"Point de fuite" d'Estelle Tharreau

 

Point de fuite
Auteur : Estelle Tharreau
Éditions : Taurnada (6 Novembre 2025)
ISBN : 978-2372581684
256 pages

Quatrième de couverture

Alors qu'une tempête se déchaîne, un criminel tente d'échapper à la police et à son complice. Une réceptionniste dépose une étrange valise dans une chambre d'hôtel où un petit garçon est enfermé. Une femme guette l'arrivée du père de son enfant, et un steward désespéré attend d'embarquer pour un vol ultime. Tous approchent du point de non-retour qui fera basculer leur existence.

Mon avis

Un grand aéroport. Des personnes qui se croisent. Certains se côtoient par le travail, d’autres ne se connaissent pas. Il y a ceux qui attendent quelqu’un et ceux qui vont partir, seuls ou accompagnés. Ils s’en vont, pourquoi ? Pour le boulot (peut-être sont-ils pilotes de ligne, steward… ou leur profession les entraîne plus loin), pour retrouver des êtres aimés, pour chercher leurs racines, ou éventuellement pour fuir…

Comme un arbre de probabilités, ce récit se construit et se déconstruit sous nos yeux. Au bout de chaque branche, une solution, une proposition. Laquelle est la bonne ? Une hypothèse n’est pas validée, une porte se ferme et une autre s’ouvre …

Et puis la tempête arrive, la neige s’en mêle, tout se fige. Tous restent sur place. Tout est bloqué. Qu’en est-il de ce qui était prévu, de ces vols qui devaient se poser ou décoller ? Comment chacun va-t-il réagir ? On ne peut rien contre les éléments, ils dominent la situation et on doit s’adapter. Sauf que la couche de neige au sol s’épaissit, le gel s’installe, déréglant tout, et les flocons continuent de tomber.

Dans les halls d’arrivée et de départ, dans les couloirs, les vestiaires, derrière les guichets ou les bureaux, le lecteur fait connaissance avec les différents protagonistes. Ce sont des inconnus les uns pour les autres. Seront-ils reliés à un moment ou un autre par un fil ténu ? Échangeront-ils, dans ce lieu confiné, quelques mots ? Vont-ils se refermer, s’isoler ou communiquer pour faire passer le temps en attendant que les conditions s’améliorent ?

Ce qui est sûr, c’est que les événements extérieurs perturbent les prévisions, que ça dérange l’ordonnancement de la journée et que chacun affrontera cette « adversité » avec son caractère, sa façon d’être. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment ce grain de sable, pardon, ces flocons de neige, interviennent et empêchent « la roue » de tourner comme d’habitude. Pourtant chaque individu lutte pour garder son sang-froid, ses sens éveillés, sa libre conscience pour agir avec discernement.

Un aviateur regarde l’heure pour monter dans son avion, une femme scrute les panneaux d’information pour l’atterrissage du vol dans lequel son mari bien-aimé, absent depuis longtemps, a pris place. Le temps s’étire, ils espèrent, doutent, se lèvent, se rassoient ou pas…

Pris dans leurs pensées, concentrés sur leurs problèmes, sauront-ls voir une éventuelle faille ? quelque chose qui sortirait de l’ordinaire ? Et si c’était le cas, que faire ?

J’ai aimé ce nouveau roman d’Estelle Tharreau, qui s’essaie à plusieurs genres. Dans un huis clos, le lecteur peut se lasser, on fait du sur place donc il est difficile de faire bouger les choses ! Comme elle a bien construit son intrigue, elle glisse des indices petit à petit pour relancer l’intérêt de son histoire.

C’est un récit d’atmosphère abordant des sujets graves, l’amour, le déni, la peur, les relations parents/enfants, le harcèlement et bien d’autres encore … L’auteur décrit toutes ses scènes avec doigté, voire délicatesse. Elle ne juge pas, elle observe tous ceux à qui elle a donné vie et tout ça s’anime sous nos yeux.

