"La ritournelle de nos jours" de Marie Joudinaud

 

La ritournelle de nos jours
Auteur : Marie Joudinaud
Éditions : Archipoche (31 Octobre 2024)
ISBN : 979-1039205368
338 pages

Quatrième de couverture

Paris, 2006. Sophie, amoureuse des plantes et des jardins, doit faire face au décès de son père, qui l'a élevée seul. En disparaissant, ce célèbre musicien lui lègue un secret caché au cœur d'une étrange villa azuréenne... La jeune femme osera-t-elle lever le voile sur le mystère ?

Mon avis

Paris, 2006, le père de Sophie, débarque au magasin qu’elle tient avec son associé et un apprenti. C’est assez surprenant et en lui préparant rapidement un café, elle s’interroge sur sa présence, lui qui vient rarement la voir sur son lieu de travail. Il dit qu’il passait pas loin et qu’il en a profité pour faire une petite visite, mais surtout, il l’informe qu’il veut lui parler, qu’il a des choses à partager avec elle, ils prennent rendez-vous, elle ira chez lui ….

Ils se voient et il lui confie qu’il va bientôt mourir. Elle n’avait rien vu venir, elle s’installe près de lui pour l’accompagner le mieux possible. Il l’a élevée seul après le décès de sa mère, dont elle ne sait pas grand-chose, elle tient à vivre ses derniers instants avec lui. Il n’a pas toujours été très présent car c’était un célèbre musicien mais, même fragiles, les liens sont là. La jeune trentenaire a eu parfois des difficultés à communiquer avec ce papa secret. Elle s’est posée des questions mais face à ses interrogations, il n’a jamais apporté d’explications ou alors quelques bribes.

Après les funérailles, le notaire la convoque et lui remet une clé et une adresse dans le Sud. C’est la stupéfaction, elle ne comprend pas. Émile, son père, n’allait jamais dans le Sud ! Que faire ? Se laisser tenter et aller sur place ? Oublier cette clé et continuer son quotidien sans y penser ?

C’est parfois difficile de décider. Sophie appréhende, peur de souffrir, peur de découvrir des événements qui la bouleverseront et qu’avec le recul, elle aurait préféré ignorer… Que choisir ? Les non-dits ne sont jamais bons. Elle décide de commencer sa quête et peut-être de cerner qui était réellement son père.

C’est comme ça que le lecteur fait connaissance avec un Émile tout jeune en 1974. Les chapitres alterneront entre passé (avec lui) et présent avec les investigations de la jeune femme. Elle va suivre le fil ténu reliant chaque indice qu’elle récupère, espérant que les pièces du puzzle s’emboîtent et qu’elle apprenne ce que son paternel lui a tu et pourquoi il a agi ainsi.

Ce roman est d’une grande délicatesse, empreint de tristesse, de mélancolie mais surtout de beaucoup d’amour, celui de tous les êtres qui en aiment un autre. Qu’ils aiment d’amour ou d’amitié, faisant preuve d’écoute, de respect pour ceux qu’ils apprécient au plus haut point.

C’est avec une écriture fine, donnant vie à ses personnages que Marie Joudinaud m’a entraînée à sa suite dans ce récit. J’ai tout de suite senti qu’elle avait beaucoup d’affection pour ses personnages, qu’elle voulait leur bonheur mais qu’elle n’oubliait pas de parler des aléas de la vie. Les lunettes roses ne sont pas toujours de mises et ses protagonistes sont confrontés à des situations difficiles à gérer.

Cette histoire m’a intéressée, captivée. J’ai aimé la place donnée à la musique. L’auteur rappelle qu’elle peut apaiser les cœurs, aider à oublier la souffrance, panser les plaies. La musique guérit, rend heureux, passe à travers le temps et l’espace et réunit ceux qui s’aiment….


"La perle des faussaires" de Nicole Giroud

 

La perle des faussaires
Auteur : Nicole Giroud
Éditions : Plumitive (10 octobre 2024)
ISBN : 979-1093327204
372 pages

Quatrième de couverture

Han van Meegeren, le plus brillant faussaire du vingtième siècle, amassa une fortune colossale en vendant ses tableaux aux plus grands musées et collectionneurs de Hollande. Le mécanisme se grippa lorsqu’il fut contraint de vendre un faux Vermeer à Hermann Goering. En 1945 un Vermeer non répertorié dans la collection du Maréchal attira l’attention des experts artistiques des Alliés et ce fut le début des ennuis. Pourquoi Han van Meegeren ne se contenta-t-il pas de reconnaître seulement la paternité de ce faux ?

Mon avis

Han van Meegeren est un artiste peintre, devenu faussaire. Il a même trompé les nazis avec des tableaux fabuleux, signés du nom de Vermeer. Et lorsque sa supercherie a été mise en avant, il a  dû prouver qu’il avait réalisé ces faux, plus vrais que nature. « La perle des faussaires » est la biographie romancée de cet homme, né en 1889 et décédé en 1947 à Amsterdam.

Je m’intéresse à l’art mais de loin, à l’occasion de visites dans des musées ou pour des expositions. Et je me dois de l’avouer, je n’avais jamais entendu parler de ce monsieur. Ce récit m’a fascinée, je l’ai trouvé plus que réussi : une vraie perle littéraire !

Nicole Giroud a dû accomplir un énorme travail de recherches, de documentation, puis d’organisation pour intégrer à son texte ce qu’elle a appris et découvert sur cet homme. C’est à « lui » qu’elle donne la parole, il se « raconte » et explique sa vie depuis son enfance jusqu’à ce choix délicat de « tricher ». Mais pour lui, il ne s’agit pas de ça, il considère qu’il rend ainsi hommage à Vermeer, le mettant en exergue puisqu’il ne copie pas son œuvre mais la prolonge en créant d’autres toiles. La nuance est subtile et intéressante à creuser au final.

