"Bigoudis & petites enquêtes - Tome 7 : Panique à Londres" de Naëlle Charles

 

Bigoudis & petites enquêtes - Tome 7 : Panique à Londres
Auteur : Naëlle Charles
Éditions : Archipoche (13 Novembre 2025)
ISBN : 979-1039206884
514 pages

Quatrième de couverture

Grande nouvelle ! Niels Anderson, parrain de la première édition du festival du Polar, invite dix personnes de Wahlbourg à un séminaire sur le roman policier européen qui se déroule à Londres. Pour Quentin, c'est l'occasion rêvée de se rapprocher de Léopoldine, et de revoir un ami de longue date, Garrett Kent, policier à la mythique Metropolitan Police. Mais en pleine conférence, l'autrice Linda James apprend par la police londonienne que son mari a été kidnappé aux abords de l'hôtel où se déroule la manifestation. Léopoldine et Quentin se lancent alors bille en tête dans une nouvelle enquête.

Mon avis

Quel bonheur de retrouver Miss-Marple-des-bacs-à-shampoing ! Je la suis depuis ses débuts et je me suis attachée à elle. C’est ma coiffeuse préférée, Léopoldine Courtecuisse. Pour ceux et celles qui ne la connaissent pas, elle habite Wahlbourg en Alsace et s’est retrouvé plusieurs fois à aider le lieutenant Quentin Delval. Ce charmant gendarme (qu’elle ne ferait sans doute pas dormir dans la baignoire) a bien besoin des indices qu’elle peut récupérer dans son salon où beaucoup se confient à son oreille attentive.

Cette fois-ci, un auteur nordique, qui avait participé à un festival du polar à Wahlbourg, a proposé d’inviter dix personnes à un colloque, sur le même thème, se déroulant à Londres. Les parents de Léo étaient les organisateurs alsaciens, ils sont donc concernés et enchantés de cette virée. Ils partent avec leurs deux filles et Tom, le petit fils, ainsi que quelques gendarmes dont Quentin. Entre les conférences, les visites culturelles, les boutiques, chacun va trouver à s’occuper. L’hôtel est superbe et le séjour commence à merveille. Mais voilà que le mari d’une écrivaine est kidnappé. Bien que n’ayant aucune légitimité pour enquêter dans un pays étranger, il y en a que ça démange…

Bloquée par la langue anglaise qu’elle ne pratique pas, Léopoldine fait équipe avec Quentin, qui n’est pas loin d’être bilingue. Ils aiment être en binôme ! Ils observent, déduisent, analysent et se font aider de Tom qui est ravi ! Il faut dire que les choses sont facilités par un enquêteur londonien que connaît Delval. Par contre, ils doivent être discrets sur cette collaboration car ils ne sont pas missionnés et sont là comme simples touristes et participants.

Naëlle Charles maîtrise son intrigue. Elle évoque dans son texte de faits réels (Murdochgate), preuve qu’elle s’est documentée. Un de ses personnages parle du parcours pour devenir un auteur reconnu et c’est très réaliste. C’est très intéressant et bien pensé que l’histoire se déroule en Angleterre, ça évite de se lasser de Wahlbourg où de nombreux endroits avaient été exploités. De plus, dans ce nouveau titre, Tom a un rôle plus important, tout à fait adapté à un adolescent. Cela a permis de bien renouveler les intervenants, les lieux et de mettre en place une nouvelle aventure !

L’écriture est accrocheuse, avec des touches d’humour et des interventions de voix de la conscience, c’est très amusant. Quentin et Léo s’expriment tour à tour dans les chapitres, assez courts. Le suspense est présent, avec ce qu’il faut de rebondissements pour qu’on ait envie d’enchaîner les pages. On découvre les jalousies, les coups bas, les mensonges … les différents romanciers veulent tous être le meilleur, celui qui a le plus de succès …. Jusqu’où peuvent-ils aller pour l’appât du gain, ou par vanité ? Les difficultés du métier (très bien expliquées) font que certains ne reculent devant rien…

J’ai apprécié l’évolution des protagonistes, ils changent au fil des enquêtes, prennent de la maturité. Mais on peut lire chaque tome de façon indépendante. On sait comment et pourquoi cette série a vu le jour et je peux dire que pour moi, elle est réussie ! Chaque « panique » m’a offert un moment de lecture agréable, drôle et prenant !


