"L’invitation" de Sebastian Fitzek (Die Einladung)

 

L’invitation (Die Einladung)
Auteur : Sebastian Fitzek
Traduit de l’allemand par Céline Maurice
Éditions : L’Archipel (27 Mars 2025)
ISBN : 978-2809851632
386 pages

Quatrième de couverture

Depuis des années, Marla Lindberg suit une psychothérapie. Atteinte de prosopagnosie – cette incapacité à reconnaître les visages –, elle a appris que son cerveau lui jouait des tours dans les situations extrêmes... Lorsqu'elle reçoit une invitation pour participer à une réunion d'anciens élèves dans les Alpes, Marla l'accepte. Mais quand elle arrive sur place, au milieu des montagnes enneigées, le Chalet des Brumes est désert.

Mon avis

Marla n’a pas eu une enfance facile et rien ne s’est vraiment apaisé à l’adolescence. Elle a pourtant tenu bon et arrive aujourd’hui, à avoir une activité professionnelle. Elle « aide » la police en visionnant des vidéos. Le but ? Voir tout ce que les autres ne voient pas. Elle a un don d’observation accru. Elle perçoit et enregistre une foule de détails qui échappent au commun des mortels. Après une brève conversation avec une personne, elle analyse l’environnement, la tenue, les tics, la posture et tire des conclusions plutôt pointues. Par contre, elle souffre de prosopagnosie et si elle n’a pas retenu quelques éléments précis du visage ou de l’attitude de l’individu, il se peut qu’elle ne le reconnaisse pas. Ce handicap l’isole quelque peu mais elle s’en accommode, elle préfère être seule. Comme elle a subi de nombreux traumatismes, cette solitude l’arrange, un peu comme une barrière de protection.

Malgré tout, elle aimerait être comme avant. Avant le jour où tout a basculé, le jour où la peur a été telle qu’elle n’a pas pu s’en remettre… Lorsqu’elle reçoit une invitation pour un week-end en montagne avec les anciens élèves de son lycée, elle pense que c’est l’occasion qu’elle attendait. Revoir ses anciens camarades, parler, échanger, rire ensemble, se dire les choses et repartir sur de bonnes bases pour être « elle-même » et se libérer de ses angoisses.

Est-ce la bonne solution ? Une fois arrivée sur place, il n’y a personne. Pourtant les chambres semblent occupées… La tension monte, Marla a beau faire des repères, elle se rend compte que rien n’est clair. On est dans un huis clos étouffant et à l’extérieur la vie continue.

Tout l’art de l’auteur, c’est de rendre « possibles » des situations totalement improbables. Bien sûr, si on creuse, on va penser que ce n’est ni réalisable, ni logique. Mais trop tard, on est piégé. Avec lui, tout est réalité et illusion en même temps. L’exactitude d’une page peut être le contraire dans la suivante. Il joue avec nos nerfs, nos certitudes, il nous enserre dans son intrigue, avec des personnages ambivalents, déstabilisants, des faits bizarres qu’on ne sait comment interpréter.

Il nous renvoie des questions ? Qui est-on vraiment ? Qu’est-ce qui nous « façonne » ? Notre passé, notre présent ? Qu’est-ce que la violence, comment s’exprime-t-elle ? Un individu peut-il faire le mal par plaisir, pour voir souffrir un être humain ? Quand une mauvaise action est faite par un groupe, qui est coupable ? Celui qui a agi, celui qui a suggéré l’idée ou tous ?

Avec des chapitres courts, un suspense permanent, le lecteur plonge dans ce récit et ne le lâche plus. L’écriture (merci à la traductrice) de Sebastian Fitzek est incisive, précise, troublante quelques fois. Il ouvre des pistes et on se demande s’il faut les suivre. Le profil psychologique des protagonistes est étudié pour coller à l’histoire, la rendre crédible. Personne n’est vraiment « lisse », les caractères ont plusieurs facettes et on se demande sans cesse où est la vérité.

