captivée. C’est vraiment venu sur la fin. Le contexte de l’île, un endroit particulier (où on se déplace en bateau ou voiturette), méritera d’être approfondi. C’est un microcosme où les habitants tiennent à préserver leur qualité de vie et n’ont pas envie d’être envahis par ceux du continent. Stilwell a commencé à nouer des liens et je pense que tout ça va évoluer au fil des tomes et sans doute m’accrocher un peu plus.

Récit plaisant, aux ramifications bien pensées avec des gens qui pensent à leur intérêt avant tout et quelques-uns qui cachent bien leur jeu, cette histoire se lit tranquillement sans que ce soit exceptionnel. Même si l’atmosphère est bien retranscrite, je n’ai pas eu d’émotions décuplées, et il manque à l’ensemble un petit quelque chose pour que ce soit du « grand » Connelly.


"Honorine la maudite" de Cathy James

 

Honorine la maudite
Auteur : Cathy James
Éditions : Book Envol (12 Mai 2025)
ISBN : 978-2386840272
200 pages

Quatrième de couverture

1889, Saint-Étienne-de-Baïgorry, Nouvelle-Aquitaine.
Bouc émissaire de la société pyrénéenne, Honorine Carpentier appartient à la communauté des intouchables cagots. Accablée de haine et de mépris, elle va se battre contre les préjugés, pour devenir libre et respectée.
2020, Gruissan, Aude.
À vingt et un ans, et après la perte douloureuse de ses parents dans le terrible attentat de Nice, Caroline Delmas décide de réaliser son rêve, de redonner à sa maison de vacances de Saint-Étienne-de-Baïgorry, son lustre d’antan et ainsi d’ouvrir des chambres d’hôtes.

Mon avis

1889, dans le Sud-Ouest de la France, certains villageois ne peuvent pas vraiment se mêler aux autres. Ce sont les cagots. Ils sont isolés, méprisés, et ne vivent qu’entre eux. C’est le cas d’Honorine et de ses deux frères. Habitant à Saint-Étienne-de-Baïgorry, ils appartiennent à cette espèce de « caste ». Leur place est définie dans l’église, leur lieu d’habitation également etc. D’ailleurs, l’avenir d’Honorine est tout tracé, elle va épouser Isidore, c’est décidé. Pas par elle, mais par ses frangins, que ça lui convienne ou non. Mais la jeune femme n’aime pas cet homme et ne veut pas l’épouser. Elle ose défier les règles, elle a du caractère, de la répartie. Elle refuse sa condition. Elle est prête à sacrifier sa fierté pour sa liberté.

Évidemment, ça ne plaît pas, ce n’est pas dans la norme. Elle dérange et voilà, en outre, que ses yeux croisent ceux du fils du chatelain. Une attirance mutuelle les submerge mais elle sait bien que c’est interdit, inimaginable. Elle n’a jamais ressenti un tel émoi. Elle, la guérisseuse, qui a appris les herbes qui soignent avec sa mère, elle n’ignore pas que rien n’est envisageable entre eux. Lui, Adam, est sous le charme, subjugué par sa beauté, son charisme. Lui, le charmeur, qui multiplie les conquêtes, souhaite se poser près d’elle pour l’aimer. Mais c’est impossible. Que va-t-il se passer ? Vont-ils renoncer ? Ce serait la compromettre, prendre le risque qu’elle soit rejetée, devienne une paria et puis elle a un fiancé…

Dans la première partie de cet excellent roman, nous faisons connaissance avec Honorine, cette « cagote » un peu rebelle, attachante, pleine de vie, qui « ose ». Comme l’histoire se déroule à la fin du dix-neuvième siècle, le vocabulaire, les mœurs, le quotidien sont liés à l’époque où se déroulent les événements. Il n’y a pas de fausse note.

La seconde partie nous permet de rencontrer Caroline. La trentaine, peu sûre d’elle, elle a hérité d’une maison à Saint-Étienne-de-Baïgorry. Elle veut l’aménager en chambres d’hôtes. Elle se heurte à certains habitants du coin sans comprendre en quoi son projet est gênant. Elle revoit un homme qu’elle avait rencontré il y a quelques années et avec qui la relation n’est pas simple. Elle qui pensait s’installer rapidement et sans problème se trouve confrontée à plusieurs obstacles et soucis, chamboulée par plusieurs faits. Comment réagira-t-elle ? Abandonner, rester ? Certains lui donnent des conseils mais elle aime bien être maître de son destin….

Cette lecture a été très plaisante. Je n’avais pas connaissance des cagots, qui ont été maudits pendant huit cent ans avant que ça aille mieux (après la première guerre mondiale (dans les villages, ils ont été envoyés au front en priorité)). Cathy James s’est documentée et le côté historique de son récit est intéressant, il donne envie d’aller plus loin, de mieux connaître cette communauté. Son écriture est fluide, agréable, sans longueur, prenante. Le rythme ne faiblit pas. J’avais envie de lire pour voir ce que devenaient les protagonistes, en espérant que tout se passe comme je l’avais rêvé….