"L'insaisissable Monsieur X" de Xiaolong Qiu (The Secret Sharers)

 

L'insaisissable Monsieur X (The Secret Sharers)
Auteur : Xiaolong Qiu
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Emmanuelle Vial
Éditions : Liana Levi (13 Novembre 2025)
ISBN : 979-1034911530
208 pages

Quatrième de couverture

Alors que la Chine est encore ébranlée par le Covid et que la bulle financière menace d’éclater, l’ancien inspecteur en chef Chen, devenu directeur du Bureau de la Réforme judiciaire, reçoit un appel de Vieux Chasseur. Son fidèle ami, à présent détective privé, lui demande de l’aider pour une mission confiée à son agence. Mei, une femme qui a fait fortune dans l’immobilier, cherche à retrouver un certain X, disparu peu avant. Chen accepte de mener l’enquête, avec l’aide de Jin, sa fidèle assistante.

Mon avis

L’auteur, né à Shanghai, vit aujourd'hui à Saint-Louis (USA), il a été dans l’obligation de quitter son pays. Chacun de ses titres nous apporte un éclairage sur l’histoire de la Chine et ce que vivent les habitants. Il présente cela avec finesse et doigté.

« […] la Chine change, et elle ne change pas. Il en résulte une sorte de tension, qui révèle quelque chose de profond dans les préoccupations contemporaines. »

Son personnage récurrent est Chen Cao. Autrefois inspecteur de la police criminelle, il a été mis sur la touche et au repos. Son nouveau rôle ? Directeur du Bureau de la réforme judiciaire mais actuellement, « on » lui a demandé de prendre soin de sa santé (pour des raisons politiques c’est possible en Chine…). Une jeune secrétaire, Jin, est un atout précieux pour lui. Elle n’est pas « surveillée » comme lui, elle peut se déplacer plus facilement (pour l’instant…)

Lorsque Vieux Chasseur, son fidèle ami, détective privé l’appelle pour lui demander de l’aide sur une mission, Chen ne sait que faire. Après quelques explications, il relève le défi. Il s’agit, à la demande d’une femme, Mei, numéro 1 de l’immobilier, de retrouver un homme, X, qui habitait le quartier de Poussière Rouge d’où il a disparu. Autrefois universitaire, il a dû, lui aussi, comme Chen, se faire « oublier » et devenir discret. Tout ça parce qu’en 1989, il a soutenu les étudiants pendant la tragédie de Tian’anmen. Il a de ce fait élu domicile dans un coin plutôt pauvre que le gouvernement envisage de raser…

Aidé de Jin, de quelques individus de sa connaissance qui peuvent agir dans l’ombre, Chen se penche sur l’histoire de ces deux personnes, afin de comprendre pourquoi cette femme est prête à tout pour avoir des nouvelles de X.

Sus six journées, il va mener des investigations, lire des extraits de journal intime de Mei et X afin de comprendre ce qui lui échappe et de résoudre cette affaire. Il va doucement mais il avance pas à pas, se servant des indices qu’il a et de son cerveau pour déduire le reste. Au fur et à mesure de l’avancée de l’enquête, le lecteur découvre les non-dits, les mensonges, la vie quotidienne bien différente suivant le lieu où on est installé dans la ville.

Qiu Xiaolong, par l’intermédiaire de son récit, nous montre la Chine de l’intérieur, ce qu’il y a derrière les apparences. Par exemple, les « cols blancs », au chômage, qui se cachent toute la journée dans un bar avec leur ordinateur pour ne pas dévoiler leur situation. Ou bien, le fait que le nombre de cartes SIM soit fixé pour que les gens soient plus aisément traçables. C’est édifiant et ça donne des frissons ! Même s’il vit aux Etats-Unis, l’auteur suit de près son pays et ce qu’il s’y passe. Lorsqu’il glisse des « informations », il le fait avec subtilité. Il faut lire entre les lignes et comme il l’écrit :

« Comme dans la peinture traditionnelle chinoise, l’espace vide d’un paysage en disait parfois beaucoup plus, laissant le spectateur libre de tout imaginer. »

Lire cet écrivain, c’est accepter de prendre le temps. Il n’y a pas un rythme effréné, des rebondissements sans arrêt, une tension à couper le souffle mais l’atmosphère est parfaitement retranscrite, on a envie de partager les repas de Chen, de tendre l’oreille pour qu’il lise ses poèmes, car la poésie est très présente et offre un autre regard. L’écriture (merci à la traductrice) est infiniment délicate, comme une dentelle, chaque mot est choisi avec soin.