"Par où entre la lumière" de Joyce Maynard (How the Light Gets in)

 

Par où entre la lumière (How the Light Gets in)
Auteur : Joyce Maynard
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Florence Lévy-Paoloni
Éditions : Philippe Rey (21 Août 2025)
ISBN : 978-2384822522
628 pages

Quatrième de couverture

Eleanor est de retour dans la maison familiale du New Hampshire, quittée vingt-cinq ans plus tôt. Eleanor apprend à vivre au rythme des tâches agricoles, de ses inspirations artistiques ou des week-ends au marché des producteurs. Tandis qu'elle accueille sa nouvelle voisine enceinte de neuf mois, Eleanor prend conscience des sacrifices qu'elle-même a endurés, se dédiant entièrement au bonheur de ses proches. Mais à présent saura-t-elle entendre, à son âge, l'appel du renouveau ? Saura-t-elle reconnaître le bonheur quand il se présentera à elle ?

Mon avis

« Par où entre la lumière » est la suite directe de « Où vivaient les gens heureux ». On retrouve Eleanor, veuve, une femme autrice qui vit avec son fils Toby. Il a des problèmes cognitifs suite à un début de noyade lorsqu’il était enfant. Deux autres enfants complètent la fratrie, Al et Ursula mais ils sont totalement indépendants.

C’est un récit foisonnant qui met en scène une douzaine de personnages dont on découvre (ou redécouvre) le passé, le présent et le futur sur une cinquantaine d’années. Le contexte historique est évoqué et sert de toile de fond (notamment pour la politique avec l’arrivée de Trump et le départ d’Obama) pour certains événements et pour l’évolution des protagonistes.

Joyce Maynard sait parler de vies ordinaires d’une façon extraordinaire. Elle évoque l’amour, les difficultés, la vie de tous les jours, ce qui unit, ce qui détruit, les non-dits, l’incompréhension, les erreurs et les leçons qu’on en tire etc ..

Son écriture est délicate, profonde, elle porte des réflexions intéressantes sur les relations humaines, parfois sur un ton un peu docte, c’est dommage.

J’aime énormément cet auteur mais ce roman ne rejoindra pas la liste de mes préférés.

J’ai été contente de retrouver toutes ces personnes et de voir ce que chacun devenait mais certains faits sont un peu « trop ». Le COVID, la maladie (grave évidemment), la violence, l’alcoolisme et j’en passe. C’est comme si l’auteur avait voulu aborder tous les thèmes possibles autour de la famille. Et il y a un petit côté, non pas donneur de leçons, mais « et n’oubliez pas que… » avec des petites phrases en conclusion de nombreux chapitres pour rappeler la valeur de la vie, qu’il faut savoir pardonner, que l’amour sauve de tout etc…. J’aurais pu recopier des citations sans arrêt.

« Le pire échec de l’humanité ne vient pas de ce que nous faisons, mais de la volonté de quelques-uns de rien faire. »

Je sais que c’est dans la mouvance du moment, des textes qui font du bien mais elle en fait un peu trop. J’emploie sans le doute le « un peu » car je lui pardonne ses « excès ». Mais je le re écris, ce ne sera pas un incontournable pour moi et je le regrette.

Le titre, en anglais, est une citation de Léonard Cohen et de nombreuses autres références musicales sont présentes dans ce livre (et l’auteur explique pourquoi dans les dernières pages), il y a même la bande son sur internet.

J’attends le prochain recueil avec impatience pour voir si elle redresse la barre !