Son écriture est prenante, on a envie de savoir ce qu’ils, elles, vont devenir, quelles décisions seront prises et pourquoi… Je suis rentrée facilement dans cet univers, j’ai senti la tension monter… C’est bien écrit et agréable à lire.


"Et mes yeux resteront ouverts ... pour que dure l'éternité" d'Isabelle Beaujean

 

Et mes yeux resteront ouverts
pour que dure l’éternité
Auteur : Isabelle Beaujan
Éditions : Créations Libres Livres (18 Octobre 2024)
ISBN : 978-2322550968
160 pages

Quatrième de couverture

J'attrape des lignes... Tout est poésie. J'ignore complètement, si quelqu'un hors de ce niveau de conscience peut comprendre. J'ignore si c'est un livre ou autre chose. C'est très fort... Je ne sais même pas si on finit un livre comme ça. C'est autre chose...

Mon avis

Il y a des livres qui ne s’expliquent pas. Ils vous parlent au cœur, à l’esprit et vous savez que vous les garderez précieusement, que vous les relirez et les partagerez très peu, qu’avec ceux ou celles qui auront la sensibilité pour comprendre.

« Et mes yeux resteront ouverts » est de ceux-là.  Dans ce recueil, Isabelle Beaujean parle du deuil, de la béance laissée par ceux qui, arrivés au bout du chemin, ont quitté leur « manteau de chair ».

Avec différentes polices de caractères, elle nous fait rencontrer les êtres qui ne sont plus à portée de main mais à portée de pensée.  Elle établit des dialogues, des échanges, expliquant que rien n’est jamais rompu car le lien est toujours là. Que voudraient nous transmettre nos morts ? Ou plutôt que transmettent-ils d’essentiel pour que nous puissions continuer la route en sentant leur « présence », leur accompagnement ?

Elle explique comment elle a laissé monter les mots en elle. Ils ont « pris vie », non pas pour remplir le vide laissé par l’absent-e mais pour continuer la conversation, découvrir l’indicible, s’en imprégner, le garder au creux de soi. À

Écrire l’a libérée, l’a aidée. Écrire l’a portée.
La lire m’a offert une forme de sérénité. Ses phrases résonnaient en moi, comme si je les attendais…

Isabelle Beaujan se met à nu, nous « faisant don » de son texte. Les émotions m’ont traversée, profondément émue. C’est à la fois personnel et universel …

À lire et à relire car je sais qu’entre les lignes, beaucoup d’autres choses sont dites …

 

La note de l’auteure, dans les premières pages, ainsi que vers la fin, est bouleversante.


"Discours du chef Seattle" par Eric Derrien et Delphine Dumont

 

Discours du chef Seattle
patrimoine commun de l’Humanité
Retranscrit par Éric Derrien
Illustré par Delphine Dumont
Éditions au Pluriel (5 Septembre 2025)
ISBN : 978-2492598210
46 pages

Quatrième de couverture

Quand il fut prononcé en 1854, ce discours d’un chef indien connut diverses traductions par des missionnaires et par des militaires. Il s’en suivit deux formes de censures, l’une religieuse, l’autre stratégique...

Mon avis

Ce livre est un petit bijou tant par le contenu et la forme (texte et illustrations) que par le message qu’il transmet.

Éric Derrien est passionné de cultures sioux et amérindiennes (comme je le comprends, moi qui ai pleuré en lisant « Petit Arbre » et « Pleure Geronimo »). Il a étudié plusieurs versions du discours du chef Seattle et après les avoir confrontées, il a retranscrit ce que nous découvrons. Il a voulu être le plus proche possible de ce qui a été énoncé devant le représentant du gouvernement des États-Unis.

Pour rappel, il était proposé aux indiens de « vendre » leurs terrains aux américains et de s’installer, entre eux, tranquillement (!), dans une réserve… Ils sont restés dignes mais leur chef a parlé.