Cette nouvelle aventure de Chen Cao est tout aussi réussie que les précédentes.

NB : dans les premières pages, une longue dédicace émouvante.


"La fascination Titaÿna" d'Hélène Legrais

 

La fascination Titaÿna
Auteur : Hélène Legrais
Éditions : Calmann-Lévy (29 Octobre 2025)
ISBN : 978-2702194218
370 pages

Quatrième de couverture

Baptiste Calvet fuit son village natal en Pays catalan et l’épicerie familiale pour partir à la conquête de Paris. Son sésame : une lettre de recommandation pour une compatriote de Villeneuve-de-la-Raho vivant désormais dans la capitale : Élisabeth Sauvy, alias Titaÿna, journaliste, aviatrice et globe-trotteuse intrépide. Cette rencontre va bouleverser son destin. Fasciné par cette femme libre et charismatique qui bouscule les codes d’une société corsetée par les traditions, il entre à son service et découvre grâce à elle le Tout-Paris des années 20.

Mon avis

Titaÿna, de son vrai nom Élisabeth Sauvy, a toujours fasciné Hélène Legrais. Après de nombreuses recherches, cette dernière nous livre un roman très complet, intéressant et prenant sur une femme hors du commun.

1928, Baptiste Calvet habite avec ses parents à Villeneuve de la Raho dans les Pyrénées orientales. Son père a perdu un bras à la guerre. L’avenir de Baptiste est déjà tracé : il travaille à l’épicerie familiale et finira par la reprendre. Il se doit d’être un bon fils donc il n’a pas vraiment le choix. Sauf que ce futur ne lui fait aucunement envie. Lui, il veut aller à Paris, découvrir une autre vie, un quotidien différent. Un jour, il ne sait pas trop pourquoi, son paternel cède. Il pourra « monter » à la capitale. Il va jusqu’à lui donner une lettre de recommandation pour une femme qui a grandi au village et qui est installée là-haut et qui, semble-t-il, a réussi.

Il débarque chez elle avec sa valise, un peu perdu. En échange d’une chambre sous les toits, elle lui propose d’être son coursier. C’est une « dame » qui n’a pas froid aux yeux. Elle se décrit elle-même comme une aventurière.

« J’ai pris un pseudonyme par souci d’indépendance. Et pour m’affirmer en tant qu’individu. Ni la fille de, ni la femme de. Ni prénom, ni nom. C’est Titaÿna qui voyage, enquête, photographie, ressent, écrit, et personne d’autre ! »

À son contact, le jeune homme découvre un autre monde, prend de l’assurance et grandit. Il fait connaissance de Nicolette, une admiratrice de sa « patronne ». Elle rêve de devenir comme elle, une journaliste qui « ose », qui déniche des sujets originaux. Grâce à Baptiste, l’élève rencontre son modèle et écoute ses conseils.

« Ne laisse jamais paraître la moindre faiblesse ou hésitation. Fais comme moi : moque-toi des jugements. »

Le récit nous entraîne à la suite de ces trois personnages, et d’autres dans des aventures sans temps mort. Au fil des pages, on cerne la personnalité atypique de Titaÿna, ses réussites, ses échecs, ses choix, ses prises de position controversées, notamment par rapport aux juifs, à Hitler lorsqu’arrive la seconde guerre mondiale …. Les autres protagonistes ne sont pas oubliés, Nicolette a de l’ambition, elle veut réussir, Baptiste également … Mais à quel prix ? Comment trouver l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle ? Comment ne pas tout écraser sur son passage pour parvenir au succès ? Jusqu’où peut aller la quête de reconnaissance, le besoin d’exister par soi-même ?