"En quête de liberté" de Gaëlle Joly & Sana et Tugce Audoire

 

En quête de liberté
Comment je me suis sortie de l'enfer de Daesh
Auteurs : Gaëlle Joly & Sana (scénario) et Tugce Audoire (dessin)
Éditions : Vuibert (6 Novembre 2025)
ISBN : 978-2311151008
210 pages

Quatrième de couverture

Un soir d’août 2014, Sana, 15 ans, croit partir en vacances en Algérie avec sa famille. Quand l’avion atterrit, elle comprend : elle est en fait en Turquie, direction la Syrie. La frontière franchie, à pied et en courant dans la nuit, l’adolescente se retrouve dans un pays aux mains des terroristes. Mariée de force à un combattant de l’État islamique, mère un an plus tard, elle affrontera la guerre, la faim, les camps kurdes et l’effacement de son droit d’exister. Pendant neuf années, Sana n’aura qu’un objectif : survivre. Survivre pour elle, survivre pour ses filles.

Mon avis

Ce roman graphique raconte l’histoire de Sana pendant neuf ans, à partir d’août 2014. Ses parents sont séparés et sous prétexte de vacances, sa mère lui dit qu’elles vont aller en Algérie. Il n’en est rien et elle se retrouve en Syrie, mariée de force à un combattant de l’état islamique et mère à seize ans. La vie sous Daesh, les camps kurdes dans des conditions effroyables, elle va tout vivre, tout subir. Elle se battra pour survivre avec un seul but : revenir en France et vivre libre.

C’est son combat que Tugce Audoire, peintre et illustratrice turque, a mis en images et que Gaëlle Joly, grand reporter, ayant croisé Sana dans un camp en 2022, a décrit en mots, reprenant les confidences de la jeune femme.

Divisé en six chapitres, cette bande dessinée est édifiante. Au début de chaque partie, une carte pour situer les lieux et parfois, mieux comprendre les enjeux. Puis les images, avec une majorité de couleurs marron, sable, orange et beige. Le plus souvent trois à quatre vignettes par page. Les textes sont sur fond beige pour les pensées, et sur fond blanc pour les paroles. Le décor est souvent estompé pour se concentrer sur les visages, les silhouettes.

En ce qui concerne les illustrations, j’ai trouvé l’ensemble beau à regarder mais pas toujours très expressif. Certains personnages en posture debout manquent de mouvement, de souplesse, ils font un peu « raides ». Mais ça reste représentatif et il faut saluer la qualité du travail.

Pour le texte, il est difficile de résumer une petite dizaine d’années en deux cent dix pages donc il y a forcément des raccourcis, des passages survolés et je me suis posée quelques questions. Je vais chercher des entretiens avec Sana pour mieux comprendre tout cela.

Ce témoignage est bouleversant. Elle a vécu des choses horribles et le traumatisme est important. Le fait qu’elle parle, qu’on la lise, c’est donner la parole à toutes les personnes qui sont dans son cas et dont on ignore l’existence.

Le chemin a été dur, compliqué, notamment par le fait qu’il a fallu tenir tête à sa mère qui n’avait pas les mêmes idées qu’elle et qui envisageait un autre avenir pour sa fille. Elle a eu une force de caractère hors du commun et a trouvé des soutiens qui l’ont aidée à ne jamais baisser les bras.

Quand elle est revenue en France, elle a dû donner des preuves de sa bonne foi, de sa légitimité. Elle qui a été victime de sa famille et du terrorisme…. Pour elle, c’était une lutte de plus, mais c’est compréhensible.   

J’ai apprécié cette lecture. Mais il m’a manqué « un supplément d’âme », ces émotions fortes qui font dire waouhh, qui serrent le ventre et mettent les larmes aux yeux. Peut-être que le texte était trop factuel, pas assez dans le ressenti, même si on sent la colère et la peur de Sana.

Une chose est certaine. Il est parfois plus aisé de lire un roman graphique plutôt qu’un livre et cela permet d’être au courant de ce genre de situation.

NB : En fin d’ouvrage, la chronologie complète bien le propos. L’introduction (rédigée par Sana) et le « Et maintenant » (écrite par Gaëlle Joly) sont bouleversants.