Ce roman est très prenant, surprenant également, je ne m’attendais pas aux rebondissements tout au long du texte et encore moins à la fin !

Mais où va-t-il chercher tout ça ? Et bien dans la postface, il y a quelques réponses, je laisse chacun les découvrir !


"Jacqueline, je t'écris" de Jean-Michel Bartnicki

 

Jacqueline, je t'écris
Auteur : Jean-Michel Bartnicki
Éditions : Libre 2 Lire (19 octobre 2024)
ISBN : 978-2381575605
312 pages

Quatrième de couverture

Un témoignage authentique et poignant sur la fin de vie, et ce que l’amour peut offrir en pardon. Bouleversant !

Mon avis

Lorsque sa mère n’a plus été capable de rester seule à domicile, Jean-Michel Bartnicki a dû prendre la douloureuse décision de la placer en EHPAD. C’était en 2017. Il écrit que c’est à partir de ce moment-là qu’il a pu « l’aimer ». Elle a pu rester dans cette résidence plusieurs années avant de mourir.

L’auteur a eu besoin de poser des mots sur cette période mais également sur tout ce qu’il a vécu depuis qu’il était enfant lorsque ses grands parents l’ont élevé. En cherchant des explications pour comprendre ce qu’il entendait le concernant quand il était petit et le pourquoi de cette situation, il a « retracé » son histoire.

Ce livre est l’occasion pour lui, de se confier, de « parler » à sa maman (il l’interpelle souvent), de dire tout ce qu’il a sur le cœur. Les questions laissées en suspens, les reproches, ce qui a été « beau ». Tout ne peut pas être négatif dans un chemin de vie mais parfois la route est bien caillouteuse.

Dans ce témoignage, sans langue de bois, de nombreux thèmes d’actualité sont présents. Que faire face à la vieillesse de nos parents, quand ils perdent en autonomie ? Oui, c’est un « crève-cœur » de leur faire quitter leur domicile mais quand les troubles cognitifs sont là, quelles décisions prendre ? A-t-on le choix ?

La présentation de tous ces souvenirs alterne avec des dialogues entre la mère et le fils (elle s’exprime souvent en patois et les « traductions » en bas de page sont nombreuses), des lettres retrouvées dans la demeure familiale, des réflexions personnelles…

Cette dame ne savait peut être pas aimer ou tout simplement, elle était maladroite pour montrer son amour maternel. Je ne me permettrai pas de la juger. Ce récit intime, douloureux, a probablement permis à celui qui l’a rédigé d’aller mieux. Certains lecteurs penseront « à quoi bon », d’autres y trouveront une forme de réconfort en se disant « je me sens moins seul face à tous ces problèmes que je rencontre avec mes parents, d’autres les ont vécus », d’autres encore apprécieront une forme de « courage » pour aller si loin dans la confiance envers celui qui lit et la confidence.

Ce type de texte entraîne forcément quelques répétitions dans l’écriture. Il vaut mieux s’en détacher pour apprécier le contenu et se dire que ce qui est beau et essentiel, c’est que Jean-Michel et Jacqueline aient fini par se rapprocher et …. s’aimer.


"L'Arabe du futur : Moi, Fadi le frère volé - Tome 1 : 1986-1994" de Riad Sattouf

 

L'Arabe du futur : Moi, Fadi le frère volé - Tome 1 : 1986-1994
Auteur : Riad Sattouf (texte et dessin)
Éditions ‏ : ‎ Les livres du futur (8 octobre 2024)
ISBN : 978-2959133725
146 pages

Quatrième de couverture

Ce nouveau projet repose sur les histoires que Riad Sattouf a recueillies en 2011 et 2012 auprès de son frère Fadi Sattouf. Dans ce récit, c'est Fadi le narrateur : il retrace son parcours, de son enfance heureuse en Bretagne auprès de sa mère adorée et de ses grands frères, Riad et Yahya, jusqu'à la Syrie de son père, rude et inconnue pour lui.