Le chef Seattle (1786-1866), comme ses semblables, était un sage (pour eux, on devrait mettre une majuscule à Sage). Il avait tout compris sur le rôle de la terre nourricière, du respect de la planète et de l’importance de la transmission aux générations futures, avec respect et intelligence.

Il parle de l’importance des traditions, de la terre qui accueille ceux qui sont morts pour que le lien reste. Il explique que la terre est sacrée et que si les blancs s’y installent, ils devront comprendre ça pour la chérir et l’honorer. Pour eux, la terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la terre.

Je ne vais pas détailler tout ce qui est écrit dans ce texte magnifique mais il est encore d’actualité. Le lire, le faire lire, est un moyen de faire venir des échanges, une discussion sur l’attitude de ceux qui « oublient » que préserver notre planète, vivre en harmonie avec la nature et les autres est indispensable

Les illustrations de Delphine Dumont ont été faites au stylo bille, c’est stupéfiant, bluffant ! Il y a plusieurs portraits (inspirés des photos d’Edward Curtis) et ils sont tous très expressifs et emplis d’émotions. Leur format réel est de 21 cm par 28 cm et chacun représente 70 à 90 heures de travail ! Le rendu est beau, très délicat. Le trait est d’une finesse extraordinaire.

Cette lecture m’a beaucoup émue, c’est le genre de recueil qu’il faut laisser à porter demain !


"Faux-semblants" de Didier Esposito

 

Faux-semblants
Auteur : Didier Esposito
Éditions du Caïman (12 Juin 2025)
ISBN : 978-2493739278
250 pages

Quatrième de couverture

Cartier travaille à la brigade criminelle de Valence et enquête sur une série de meurtres et de viols. Quand l'opportunité de mettre la main sur le suspect se présente, son groupe met en place au petit matin un dispositif de surveillance aux abords du domicile de sa maîtresse supposée. Mais l’affaire tourne mal et sous un déluge de balles, Cartier tire sur le suspect, celui-ci sombrant immédiatement dans le coma. Le policier est alors placé en garde à vue, les éléments allant à l’encontre de sa version s’accumulant. Mis en examen et suspendu, il commence alors une descente aux enfers. Il est même jeté en pâture aux médias et aux réseaux sociaux, sur la base d’images partielles de vidéo-surveillance se contentant pour la plupart de laisser libre court aux préjugés et aux raccourcis sur sa profession. Mais une fois les braises refroidies, des morts suspectes s’enchaînent dans l’entourage du policier suspendu. La chasse à l’homme reprend, loin des règles du code de procédure pénale...

Mon avis

Valence dans la Drôme, il pleut énormément ce soir-là et Cartier est au boulot. Avec ses collègues, il a enquêté sur plusieurs affaires qui semblent liées, des faits graves de viols et de meurtres. Recoupant leurs informations, ils pensent avoir trouvé le suspect. Comme celui-ci a une maîtresse, qu’il fréquente régulièrement, ils sont tous en place pour l’interpeler lorsqu’il viendra lui rendre visite.

Tout ne se passe pas comme prévu et Cartier tire sur l’homme qui finit à l’hôpital, dans le coma. Il faut prouver la légitime défense, ce devrait être simple mais ça ne l’est pas. Il est placé en garde à vue. Tout s’enchaîne et dégénère très vite. Quelques secondes d’une vidéo de l’altercation sur les réseaux sociaux et le voilà accusé de racisme (le blessé est d’origine africaine). Une bavure policière ? Certains médias s’acharnent sur lui, c’est l’engrenage avec des réactions en chaîne. La lente destruction d’un homme …

« Presque du jour au lendemain, l’enquêteur se retrouva sans emploi, sans fonction. Expulsé de la société. »

Comment quelqu’un qui est là pour faire régner la loi peut se retrouver de l’autre côté de la barrière ? Au début, il est confiant, il connaît les rouages, le timing. Il suffit d’être patient, tout cela va se régler vite. Sauf qu’il ne maîtrise rien, il subit. Et le peu d’éléments récupérés ne confortent pas sa version. Il se retrouve mis en examen et suspendu. Sa vie professionnelle vole en éclats et, dégât collatéral, sa vie personnelle ne vaut guère mieux.