"La rumeur" d'Heidi Perks (The Whispers)

 

La rumeur (The Whispers)
Auteur : Heidi Perks
Traduit de l’anglais par Carole Delporte
Éditions : Le livre de poche (5 Novembre 2025)
ISBN : 978-2253253136
384 pages

Quatrième de couverture

Personne n’a vu Anna depuis une soirée passée avec ses quatre plus proches amies. Elle a un mari aimant et un fils qu’elle adore, tous deux sont morts d’inquiétude. Grace, son amie d’enfance, est persuadée qu’elle n’abandonnerait jamais sa vie parfaite sans crier gare. Que lui est-il donc arrivé ?

Mon avis

Après des années d’absence, Grace, mariée et mère d’une petite fille, revient en Angleterre. Elle est sans son mari, bloqué par son travail à l’autre bout du monde. Elle s’installe dans la ville où elle a grandi et où vit Anna, sa meilleure amie. Bien que le contact ait été coupé du fait de la distance, elle a hâte de la retrouver. Leurs enfants sont scolarisés dans la même classe, ce sera facile.

Sauf que ce n’est pas aussi idyllique que Grace le pensait. Anna est devenue très amie avec d’autres mamans d’élèves et semble l’éviter. Grace est blessée d’autant plus qu’elle a le sentiment qu’une de ces femmes a une mauvaise influence sur Anna. Elle a tant donné avant de partir avec sa famille pour sa best friend qui n’avait que son père. Elle l’a accueillie comme si elle était sa sœur. Les soirées pyjamas, les sorties, elle l’a aimée, protégée, elle ne comprend pas, elle souffre. Comment rétablir ce lien dont elle a tant besoin ? Elles ont évolué mais Anna ne peut pas avoir oublié le passé, tout ce qu’elle a fait pour elle, c’est impossible.

Mais les non-dits, les silences, les qu’en dira-t-on pèsent…

« Parfois, j’aimerais que Grace dise ce qu’elle pense. En fait, je trouve souvent qu’il serait préférable que nous soyons toutes plus honnêtes au lieu de jongler avec nos peurs, nos angoisses et nos gênes. »

Le lecteur passe de l’une à l’autre avec différents points de vue, parfois pour un même événement, alternant passé (proche et lointain) avec le présent.  Anna dit « je », pour Grace, c’est un narrateur. C’est là que l’on découvre que quelques détails peuvent flétrir les souvenirs, les transformer pour en faire ce qu’on désire surtout quand de longues années se sont écoulées. À ce moment-là, tout est chamboulé, remis en question. Où se trouve la vérité ? Dans ce qu’on imagine être le vécu réel ou dans ce qu’on tait car notre cerveau a fait l’impasse ? Qu’est-ce qui a créé cette « fracture » entre ces deux inséparables ?

L’écriture est prenante (merci à la traductrice), la tension augmente au fil des chapitres, plutôt courts pour maintenir suspense et intérêt. C’est bien pensé, bien construit. Petit à petit, les personnalités se dessinent, surprenantes, pas forcément comme on les croyait.

Ce roman parle d’amitié, de la complexité des rapports humains (quelques fois, on ne veut plus les voir les personnes qui nous rappellent quelque chose qu’on a choisi de mettre sous le tapis). Il évoque également la place qu’on donne à chacun et ce qu’on attend d’eux. D’ailleurs faut-il attendre quoi que ce soit de ceux qu’on aime ? À part écoute et compréhension ?  


"Sex in Paris" d'Octavie Delvaux

 

Sex in Paris
Auteur : Octavie Delvaux
Éditions : La Musardine (6 Novembre 2025)
ISBN : 978-2364906815
272 pages

Quatrième de couverture

Charlotte, influenceuse culinaire star, pensait mener une vie bien rangée, consacrée à ses recettes véganes et son projet de bébé avec Benjamin. Raté. La voilà embarquée dans un projet de restaurant par Philippe Jimenez, chef étoilé grande gueule, et son fils, l'indomptable et irrésistible Vic. Et quand ça chauffe en cuisine, ça déborde aussi dans les chambres : Charlotte devra jongler entre ses fourneaux, ses hormones et son couple à sauver

Mon avis

Charlotte est une pointure dans son domaine : la cuisine. Elle a quitté C8 car le monde télévisuel lui semblait trop nocif. Elle est maintenant « influenceuse », un métier à la mode qui lui convient. En couple avec Benjamin, son idée fixe est d’avoir un bébé et ils font tout pour que ça marche, un peu trop même car ils perdent en naturel.