Ce récit nous offre de beaux portraits de femme. Elisabeth Sauvy (1897-1966) était très moderne pour son époque, c’est assez incroyable de voir tout ce qu’elle a décidé de faire, même si c’était plutôt réservé aux hommes (je vous laisse découvrir). Son fort tempérament fait que, souvent, les gens allaient dans son sens, sans la contrarier… Rebelle, indomptable, elle n’a pas toujours pris les bonnes décisions et a été admirée autant que détestée…

Mêlant habilement personnages réels (je ne connaissais ni Titaÿna, ni Gerda Taro (évoquée dans le livre et que je verrai bien dans un prochain titre)) et fictifs, Hélène Legrais a réussi à me scotcher aux pages (avec une belle bague de lecture en plus !). Son écriture fluide, son style m’ont captivée. J’ai apprécié le fait qu’elle nous plonge dans le quotidien de ceux et celles qu’elle présente. Le texte est très « vivant », bien documenté sans être lourd. J’ai énormément appris et c’est plus qu’une belle découverte, c’est un coup de cœur !

Dans les dernières pages, dans les remerciements, l’autrice explique la genèse de ce roman, qui est aussi un rappel à l’ordre sur les dérives (l’Histoire se répète) et elle nous dit « Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ... »

NB : en début d’ouvrage, une dédicace puissante : « Aux femmes libres, audacieuses, indomptables … et à leurs erreurs »

 



"À propos des femmes" de Susan Sontag (On Women)

 

À propos des femmes (On Women)
Auteur : Susan Sontag
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nathalie Bru
Et par Robert Louis et Philippe Blanchard pour l’essai « fascinant fascisme »
Éditions Christian Bourgois (6 Novembre 2025)
ISBN : 978-2267056167
226 pages

Quatrième de couverture

Ce recueil rassemble pour la première fois les textes les plus importants sur la condition féminine publiés par Susan Sontag dans les années 1970, un moment d’effervescence conceptuelle sur cette question. Elle y écrit sur la beauté, le vieillissement féminin, la sexualité et le pouvoir, se révélant être une pionnière dans la lutte pour une véritable égalité, tout en restant l’écrivaine polémique qu’elle a toujours revendiqué être. Elle y discute de manière vive avec d’autres penseuses féministes, comme Adrienne Rich. Car ces textes sont aussi l’occasion pour Sontag de s’engager, de se livrer sur son parcours singulier et de dévoiler ce que signifie pour elle de vivre en tant que femme.

Mon avis

Susan Sontag (1933-2004) est une essayiste, romancière et militante américaine. Les textes (des essais, un échange avec Adrienne Rich et une interview) rassemblés dans « À propos des femmes » ont été écrits dans les années 70 et restent d’actualité pour la plupart. Ils abordent des thèmes variés.

Le premier « Les deux poids deux mesures du vieillissement » est édifiant. Je l’ai trouvé très juste et réaliste. Susan Sontag souligne notamment que certaines choses n’ont pas le même impact s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. La « valeur » des rides qui peuvent « embellir » ou le contraire. Les femmes qui doivent rester séduisantes et attirantes, qui seront plus vite critiquées si leur partenaire est plus jeune alors qu’on le tolère chez les hommes. Toutes les remarques qu’elle fait, même si on souhaite que ce soit différent (et ça l’est mais pas très souvent, soyons honnête) sont encore synonymes de ce que nous, les femmes, rencontrons ou vivons. J’ai souri en lisant ce qu’elle dit sur le fait de mentir sur notre âge (le compteur doit se bloquer, non ?), c’est tellement vrai ! C’est l’essai que j’ai préféré.