Impuissant à se justifier, il perd pied, les nuits blanches s’accumulent. Que faire ? Il choisit de s’éloigner de la ville, pour être plus tranquille mais …. des événements bizarres surviennent dans son environnement immédiat. Relation de cause à effet ? Comment analyser ce qui lui arrive ? Entre ce qu’il croit percevoir et la réalité, il ne doit pas se tromper. De plus, il n’est pas censé travailler donc il se doit d’être prudent dans ces agissements.

Dans cet excellent roman, à l’écriture addictive, au rythme trépidant, l’auteur, officier de police judiciaire, démontre qu’une info sortie de son contexte, une image mal interprétée, peuvent fausser les réponses qu’on donne et les décisions qui sont prises. Il souligne l’influence de la presse, de la radio, de la télévision et de tous les réseaux sociaux. Certains sont avides de « scandale » pour faire de l’audimat et ne cherchent pas à vérifier ce qu’ils ont récupéré. Peu importe les dommages que cela peut engendrer.

Cette lecture m’a énormément plu. Je suis rentrée dans l’histoire et je n’avais plus envie de lâcher le livre. Je me suis interrogée. Après la suspension de Cartier, comment Didier Esposito allai-t-il faire rebondir son récit ? Il s’en est sorti de main de maître ! Chapeau ! Je n’aurais pas pensé à ce qu’il a mis en place et ça tient la route !

L’atmosphère des différents lieux est parfaitement retranscrite, les scènes également, ça pourrait donner naissance à un bon téléfilm !

Une intrigue bien ficelée et un suspense qui vous tiennent en haleine !

"La Sage-Femme d’Auschwitz" d'Anna Stuart (The Midwife of Auschwitz)

 

La Sage-Femme d’Auschwitz (The Midwife of Auschwitz)
Auteur : Anna Stuart
Traduit de l’anglais par Maryline Beury
Éditions :  City Edition (15 Mars 2023)
ISBN : 978-2824637464
386 pages

Quatrième de couverture

Lorsqu'elle arrive à Auschwitz, sous un ciel bas et gris, Ana est persuadée qu'elle ne survivra pas à l'enfer du camp. Mais elle possède une compétence que les nazis recherchent : elle est sage-femme. Son travail sera de donner naissance aux enfants des autres prisonnières. Une mission terrible car, dès qu'ils ont poussé leur premier cri, les nouveau-nés sont arrachés à leurs mères et donnés à des familles allemandes. Malgré la détresse de ces femmes à qui on vole leurs bébés, Ana essaie d'apporter un peu de réconfort autour d'elle. Et puis un jour, elle réalise qu'elle peut faire plus.

Mon avis

Inspiré d’une histoire vraie, ce récit est bouleversant. Bien sûr, il est très « grand public » et joue sur tous les ressorts émotionnels pour nous prendre dans ses rets. Mais savoir que des personnes, comme Stanislawa Leszczynska (la fameuse sage-femme) ont existé, ça permet de se réconcilier avec le genre humain. Au péril de sa vie, elle n’a jamais renoncé et a tout fait pour les mères et les enfants qu’elle aidait à venir au monde.

Ana est une sage-femme qui est prisonnière à Auschwitz, mais sa compétence permet qu’elle « travaille » pour les nazis et reste en vie, même si les conditions sont abominables. Dans cette histoire, on voit le quotidien dans les camps, l’enfer vécu par les personnes qui y vivaient. Après s’être bien documentée, Anna Stuart écrit un texte crédible, poignant, terriblement réaliste.