Voilà que Philippe Jimenez, un grand cuisinier très renommé, la contacte. Il veut accompagner sa fille, Victoire, une ex ado rebelle, à peine rangée, pour l’ouverture d’un restau végan. Il espère ainsi la calmer et la canaliser. Mais cette jeune femme a besoin de conseils et lui, il n’a pas le temps. Alors il sollicite Charlotte.

En se rendant au rendez-vous, elle s’arrête chez sa copine Déborah qui prépare l’événement « Sex in Paris » (une série de conférences sur la sexualité). Les voilà qui se lancent dans des conversations débridées. Morgane, une autre amie les rejoint et ça dérive sur le désir d’enfant de Charlotte. Les deux « coquines » ne sont pas en manque d’idées pour l’aider, lui suggérant même que Ben n’est peut-être pas le meilleur étalon….surtout qu’elle se plaint de son manque d’implication dans leur vie quotidienne et amoureuse.

Ce récit pourrait être une gentille romance mais l’autrice flirte avec l’érotisme en présentant quelques scènes un peu chaudes. Ce n’est pas du voyeurisme mais ce qui se sait dont on ne parle pas ou peu. Elle n’en rajoute pas (sinon j’aurais fui et fermé le livre), c’est juste à la limite. De plus, elle parle de l’assignation de genre, des pansexuels, des sapiosexuels et j’en passe, et de tout ce qui représente l’amour. Même si ça reste assez superficiel, c’est intéressant de voir combien ce « domaine » s’est développé tel un arbre aux multiples branches et racines.

Le combat de Charlotte pour être mère est un fil conducteur important. On sent le désespoir à chaque test négatif et on s’interroge. Ne peut-on être une femme accomplie qu’en mettant au monde un enfant ?

Tromperies, « coucheries », drôleries, fantasmes, tout y passe, hommes, femmes, iels, c’est décapant et amusant (à petites doses pour moi).  Octavie Delvaux a beaucoup d’humour et son écriture est pétillante. En plus de l’aspect « érotique », elle développe une vraie histoire pour ses personnages, même si c’est léger, comme ce genre de littérature.

Le texte donne chaud quelques fois mais en ces froides journées de pré-hiver, cette lecture n’était pas une mauvaise idée 😉


"L'insaisissable Monsieur X" de Xiaolong Qiu (The Secret Sharers)

 

L'insaisissable Monsieur X (The Secret Sharers)
Auteur : Xiaolong Qiu
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Emmanuelle Vial
Éditions : Liana Levi (13 Novembre 2025)
ISBN : 979-1034911530
208 pages

Quatrième de couverture

Alors que la Chine est encore ébranlée par le Covid et que la bulle financière menace d’éclater, l’ancien inspecteur en chef Chen, devenu directeur du Bureau de la Réforme judiciaire, reçoit un appel de Vieux Chasseur. Son fidèle ami, à présent détective privé, lui demande de l’aider pour une mission confiée à son agence. Mei, une femme qui a fait fortune dans l’immobilier, cherche à retrouver un certain X, disparu peu avant. Chen accepte de mener l’enquête, avec l’aide de Jin, sa fidèle assistante.

Mon avis

L’auteur, né à Shanghai, vit aujourd'hui à Saint-Louis (USA), il a été dans l’obligation de quitter son pays. Chacun de ses titres nous apporte un éclairage sur l’histoire de la Chine et ce que vivent les habitants. Il présente cela avec finesse et doigté.