Pour le deuxième « Le tiers monde des femmes », il y a des réponses à des questions qui lui ont été posées. Elle parle de féminisme et explique qu’elle ne se définit pas comme une femme libérée. Pourtant en la lisant, j’ai pensé qu’elle n’en était pas loin. Elle écrit entre autres :

« La première responsabilité d’une femme « libérée » est de mener une vie la plus pleine, la plus libre et la plus imaginative possible. Sa seconde responsabilité est d’être solidaire des autres femmes. »

Je ne vais pas détailler toutes les parties de ce livre mais c’est très intéressant. Elle laisse libre cours à ses idées, à ses réflexions. Son analyse pour le bronzage est plus que vrai.

« Ce qui est prisé tant dans la pâleur que dans le bronzage est une couleur de peau dissociée du labeur -signe de luxe, de privilège, de loisir. »

Tout a été bien traduit car l’écriture est fluide, le vocabulaire de qualité. La préface apporte des informations sur l’auteur, ses choix de rédaction et le moment où elle a créé ses textes. J’ai beaucoup appris sur elle et, bien sûr, j’ai cherché d’autres renseignements, sur sa vie personnelle pour mieux la connaître.

Lorsqu’elle participe à un entretien ou répond à des questions, elle ne cache pas ses idées, elle dit ce qu’elle pense sans tabou, elle s’exprime avec force, elle ose, elle revendique … Elle a dû déranger et c’est sans doute pour ça que certains l’assimilaient à une écrivaine polémique. Mais je pense que finalement des personnes comme elle, impliquées, ne pratiquant pas la langue de bois, sont très utiles pour ouvrir de nouvelles perspectives et donner l’élan nécessaire à d’autres pour ne pas se laisser enfermer dans un « rôle », une « image ».

Le ton employé, le style m’ont beaucoup plu. C’est très abordable et ces textes nous apportent un autre éclairage sur des sujets divers. Une belle découverte !


"Mon Noël avec Marcia" de Peter Stamm (Marcia Aus Vermont)

 

Mon Noël avec Marcia (Marcia Aus Vermont)
Auteur : Peter Stamm
Traduit de l’allemand (Suisse) par Pierre Dehusses
Éditions : Christian Bourgois (6 Novembre 2025)
ISBN : 978-2267047707
80 pages

Quatrième de couverture

Alors que l'année touche à sa fin, Peter est convié à une résidence d'artistes dans le Vermont, au nord-est des États-Unis. Dès son arrivée, d'étranges événements font ressurgir les fantômes de son passé : tout semble évoquer Marcia, la femme qu'il a rencontrée trente ans plus tôt à New York, où il essayait de se faire un nom en tant qu'artiste. Le Noël qu'ils ont passé ensemble, découvre-t-il maintenant, aurait pu changer sa vie à jamais.

Mon avis

Ce petit livre explore les souvenirs, la mémoire, le passé, le futur, les relations humaines.

Peter est un peintre renommé et il est convié à une résidence d’artistes dans le Vermont, aux Etats-Unis. Il y a trente ans, à New-York, il a rencontré Marcia et son père semble être le mécène à l’origine du projet auquel il va participer. En découvrant ce lien, des réminiscences remontent …

Trente ans avant, il n’arrive pas à percer en tant qu’artiste. C’est la période de Noël, il décide de ne pas rentrer auprès de ses parents et de rester près de la statue de la Liberté. Alors qu’il déambule dans les rues, une femme lui demande du feu et puis elle suggère qu’ils achètent (mais elle n’a pas d’argent) quelques petites choses pour faire une soirée car c’est son anniversaire. C’est ce qu’on appelle une rencontre improbable mais il la suit après avoir un peu hésité. Il découvre son quotidien, sa façon bien particulière de gérer les relations humaines, notamment avec un couple d’amis. Au bout d’une semaine, il choisit de repartir, disparaît et passe à autre chose. Il n’aura plus jamais de contact.