Mon avis

Riad Sattouf a retrouvé son frère le plus jeune, Fadi, en 2011, vingt ans après l’enlèvement de ce dernier par leur père qui l’a emmené en Syrie avec lui. La mère, restée en Bretagne avec ses deux aînés s’est battue pour le récupérer et divorcer.

Pourtant, Fadi est resté pendant des années en Syrie, à tel point qu’il en a perdu son français, ses habitudes… Au moment des retrouvailles, il a échangé avec Riad et celui-ci a décidé de créer une nouvelle bande dessinée à partir de son histoire. Trois tomes sont prévus, le premier est sorti en octobre 2024.

C’est raconté du point de vue de l’enfant. On peut être surpris par la précision des souvenirs alors que Fadi est très jeune. Peut-être a-t-il regardé des photos, questionné quelques cousins pour retrouver tout ça. Peu importe. On découvre comment ce père a vendu du rêve à son fils, en lui offrant des bonbons, en lui disant que sa maman l’avait oublié, que ses frangins n’étaient pas gentils avec lui (et eux comment ont-ils vécu ce kidnapping ? Ne se sont-ils pas dit « c’est de notre faute ») et qu’il était bien mieux avec lui …. C’est cruel de profiter de la situation de malléabilité d’un petit pour le « mettre à sa main » et le conditionner… Comment se construire ? Le père a vraiment été dur, menteur, méprisant envers les femmes, manipulateur …

On suit donc le quotidien de Fadi sur huit années, c’est son enfance et on voit petit à petit la « bascule » se mettre en place. Il est plus du lieu où il grandit maintenant que de celui où il était avant, même si des « flashs » avec l’image de sa maman reviennent régulièrement. Le dessin expressif et les couleurs sont identiques aux titres précédents. Les dialogues portent à la réflexion. Il y a une pointe d’humour ce qui évite de nous « plomber » le moral en pensant à ce gamin loin de sa famille maternelle.

Ce récit correspond au tome 4 de « L’arabe du futur » et permet de voir les événements d’un autre côté. J’ai beaucoup apprécié de cette lecture, enrichissante et intéressante.

"La ronde de nuit" de Bora Chung (한밤의 시간표)

 

La ronde de nuit (한밤의 시간표)
Auteur : Bora Chung
Traduit du coréen par Kyungran Choi et Pierre Bisiou
Éditions : Rivages (5 Mars 2025)
ISBN : 978-2743666248
176 pages

Quatrième de couverture

Une gardienne de nuit raconte ses rondes dans les couloirs d’un étrange institut de recherche où sont conservés des objets paranormaux. Chaque laboratoire recèle un mystère.

Mon avis

C’est avec ce recueil de nouvelles que je fais connaissance de Bora Chung. Elle est coréenne, née en 1976, elle écrit et traduit. Elle enseigne la littérature et les études de textes de science-fiction. Elle est également très active sur le plan social. « La ronde de nuit » est son second titre traduit en langue française.

Ce sont des mini récits fantastiques, avec juste une pointe de paranormal. J’ai été conquise parce que ça garde un aspect réel, il y a seulement quelques petits phénomènes bizarres qui montrent que ça ne tourne pas « de façon normale ».

Tout est lié à un institut de recherches avec des laboratoires fermés à clé. Sur place, l’Ancienne (avec une majuscule) est là. C’est une femme âgée aveugle qui « voit » tout et sent les événements. Quelques fois, elle raconte, ou bien le ou la protagoniste principal-e du petit texte prend la parole en disant « je ».

C’est seulement la nuit que le lecteur « visite » avec ceux qui surveillent les lieux. Ils font des tours à heure régulière, ne croisent jamais personne. Ils ont des consignes très strictes : ne pas ouvrir les portes, garder leur téléphone éteint et s’ils pensent voir un fait sortant de l’ordinaire, l’ignorer et continuer leur chemin etc… Mais avouez que c’est bien tentant d’essayer de savoir, de glisser son œil dans un trou de serrure, de coller son oreille contre une cloison ou de tenir tête à celui que vous rencontrez alors que vous êtes censés être seuls, surtout lorsqu’on vous a répété que c’était interdit.

