L'insaisissable Monsieur X (The Secret Sharers)
Auteur : Xiaolong Qiu
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Emmanuelle Vial
Éditions : Liana Levi (13 Novembre 2025)
ISBN : 979-1034911530
208 pages
Quatrième de couverture
Alors que la Chine est encore ébranlée par le Covid et que
la bulle financière menace d’éclater, l’ancien inspecteur en chef Chen, devenu
directeur du Bureau de la Réforme judiciaire, reçoit un appel de Vieux
Chasseur. Son fidèle ami, à présent détective privé, lui demande de l’aider
pour une mission confiée à son agence. Mei, une femme qui a fait fortune dans
l’immobilier, cherche à retrouver un certain X, disparu peu avant. Chen accepte
de mener l’enquête, avec l’aide de Jin, sa fidèle assistante.
Mon avis
L’auteur, né à Shanghai, vit aujourd'hui à Saint-Louis (USA),
il a été dans l’obligation de quitter son pays. Chacun de ses titres nous
apporte un éclairage sur l’histoire de la Chine et ce que vivent les habitants.
Il présente cela avec finesse et doigté.
« […] la Chine change, et elle ne change pas. Il en
résulte une sorte de tension, qui révèle quelque chose de profond dans les
préoccupations contemporaines. »
Son personnage récurrent est Chen Cao. Autrefois inspecteur
de la police criminelle, il a été mis sur la touche et au repos. Son nouveau
rôle ? Directeur du Bureau de la réforme judiciaire mais actuellement, « on »
lui a demandé de prendre soin de sa santé (pour des raisons politiques c’est
possible en Chine…). Une jeune secrétaire, Jin, est un atout précieux pour lui.
Elle n’est pas « surveillée » comme lui, elle peut se déplacer plus
facilement (pour l’instant…)
Lorsque Vieux Chasseur, son fidèle ami, détective privé l’appelle
pour lui demander de l’aide sur une mission, Chen ne sait que faire. Après quelques
explications, il relève le défi. Il s’agit, à la demande d’une femme, Mei, numéro
1 de l’immobilier, de retrouver un homme, X, qui habitait le quartier de
Poussière Rouge d’où il a disparu. Autrefois universitaire, il a dû, lui aussi,
comme Chen, se faire « oublier » et devenir discret. Tout ça parce qu’en
1989, il a soutenu les étudiants pendant la tragédie de Tian’anmen. Il a de ce
fait élu domicile dans un coin plutôt pauvre que le gouvernement envisage de
raser…
Aidé de Jin, de quelques individus de sa connaissance qui
peuvent agir dans l’ombre, Chen se penche sur l’histoire de ces deux personnes,
afin de comprendre pourquoi cette femme est prête à tout pour avoir des
nouvelles de X.
Sus six journées, il va mener des investigations, lire des extraits
de journal intime de Mei et X afin de comprendre ce qui lui échappe et de
résoudre cette affaire. Il va doucement mais il avance pas à pas, se servant
des indices qu’il a et de son cerveau pour déduire le reste. Au fur et à mesure
de l’avancée de l’enquête, le lecteur découvre les non-dits, les mensonges, la
vie quotidienne bien différente suivant le lieu où on est installé dans la ville.
Qiu Xiaolong, par l’intermédiaire de son récit, nous montre
la Chine de l’intérieur, ce qu’il y a derrière les apparences. Par exemple, les
« cols blancs », au chômage, qui se cachent toute la journée dans un
bar avec leur ordinateur pour ne pas dévoiler leur situation. Ou bien, le fait
que le nombre de cartes SIM soit fixé pour que les gens soient plus aisément traçables.
C’est édifiant et ça donne des frissons ! Même s’il vit aux Etats-Unis, l’auteur
suit de près son pays et ce qu’il s’y passe. Lorsqu’il glisse des « informations »,
il le fait avec subtilité. Il faut lire entre les lignes et comme il l’écrit :
« Comme dans la peinture traditionnelle chinoise, l’espace
vide d’un paysage en disait parfois beaucoup plus, laissant le spectateur libre
de tout imaginer. »
Lire cet écrivain, c’est accepter de prendre le temps. Il n’y
a pas un rythme effréné, des rebondissements sans arrêt, une tension à couper
le souffle mais l’atmosphère est parfaitement retranscrite, on a envie de
partager les repas de Chen, de tendre l’oreille pour qu’il lise ses poèmes, car
la poésie est très présente et offre un autre regard. L’écriture (merci à la traductrice)
est infiniment délicate, comme une dentelle, chaque mot est choisi avec soin.
Cette nouvelle aventure de Chen Cao est tout aussi réussie
que les précédentes.
NB : dans les premières pages, une longue dédicace
émouvante.