Et là, dans ce coin reculé, où il est venu en tant que peintre reconnu, tout le submerge. D’abord par petites touches puis par vagues, surtout lorsqu’il trouve un album dans le tiroir de la chambre où il est logé. Cet objet a-t-il été déposé à son intention, par qui et pourquoi ? Les questions s’imposent à lui. Qu’aurait été sa vie s’il était resté ? Peut-on regretter ce qui n’a pas existé et dont on ne sait rien ? Ou est-il préférable d’oublier et de tourner la page ?

« Nous ne savions rien l’un de l’autre et je crois que nous avons tous les deux compris à ce moment-là qu’il était trop tard pour rattraper quoi que ce soit. »

La résidence où il séjourne, un peu isolée, en pleine nature, est propice à l’introspection. Il essaie de se projeter, d’imaginer, d’avoir une vision de ce qu’il a raté, de ce qu’il a laissé, de ce qui aurait pu être. Mais si longtemps après, ses pensées sont floues. Les situations ont-elles été comme il le pense ? Ressasser, réfléchir à tout ça, à quoi bon ?

Le texte alterne entre passé et présent, montrant les liens entre les deux. Peter se questionne sur son interprétation des événements, de ce qu’ils ont vécu ensemble. A-t-il bien ou mal cerné ce qu’il se passait ? Tout cela reste assez fragile. Il n’est pas vraiment sûr de lui. Il ne sait plus. Et j’ai bien senti que, moi aussi, je ne saurais pas tout. Par exemple, on ne saura pas grand-chose de Maria (j’ai apprécié la place de la photographie dans sa vie). D’ailleurs le but de cette petite histoire, ce n’est pas forcément de tout comprendre …

L’écriture transmet une certaine forme de nostalgie, de douce mélancolie, idéale par temps de froid avec un chocolat chaud. On se laisse bercer par les mots de Peter Stamm (merci au traducteur) qui suffisent, malgré un petit nombre de pages, à nous emporter dans un autre univers pour nous faire rêver …


"Entre ses mains" de Lucinda Berry (Under her care)

 

Entre ses mains (Under her care)
Auteur : Lucinda Berry
Traduit de l’anglais par Florian Dennisson
Éditions : L’oiseau noir (1er Septembre 2025)
ISBN : 978-2494715646
366 pages

Quatrième de couverture

Un jour d'été en Alabama, le corps de la femme du maire, sauvagement assassinée, est retrouvé sous un pont ferroviaire. À côté du cadavre se tient Mason Hill, l'enfant autiste de l'ancienne Miss USA, Genevieve Hill. Il n'en faut pas plus pour que les habitants de la région se forgent une opinion : le garçon est coupable. L'inspecteur chargé de l'affaire convoque Casey Walker, une pédopsychiatre spécialisée dans l'autisme, pour l'aider à y voir plus clair dans cette enquête. Mais plus Casey passe de temps avec la mère de Mason, plus elle est convaincue que l'ancienne reine de beauté fait bien plus que simplement protéger son fils.

Mon avis

Ce sont deux mamans louves, l’une et l’autre sont mères d’un enfant atteint de troubles du spectre autistique. Chacune protège celui ou celle à qui elle a donné la vie, souhaitant lui offrir le meilleur. Ce sont des jeunes qui ont besoin de calme, de rituels, de peu de changements. L’une est mère au foyer, l’autre est pédopsychiatre, spécialisée dans l’autisme.

Mason, le fils de Genevieve Hill a été trouvé à côté du corps de la femme du maire, sous un pont ferroviaire. Elle a été assassinée, frappée à la tête avec une pierre. La mère de Mason, qui n’était pas loin, sait qu’il ne ferait pas de mal à une mouche. Ça ne peut pas être lui ! Mais pour les habitants du coin, il est forcément coupable puisqu’il était sur place et que rien ne prouve qu’il y ait eu quelqu’un d’autre de présent.