Sauf qu’à la moindre incartade tout part de travers et plus rien n’est « maîtrisable ». Il se passe des choses bizarres et si certains essaient d’analyser ou de comprendre, ils perdent encore plus pied, jusqu’à se demander s’ils n’ont pas des hallucinations.

Ceux dont on raconte l’histoire ont eu de temps à autre une attitude qui n’était pas « la bonne », en désobéissant, ou en n’étant pas en « phase » avec ce qu’on attendait d’eux. Comme s’il était nécessaire de rester dans un « moule », de ne pas dévier (on ne se risque pas, par exemple, à ressentir des sentiments pour une personne du même sexe). Alors est-ce que les objets « connectés » et cachés dans les labos se vengent ? Est-ce que les esprits décident de punir les « fautifs » ?

De nombreux thèmes sont abordés par l’intermédiaire de ces textes. La culpabilité, la vengeance, la différence, l’isolement lorsqu’on n’est pas dans la « norme ». Se pose alors la question de savoir ce qu’est la « règle » s’il n’y a plus de place à l’imprévu, à la fantaisie, à l’imagination, à l’ouverture d’esprit, à la curiosité…

L’écriture (merci pour la traduction) est détachée, observatrice, décrivant sans empathie… Du moins en apparence, parce qu’une certaine forme de tendresse se dessine envers les personnages. On sent que l’auteur n’est pas indifférente à leur devenir et elle entretient le mystère à merveille.

Cette lecture m’a transportée et enchantée. J’ai aimé ce fragile équilibre entre fantastique et réalité, on passe de l’un à l’autre en se laissant emporté par les mots, les phrases qui font peur ou sourire ou rêver…. C’est délicat, inspiré et très agréable à lire.

"Ticoco est amoureux" d'Anne Surrault et Delphes Marchal

 

Ticoco est amoureux
Auteurs : Anne Surrault (textes) & Delphes Marchal (dessins)
Éditions : Ella éditions (17 novembre 2024)
ISBN : 978-2368036570
64 pages

Quatrième de couverture

C'est la fête chez les singes Capucins qui retrouvent leurs amis les Ouistitis.
Ticoco et ses cousins sont très heureux de revoir Ouistitine et Ouistintin.
Les yeux de notre petit héros Ticoco, s'emplissent de papillons lorsqu'ils croisent ceux de Ouistitine et son cœur se gonfle de guiliguilis.
Mais comment faire pour lui plaire ?

Mon avis

Ticoco est amoureux et grâce à son histoire, le sujet pourra être abordé avec de jeunes enfants.  Il ne sait pas quelle attitude adopter, parfois il en fait trop en essayant de se faire remarquer, à d’autres moments, il veut tellement être gentil avec l’élue de son cœur qu’il en devient envahissant. Alors, il faut trouver le juste milieu… Pas facile….

À travers plusieurs situations, le lecteur observe le comportement de Ticoco mais également de celle qui reçoit ses attentions. Comme ça ne se passe pas comme il l’espère, Ticoco se renseigne auprès de sa famille et reçoit de bons conseils.

Au début de l’album, les personnages sont présentés et on peut tout de suite les visualiser. Dans les dernières pages, un résumé très ciblé est présenté pour reprendre les trois grandes idées du récit.

Les dessins ont des couleurs vives, très belles. Le papier est d’une qualité exceptionnelle, assez épais, glacé, magnifique. Je trouve que c’est une bonne idée de faire intervenir des animaux. C’est plus facile que de choisir des visages dans lesquels le jeune ne se reconnaîtra pas.

Lu à haute voix par un adulte ou découvert seul-e, cet album a sa place dans l’apprentissage des émotions et des relations.