« […] la Chine change, et elle ne change pas. Il en résulte une sorte de tension, qui révèle quelque chose de profond dans les préoccupations contemporaines. »

Son personnage récurrent est Chen Cao. Autrefois inspecteur de la police criminelle, il a été mis sur la touche et au repos. Son nouveau rôle ? Directeur du Bureau de la réforme judiciaire mais actuellement, « on » lui a demandé de prendre soin de sa santé (pour des raisons politiques c’est possible en Chine…). Une jeune secrétaire, Jin, est un atout précieux pour lui. Elle n’est pas « surveillée » comme lui, elle peut se déplacer plus facilement (pour l’instant…)

Lorsque Vieux Chasseur, son fidèle ami, détective privé l’appelle pour lui demander de l’aide sur une mission, Chen ne sait que faire. Après quelques explications, il relève le défi. Il s’agit, à la demande d’une femme, Mei, numéro 1 de l’immobilier, de retrouver un homme, X, qui habitait le quartier de Poussière Rouge d’où il a disparu. Autrefois universitaire, il a dû, lui aussi, comme Chen, se faire « oublier » et devenir discret. Tout ça parce qu’en 1989, il a soutenu les étudiants pendant la tragédie de Tian’anmen. Il a de ce fait élu domicile dans un coin plutôt pauvre que le gouvernement envisage de raser…

Aidé de Jin, de quelques individus de sa connaissance qui peuvent agir dans l’ombre, Chen se penche sur l’histoire de ces deux personnes, afin de comprendre pourquoi cette femme est prête à tout pour avoir des nouvelles de X.

Sus six journées, il va mener des investigations, lire des extraits de journal intime de Mei et X afin de comprendre ce qui lui échappe et de résoudre cette affaire. Il va doucement mais il avance pas à pas, se servant des indices qu’il a et de son cerveau pour déduire le reste. Au fur et à mesure de l’avancée de l’enquête, le lecteur découvre les non-dits, les mensonges, la vie quotidienne bien différente suivant le lieu où on est installé dans la ville.

Qiu Xiaolong, par l’intermédiaire de son récit, nous montre la Chine de l’intérieur, ce qu’il y a derrière les apparences. Par exemple, les « cols blancs », au chômage, qui se cachent toute la journée dans un bar avec leur ordinateur pour ne pas dévoiler leur situation. Ou bien, le fait que le nombre de cartes SIM soit fixé pour que les gens soient plus aisément traçables. C’est édifiant et ça donne des frissons ! Même s’il vit aux Etats-Unis, l’auteur suit de près son pays et ce qu’il s’y passe. Lorsqu’il glisse des « informations », il le fait avec subtilité. Il faut lire entre les lignes et comme il l’écrit :

« Comme dans la peinture traditionnelle chinoise, l’espace vide d’un paysage en disait parfois beaucoup plus, laissant le spectateur libre de tout imaginer. »

Lire cet écrivain, c’est accepter de prendre le temps. Il n’y a pas un rythme effréné, des rebondissements sans arrêt, une tension à couper le souffle mais l’atmosphère est parfaitement retranscrite, on a envie de partager les repas de Chen, de tendre l’oreille pour qu’il lise ses poèmes, car la poésie est très présente et offre un autre regard. L’écriture (merci à la traductrice) est infiniment délicate, comme une dentelle, chaque mot est choisi avec soin.

Cette nouvelle aventure de Chen Cao est tout aussi réussie que les précédentes.

NB : dans les premières pages, une longue dédicace émouvante.


"La fascination Titaÿna" d'Hélène Legrais

 

La fascination Titaÿna
Auteur : Hélène Legrais
Éditions : Calmann-Lévy (29 Octobre 2025)
ISBN : 978-2702194218
370 pages

Quatrième de couverture

Baptiste Calvet fuit son village natal en Pays catalan et l’épicerie familiale pour partir à la conquête de Paris. Son sésame : une lettre de recommandation pour une compatriote de Villeneuve-de-la-Raho vivant désormais dans la capitale : Élisabeth Sauvy, alias Titaÿna, journaliste, aviatrice et globe-trotteuse intrépide. Cette rencontre va bouleverser son destin. Fasciné par cette femme libre et charismatique qui bouscule les codes d’une société corsetée par les traditions, il entre à son service et découvre grâce à elle le Tout-Paris des années 20.