L’inspecteur Layne chargé de l’enquête s’interroge beaucoup sur Mason. Ce dernier ne communique pas par la parole, ni par une application dédiée. Comment le comprendre ? Sa maman, ultra protectrice, ne laisse jamais son fils, de peur de générer des angoisses et des crises chez lui. Alors le policier cherche une solution pour entrer en contact. Il demande à Casey Walker une pédopsychiatre de le soutenir pour les entretiens, d’observer pour mieux cerner la personnalité de ce jeune.

Construit sous forme de récit choral, ce roman distribue la parole tour à tour aux deux femmes. Elles expliquent leurs rencontres, chacune avec leur ressenti, leur vie quotidienne, leurs difficultés, leur colère parfois… On apprend à les connaître, on cerne leur fonctionnement. Mais ce qu’on voit est parfois la partie visible de l’iceberg. Que se passe-t-il une fois la porte refermée ?

La tension monte au fil des pages. J’ai senti rapidement que quelque chose ne tournait pas rond. Mais quoi ? Ou qui ? L’impensable m’a effleurée mais je me disais que c’était impossible.

C’est une lecture addictive, avec du suspense, des rebondissements, de nouveaux personnages qui apportent un autre éclairage, c’est plutôt bien fait. Il aurait pu être intéressant de creuser l’aspect psychologique des protagonistes, ce qui les pousse à agir comme ils le font. On le sait mais quelques détails en plus auraient été les bienvenus, notamment sur leur vécu.

Mais j’ai été frustrée par la fin, un peu rapide. Je n’ai pas eu toutes les réponses que j’attendais, c’est un peu dommage. Mais j’ai passé un bon moment, c’est l’essentiel !

"Point de fuite" d'Estelle Tharreau

 

Point de fuite
Auteur : Estelle Tharreau
Éditions : Taurnada (6 Novembre 2025)
ISBN : 978-2372581684
256 pages

Quatrième de couverture

Alors qu'une tempête se déchaîne, un criminel tente d'échapper à la police et à son complice. Une réceptionniste dépose une étrange valise dans une chambre d'hôtel où un petit garçon est enfermé. Une femme guette l'arrivée du père de son enfant, et un steward désespéré attend d'embarquer pour un vol ultime. Tous approchent du point de non-retour qui fera basculer leur existence.

Mon avis

Un grand aéroport. Des personnes qui se croisent. Certains se côtoient par le travail, d’autres ne se connaissent pas. Il y a ceux qui attendent quelqu’un et ceux qui vont partir, seuls ou accompagnés. Ils s’en vont, pourquoi ? Pour le boulot (peut-être sont-ils pilotes de ligne, steward… ou leur profession les entraîne plus loin), pour retrouver des êtres aimés, pour chercher leurs racines, ou éventuellement pour fuir…

Comme un arbre de probabilités, ce récit se construit et se déconstruit sous nos yeux. Au bout de chaque branche, une solution, une proposition. Laquelle est la bonne ? Une hypothèse n’est pas validée, une porte se ferme et une autre s’ouvre …

Et puis la tempête arrive, la neige s’en mêle, tout se fige. Tous restent sur place. Tout est bloqué. Qu’en est-il de ce qui était prévu, de ces vols qui devaient se poser ou décoller ? Comment chacun va-t-il réagir ? On ne peut rien contre les éléments, ils dominent la situation et on doit s’adapter. Sauf que la couche de neige au sol s’épaissit, le gel s’installe, déréglant tout, et les flocons continuent de tomber.

Dans les halls d’arrivée et de départ, dans les couloirs, les vestiaires, derrière les guichets ou les bureaux, le lecteur fait connaissance avec les différents protagonistes. Ce sont des inconnus les uns pour les autres. Seront-ils reliés à un moment ou un autre par un fil ténu ? Échangeront-ils, dans ce lieu confiné, quelques mots ? Vont-ils se refermer, s’isoler ou communiquer pour faire passer le temps en attendant que les conditions s’améliorent ?

Ce qui est sûr, c’est que les événements extérieurs perturbent les prévisions, que ça dérange l’ordonnancement de la journée et que chacun affrontera cette « adversité » avec son caractère, sa façon d’être. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment ce grain de sable, pardon, ces flocons de neige, interviennent et empêchent « la roue » de tourner comme d’habitude. Pourtant chaque individu lutte pour garder son sang-froid, ses sens éveillés, sa libre conscience pour agir avec discernement.