"Troubles fêtes" de Patrick S. Vast

 

Troubles fêtes
Auteur : Patrick S. Vast
Éditions : Taurnada (13 Mars 2025)
ISBN : 978-2372581462
250 pages

Quatrième de couverture

Aux Bois radieux, une cité sensible du 93, vivent notamment les Butel, une famille de marginaux, ainsi que Violette Grignon, une retraitée que l'existence a rendue extrêmement méfiante.
La veille de Noël, Johnny Butel, âgé de 25 ans, dérobe les provisions d'un couple de seniors.
La semaine suivante, il récidive avec sa voisine Violette, qui, après avoir hésité, a emporté un revolver pour se rendre au centre commercial.

Mon avis

Après avoir travaillé pendant de longues années, Violette Grignon touche maintenant une petite retraite. Un sou est un sou, elle calcule son budget et ne peut pas se permettre le moindre écart. Ses revenus ne sont pas énormes et c’est pour ça qu’elle habite un immeuble de la cité « Au Bois radieux ». Un joli nom pour un coin pas toujours glamour. Les lieux ne sont pas très bien entretenus. Les tags sont nombreux, les jeunes s’ennuient et traînent, certains dealent…  C’est ce qu’on appelle une « cité » sensible. La police sait ce qu’il s’y passe, mais fait parfois comme les trois singes de la sagesse. C’est peut-être le seul moyen de garder un semblant de paix dans cet endroit parfois agité. Parce qu’on le sait bien, une arrestation et tout s’embrase.

Dans l’immeuble de Violette, il y a Fernand, un voisin âgé, comme elle. Sa fille veut le mettre « pour son bien et sa tranquillité » en maison de retraite. Il n’est pas d’accord et quand les assistantes sociales débarquent (pour voir s’il s’en sort tout seul), il est très en colère car habituellement sa famille ne se préoccupe pas de lui. Il discute avec Violette mais chacun a ses propres ennuis et ils n’échangent pas plus que ça. C’est la solitude qui leur tient compagnie. On les sent tendus mais ils n’ont pas les moyens de déménager.
Et puis, il y a la famille Butel, le père, fan de Hallyday (et l’écoute fort et sans arrêt), a appelé son fils Johnny. Un fainéant qui aimerait bien que l’argent arrive tout seul. Alors il vit de petits larcins. À l’approche de Noël, il rentre avec des sacs bien garnis qu’il a volés à un couple âgé qui venait de faire ses courses. Il a bien envie de remettre ça pour le réveillon. Après tout, ce n’est pas si difficile...

Le contexte social est très bien décrit. L’usine qui ferme, les jeunes désœuvrés, coincés chez leurs parents. Ils se retrouvent en bas du HLM, se moquent de ceux qui passent et ne savent pas que faire de leur temps libre.

Comment des personnes si différentes se retrouvent-elles à habiter un même lieu ? Il y a un gouffre entre eux. Ils ne peuvent pas se comprendre, se parler.

Violette n’est pas en confiance, elle se méfie des Butel, des trafiquants de tout bord, de ceux qui s’approchent trop près et visent peut-être son porte-monnaie. Elle voudrait vivre sa petite vie sans peur mais ce n’est pas vraiment possible. Elle n’est jamais détendue. Alors ce jour-là, en allant faire ses achats, elle est sur le qui-vive et tout dégénère.

Ce récit montre qu’on ne maîtrise pas tout, que l’effet papillon, comme un jeu de dominos, entraîne les faits sans qu’il soit possible d’arrêter l’engrenage. C’est terrible et une fois pris dans la spirale, on ne peut rien arrêter.

L’auteur a su observer ou se renseigner car son texte est immersif. On est au cœur de la cité, les difficultés relationnelles, les peurs des uns, les envies d’en découdre des autres… la vie avec tous ses obstacles, ses répits aussi, mais est-ce qu’ils durent vraiment ?

Avec une écriture rythmée, Patrick S. Vast nous entraîne dans un récit addictif, il y a de l’action, des émotions et les thèmes abordés sont criants d’actualité.