Je me suis attachée à ces femmes qui se battent chaque jour, pour elle et pour les autres. Elles ne lâchent rien, essaient de tenir tête, de rester humaines malgré ce qu’elles subissent. Parce qu’un des buts des nazis est de leur enlever leur âme, de les passer du statut d’êtres humains à un simple élément de comptabilité, en leur tatouant un numéro et en les appelant par leur matricule. Une lente et cruelle déshumanisation, détruisant tout.

C’est un sujet délicat auquel s’est attelé l’écrivaine mais elle l’a fait avec intelligence. Elle n’a pas sombré dans le pathos, n’a pas délayé avec des détails, elle est restée globalement « sobre » dans son écriture même si, comme je l’ai déjà dit, elle insiste sur ce qui peut nous toucher (et c’est normal).

L’écriture (merci à la traductrice) est fluide, prenante. Il se passe toujours quelque chose et je suis restée scotchée aux pages, presqu’en apnée, à espérer, à serrer les poings, à m’interroger sur le rôle des uns et des autres …

Un roman magnifique, pour ne pas oublier tous ceux qui dans l’ombre ont agi, ou agissent (car il y a encore des personnes qui luttent pour une vie meilleure).

Les notes en fin d’ouvrage complètent bien la lecture et sont intéressantes.


"Des pas dans le grenier" d'Andrea Mara (Someone in the attic)

 

Des pas dans le grenier (Someone in the attic)
Auteur : Andrea Mara
Traduit de l’irlandais par Anna Durand
Éditions : Mera éditions (17 Octobre 2025)
ISBN : 978-2487149311
380 pages

Quatrième de couverture

Lorsque votre fille vous montre la vidéo d'un homme masqué qui s'échappe d'un grenier, vous n’y prêtez d'abord pas attention. Mais voilà que vous reconnaissez la moquette, les escaliers et les tableaux. Lorsque des bruits étranges résonnent au coeur de la nuit, que des objets disparaissent, puis réapparaissent ailleurs, vous commencer à douter. Votre imagination vous joue-t-elle des tours ?

Mon avis

Malgré leur divorce, Gabe et Julia ont chois de tout faire pour que leurs enfants soient sereins. Obligés de quitter San Diego, ils s’installent en Irlande d’où ils sont originaires. Leur fille et leur fils le vivent mal, ils sont nés aux Etats-Unis et ne comprennent pas ce déménagement. Les parents sont présents, en fonction de leur tour de garde, dans une maison sécurisée, au sein d’un ensemble résidentiel. Comme ça les deux jeunes restent au même endroit et le père et la mère se déplacent. Le reste du temps, ils utilisent à tour de rôle un appartement. Lui est peintre, elle, chef d’entreprise. Ce n’est pas toujours parfaitement fluide mais la situation semble stable.

Et puis, un jour, Isla, la fille du couple, découvre une vidéo sur Tik Tok. Elle dévoile l’intérieur de leur maison. Est-ce réelle ou a-t-elle été créée à partir de ce que l’adolescente publie ? Pas le temps de vraiment creuser, le petit film a disparu. Faut-il s’inquiéter ou pas ? Y-en-aura-t-il d’autres ?

Habilement, l’autrice nous plonge dans le passé des personnages, notamment de Julia et de trois de ses amies. Elles étaient très souvent ensemble. Elles ont beaucoup partagé : les soirées, les vacances, es secrets, les fous rires, les mensonges, les amoureux …. Elles n’ont pas tout dit à leur famille … Il n’y a pas de raison de revenir sur le passé et pourtant tout cela n’est-il pas lié ?

Les questions sont nombreuses surtout lorsque d’autres événements et zones d’ombre perturbent le quotidien de Julia. Elle cherche, ne sait pas à qui faire confiance et vers qui se tourner. C’est difficile pour elle de tout gérer, d’autant plus que l’angoisse monte. D’abord chez son fils, puis en elle-même.