Un aviateur regarde l’heure pour monter dans son avion, une femme scrute les panneaux d’information pour l’atterrissage du vol dans lequel son mari bien-aimé, absent depuis longtemps, a pris place. Le temps s’étire, ils espèrent, doutent, se lèvent, se rassoient ou pas…

Pris dans leurs pensées, concentrés sur leurs problèmes, sauront-ls voir une éventuelle faille ? quelque chose qui sortirait de l’ordinaire ? Et si c’était le cas, que faire ?

J’ai aimé ce nouveau roman d’Estelle Tharreau, qui s’essaie à plusieurs genres. Dans un huis clos, le lecteur peut se lasser, on fait du sur place donc il est difficile de faire bouger les choses ! Comme elle a bien construit son intrigue, elle glisse des indices petit à petit pour relancer l’intérêt de son histoire.

C’est un récit d’atmosphère abordant des sujets graves, l’amour, le déni, la peur, les relations parents/enfants, le harcèlement et bien d’autres encore … L’auteur décrit toutes ses scènes avec doigté, voire délicatesse. Elle ne juge pas, elle observe tous ceux à qui elle a donné vie et tout ça s’anime sous nos yeux.

Son écriture est prenante, on a envie de savoir ce qu’ils, elles, vont devenir, quelles décisions seront prises et pourquoi… Je suis rentrée facilement dans cet univers, j’ai senti la tension monter… C’est bien écrit et agréable à lire.


"Et mes yeux resteront ouverts ... pour que dure l'éternité" d'Isabelle Beaujean

 

Et mes yeux resteront ouverts
pour que dure l’éternité
Auteur : Isabelle Beaujan
Éditions : Créations Libres Livres (18 Octobre 2024)
ISBN : 978-2322550968
160 pages

Quatrième de couverture

J'attrape des lignes... Tout est poésie. J'ignore complètement, si quelqu'un hors de ce niveau de conscience peut comprendre. J'ignore si c'est un livre ou autre chose. C'est très fort... Je ne sais même pas si on finit un livre comme ça. C'est autre chose...

Mon avis

Il y a des livres qui ne s’expliquent pas. Ils vous parlent au cœur, à l’esprit et vous savez que vous les garderez précieusement, que vous les relirez et les partagerez très peu, qu’avec ceux ou celles qui auront la sensibilité pour comprendre.

« Et mes yeux resteront ouverts » est de ceux-là.  Dans ce recueil, Isabelle Beaujean parle du deuil, de la béance laissée par ceux qui, arrivés au bout du chemin, ont quitté leur « manteau de chair ».

Avec différentes polices de caractères, elle nous fait rencontrer les êtres qui ne sont plus à portée de main mais à portée de pensée.  Elle établit des dialogues, des échanges, expliquant que rien n’est jamais rompu car le lien est toujours là. Que voudraient nous transmettre nos morts ? Ou plutôt que transmettent-ils d’essentiel pour que nous puissions continuer la route en sentant leur « présence », leur accompagnement ?

Elle explique comment elle a laissé monter les mots en elle. Ils ont « pris vie », non pas pour remplir le vide laissé par l’absent-e mais pour continuer la conversation, découvrir l’indicible, s’en imprégner, le garder au creux de soi. À

Écrire l’a libérée, l’a aidée. Écrire l’a portée.
La lire m’a offert une forme de sérénité. Ses phrases résonnaient en moi, comme si je les attendais…

Isabelle Beaujan se met à nu, nous « faisant don » de son texte. Les émotions m’ont traversée, profondément émue. C’est à la fois personnel et universel …

À lire et à relire car je sais qu’entre les lignes, beaucoup d’autres choses sont dites …

 

La note de l’auteure, dans les premières pages, ainsi que vers la fin, est bouleversante.