"Les anges n’habitent pas tous au paradis" de Maria P. Mischitelli

 

Les anges n’habitent pas tous au paradis
Auteur : Maria P. Mischitelli
Éditions : du Caïman (11 Mars 2025)
ISBN : 978-2493739230
274 pages

Quatrième de couverture

1939, Los Angeles. Dans leur luxueuse propriété de Beverly Hills, Madame Müller découvre sa domestique mexicaine – Gloria Marquez – sauvagement assassinée. Son corps est mutilé selon un ancien rite aztèque. Lana Monterey, une jeune détective privée est chargée de l'enquête. Accompagnée de sa complice, une cinquantenaire gay, iconoclaste, désabusée, haute en couleurs et gouailleuse, Lana plonge dans cette enquête complexe confrontant ces femmes détectives aux interdits d'une société patriarcale, dans un Los Angeles obsédé par son expansion où sévissent les guerres de l'eau et du pouvoir.

Mon avis

Lana élève seule ses deux enfants. Elle s’est séparée de son époux après avoir découvert sa trahison. Elle a été embauchée par un ancien camarade de classe, Carston, pour des missions de détective. Elle débute dans le métier et ce n’est pas facile pour elle. Elle a malgré tout de la volonté, un bon sens de l’observation et de la ténacité. C’est pour ça que son co-équipier l’envoie chez les Müller, dans leur belle demeure du quartier de Beverly Hills. Ils ont demandé une enquête car leur bonne mexicaine, Gloria Marquez, a été assassinée et mutilée.

Quand Lana arrive sur les lieux, elle est confrontée à une mise en scène terriblement violente et dure qui n’est pas sans rappeler un rite aztèque. En face d’elle l’équipe de police dont le lieutenant Jack Kaminski, son ex-mari.  Cela ne va pas simplifier les investigations et les relations. Vont-ils rester à leur place sans interférer ou se tiendront-ils mutuellement au courant de leurs découvertes ? Aucun des deux n’est ravi de la situation, c’est sûr…

Depuis sa séparation, Lana a pris de l’assurance et elle n’a pas l’intention de se laisser impressionner par son ancien conjoint. Elle fera ce qu’elle décide et tant pis s’il n’arrête pas de lui déconseiller ce métier. Chacun sa vie. Elle m’a bien plu Lana, il ne faut pas se fier aux apparences, elle « en veut » et elle a raison. Sa route croise celle d’Ezra, une femme à l’allure masculine, totalement désinhibée, et qui n’a pas sa langue dans sa poche, ce qui dérange un peu vu qu’on est à Los Angeles en 1939. Mais bon, elles se mettent en binôme et c’est plutôt une bonne idée. Deux cerveaux féminins, ça carbure ! En plus, Ezra a des connaissances et manie bien la langue espagnole. Elle peut donc creuser du côté des gens que fréquentait la domestique. Qui était vraiment Gloria ? Une femme discrète et dévouée pour ses patrons ? Ou se servait-elle de sa situation de « personne transparente », qu’on ne « calcule » pas pour obtenir des informations ? Qui a pu vouloir sa mort et pourquoi ? En quoi pouvait-elle déranger ?

Au-delà de l’enquête, c’est tout le contexte historique qui est intéressant et très bien retranscrit. J’ai même eu le sentiment que ce roman avait été écrit il y a longtemps, dans les années où il se déroule. Cet aspect est particulièrement réussi. On sent bien que la gent féminine devait rester au foyer, élever les gosses et se taire. Ou alors, travailler seulement en cas de besoin et sans faire de vague et sans chercher à obtenir un poste réservé à un mec, un vrai, hein ?

De nombreux thèmes sont abordés à travers ce récit. Le patriarcat, les droits des personnes d’origine étrangère, les magouilles politiques, l’influence des croyances et de ceux qui « manipulent », et bien d’autres sujets.

J’ai particulièrement apprécié l’atmosphère, on s’y croirait ! C’est comme si on regardait un film d’époque en noir et blanc. L’écriture est truculente, maniant l’humour quand il le faut, noire également, parfaitement dosée. Les faits s’enchaînent sur un bon rythme. Les protagonistes hauts en couleur ont du cachet et l’ensemble est équilibré.