Tout n’est pas, à mon avis, tout à fait vraisemblable. Mais globalement, c’est un récit qui se tient, parfaitement ficelé et totalement addictif. Les personnages ne sont pas tous lisses et bien gentils. J’ai senti que plusieurs ne disaient pas tout mais difficile de savoir ce qu’ils cachaient. La vérité d’une page n’est pas celle de la suivante et Andrea Mara vous retourne comme une crêpe. Elle sait semer des indices pour que le lecteur envisage plusieurs hypothèses, elle nous égare volontairement.

Ce roman parle d’amitié, d’influence, de travail, de harcèlement etc. Tous ces sujets sont abordés avec doigté, sans trop en faire pour que la lecture reste abordable. C’est souvent vu par le prisme des ressentis de chacun et c’est intéressant car on n’est pas uniquement dans le factuel, mais également dans l’émotionnel. C’est bien écrit (merci à la traductrice) et les nombreux rebondissements ainsi que la montée en puissance de la tension au fil des pages maintiennent le suspense. Les chapitres courts donnent du rythme, on passe d’un fait à l’autre sans temps mort.

L’aspect psychologique n’est pas très approfondi, ce qui donne un texte très fluide et facile à lire. Dans les premières pages, on trouve la liste des différents protagonistes pour suivre sans problème cette histoire.

J’ai bien apprécié ce nouveau titre d’Andrea Mara. C’est prenant, ça se lit tout seul et on ne s’ennuie pas une seconde ! Je salue l’imagination de l’auteur et je la lirai encore !


"L'eau courante" d'Ernest Pérochon

 

L’eau courante
Auteur : Ernest Pérochon
Éditions : Brissaud (1er Janvier 1982) Première édition en 1943
ISBN : 978B0000DPB2Y
250 Pages

Quatrième de couverture

L'histoire se déroule dans un village de la Vienne où les habitants voient leur quotidien bouleversé par l'arrivée de l'eau courante. Ce progrès technique va révéler les tensions et les secrets enfouis au sein de la communauté.

Mon avis

Ce livre édité la première fois en 1943 est d’une incroyable modernité dans le sens où l’on observe les difficultés et les ressentis des individus suite à un changement majeur dans la vie quotidienne d’une bourgade.

Bien sûr, le thème est ancien mais la plupart des réflexions sont encore bien de notre époque. Il y a une vraie atmosphère dans ce village et c’est intéressant de voir comment réagissent les uns et les autres à l’idée de l’arrivée de l’eau courante.

On découvre l’attitude de chacun, les enjeux pour les uns et les autres. Un propriétaire terrien a décidé de permettre à tous de profiter du modernisme avec l’eau courante. D’autant plus que, depuis peu, l’électricité est là. Mais quelle source choisir ? Un ingénieur vient et sa visite bouleverse pas mal de choses.

On découvre différents personnages dont Monique une jeune fille candide, obligée de travailler pour aider sa famille. On rentre dans le quotidien des habitants avec les tiraillements, les jalousies, les secrets plus ou moins bien gardés. La réunion du conseil municipal m’a fait sourire et n’est pas loin de rappeler ce qu’on peut vivre de nos jours. Il y a le râleur, celui qui a toujours raison, celui qui va de l’avant, celui qui n’écoute pas et fonce avec ses seules idées etc… Ce n’est pas caricatural, c’est un réel reflet de la société.

Certains personnages sont un peu bruts de décoffrage dans leurs expressions et leurs relations aux autres. Mais je pense que c’est parce qu’ils ne savent pas dire les choses avec des nuances, pas parce qu’ils ne respectent pas les autres. Ils vivent à la campagne et ont beaucoup à faire dans leurs exploitations, pas le temps de discuter !

L’écriture est très agréable, sobre mais bien complète avec parfois des mots anciens mais plaisants à lire comme emblavure qui sonne bien à l’oreille. J’ai vraiment apprécié cette lecture. Je ne connaissais pas cet auteur, je n’avais jamais entendu parler de lui et c’est dommage vu qu’il a eu le prix Goncourt en 1920 ! Et un de ses romans (Les Gardiennes) a été adapté en film en 2017 !

Une belle découverte !