Mon avis

Titaÿna, de son vrai nom Élisabeth Sauvy, a toujours fasciné Hélène Legrais. Après de nombreuses recherches, cette dernière nous livre un roman très complet, intéressant et prenant sur une femme hors du commun.

1928, Baptiste Calvet habite avec ses parents à Villeneuve de la Raho dans les Pyrénées orientales. Son père a perdu un bras à la guerre. L’avenir de Baptiste est déjà tracé : il travaille à l’épicerie familiale et finira par la reprendre. Il se doit d’être un bon fils donc il n’a pas vraiment le choix. Sauf que ce futur ne lui fait aucunement envie. Lui, il veut aller à Paris, découvrir une autre vie, un quotidien différent. Un jour, il ne sait pas trop pourquoi, son paternel cède. Il pourra « monter » à la capitale. Il va jusqu’à lui donner une lettre de recommandation pour une femme qui a grandi au village et qui est installée là-haut et qui, semble-t-il, a réussi.

Il débarque chez elle avec sa valise, un peu perdu. En échange d’une chambre sous les toits, elle lui propose d’être son coursier. C’est une « dame » qui n’a pas froid aux yeux. Elle se décrit elle-même comme une aventurière.

« J’ai pris un pseudonyme par souci d’indépendance. Et pour m’affirmer en tant qu’individu. Ni la fille de, ni la femme de. Ni prénom, ni nom. C’est Titaÿna qui voyage, enquête, photographie, ressent, écrit, et personne d’autre ! »

À son contact, le jeune homme découvre un autre monde, prend de l’assurance et grandit. Il fait connaissance de Nicolette, une admiratrice de sa « patronne ». Elle rêve de devenir comme elle, une journaliste qui « ose », qui déniche des sujets originaux. Grâce à Baptiste, l’élève rencontre son modèle et écoute ses conseils.

« Ne laisse jamais paraître la moindre faiblesse ou hésitation. Fais comme moi : moque-toi des jugements. »

Le récit nous entraîne à la suite de ces trois personnages, et d’autres dans des aventures sans temps mort. Au fil des pages, on cerne la personnalité atypique de Titaÿna, ses réussites, ses échecs, ses choix, ses prises de position controversées, notamment par rapport aux juifs, à Hitler lorsqu’arrive la seconde guerre mondiale …. Les autres protagonistes ne sont pas oubliés, Nicolette a de l’ambition, elle veut réussir, Baptiste également … Mais à quel prix ? Comment trouver l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle ? Comment ne pas tout écraser sur son passage pour parvenir au succès ? Jusqu’où peut aller la quête de reconnaissance, le besoin d’exister par soi-même ?

Ce récit nous offre de beaux portraits de femme. Elisabeth Sauvy (1897-1966) était très moderne pour son époque, c’est assez incroyable de voir tout ce qu’elle a décidé de faire, même si c’était plutôt réservé aux hommes (je vous laisse découvrir). Son fort tempérament fait que, souvent, les gens allaient dans son sens, sans la contrarier… Rebelle, indomptable, elle n’a pas toujours pris les bonnes décisions et a été admirée autant que détestée…

Mêlant habilement personnages réels (je ne connaissais ni Titaÿna, ni Gerda Taro (évoquée dans le livre et que je verrai bien dans un prochain titre)) et fictifs, Hélène Legrais a réussi à me scotcher aux pages (avec une belle bague de lecture en plus !). Son écriture fluide, son style m’ont captivée. J’ai apprécié le fait qu’elle nous plonge dans le quotidien de ceux et celles qu’elle présente. Le texte est très « vivant », bien documenté sans être lourd. J’ai énormément appris et c’est plus qu’une belle découverte, c’est un coup de cœur !

Dans les dernières pages, dans les remerciements, l’autrice explique la genèse de ce roman, qui est aussi un rappel à l’ordre sur les dérives (l’Histoire se répète) et elle nous dit « Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ... »

NB : en début d’ouvrage, une dédicace puissante : « Aux femmes libres, audacieuses, indomptables … et à leurs erreurs »