À travers cette histoire, l’auteur fait une fine analyse de la personnalité de Han, elle va au plus profond pour comprendre ce qui a pu le motiver à agir comme il l’a fait à chaque étape de sa vie (et pas seulement quand il s’est consacré au « métier » de faussaire). Le contexte historique est riche avec des événements ayant existé bien introduits au fil des chapitres.

J’ai découvert Han, enfant « cassé » par son père, essayant de s’évader par le dessin, la peinture. Ensuite, je l’ai vu devenir élève d’un grand maître, apprenant entre autres, à repérer les points de fuite qui orientent le regard du spectateur. Puis il est devenu adulte, parfois torturé, dépressif, se sentant mal-aimé, « habité » par l’art, prêt à tout pour la création, quitte à souffrir d’addiction.

Han était très intelligent. Il a mis en place des techniques de vieillissement, a fait des essais, tenté différents matériaux pour que tout soit parfait. Il y tenait. C’était vraiment quelqu’un d’exceptionnel malgré sa part d’ombre et ses défauts.

L’arrivée de la guerre a modifié les projets de Han et de son épouse. Mais Jo, sa femme, très futée, trouvait toujours un moyen pour s’adapter, c’est elle qui gérait la fortune et tout le côté matériel.  Dans ce livre, on voit aussi tout ce qui se passe pour les hollandais, surtout lorsqu’arrivent les années difficiles avec les conflits politiques.

J’ai beaucoup apprécié toutes les réflexions sur la place de l’art, sur ce qu’est l’art. Est-ce que Vermeer a été plus connu après l’épisode où Han a voulu continuer ses réalisations ? La question mérite d’être posée, non ? Est-ce que Han a peint pour être connu ou reconnu ? Quel était son but ? Faire parler de lui ou de ses doigts magiques ?

Cette lecture m’a captivée. J’ai été scotchée aux pages. L’écriture fluide et plaisante m’a permis de rentrer rapidement dans ce récit. Comme il se passe toujours quelque chose, il y a du rythme, des rebondissements, l’intérêt ne faiblit pas. Je suis admirative de Nicole Giroud. J’ai lu d’autres titres d’elle et elle a changé de registre sans aucun problème. C’est bluffant !


"L'Arabe du futur - Tome 3 : Une jeunesse au Moyen-Orient, 1985-1987" de Riad Sattouf

 

L'Arabe du futur - Tome 3 : Une jeunesse au Moyen-Orient, 1985-1987
Auteur : Riad Sattouf (texte et dessin)
Éditions ‏ : ‎ Allary (6 Octobre 2016)
ISBN : 978-2370730947
162 pages

Quatrième de couverture

Ce livre raconte l’histoire vraie d’un enfant blond et de sa famille dans ka Libye de Kadhafi et la Syrie d’Hafez Al-Assad.

Mon avis

Riad a sept ans, il vit toujours en Syrie. Son père, professeur à l’université a pour élève un garde du corps du président. Ce dernier, comme d’autres, essaie de lui offrir des biens afin d’avoir de bonnes notes. On sent les magouilles et même le paternel soulève parfois le coin des copies qui cache le nom des élèves …

Le fossé se creuse entre les deux parents, Ramadan, Noël, c’est tellement différent. La maman, enceinte d’un troisième enfant, veut accoucher en France et y rester quelques mois. Le père ne peut pas suivre car il travaille. Pour Riad, c’est une découverte. En France, il se sent plus libre. L’enseignante ne tape pas, il est écouté, on l’encourage… L’atmosphère est à l’opposé de celle de l’école en Syrie. À la maison, chez les grands-parents également.

Et puis, il y a le retour en Syrie, avec la circoncision, qui est un passage compliqué.

Avec beaucoup de justesse, de dérision, d’humour, Riad Sattouf transmet les remarques et les réflexions d’un petit garçon écartelé entre deux vies, deux cultures et qui ne sait plus trop ce qu’il doit choisir même si on sent de quel côté son cœur va pencher.

Intéressant par le contexte politique, culturel ; édifiant sur la place de la femme suivant où elle habite, sur la difficulté quotidienne dans le village syrien, captivant par les propos tenus, je vais continuer cette lecture !


"L'Arabe du futur - Tome 2 : Une jeunesse au Moyen-Orient, 1984-1985" de Riad Sattouf

 

L'Arabe du futur - Tome 2 : Une jeunesse au Moyen-Orient, 1984-1985
Auteur : Riad Sattouf (texte et dessin)
Éditions ‏ : ‎ Allary (11 juin 2015)
ISBN : 978-2370730541
162 pages

Quatrième de couverture

Ce livre raconte l’histoire vraie d’un enfant blond et de sa famille dans ka Libye de Kadhafi et la Syrie d’Hafez Al-Assad.

Mon avis

C’est avec plaisir que j’ai retrouvé le petit Riad, il a six ans.

Son papa veut rester près de sa mère malade et toute la famille est en Syrie

C’est là que Riad fait sa première rentrée scolaire, avec un cartable en carton qui supporte mal la pluie. En classe, c’est l’endoctrinement, avec l’enseignante qui frappe et ne cherche pas à comprendre.

Sa maman, française, souffre du manque de modernité, pas de lave-linge etc…

Alors quand elle a l’occasion de partir en France avec ses enfants (Riad a un petit frère), elle y va et les vacances sont magiques, merveilleuses. Riad réalise, même s’il est jeune, que la vie entre les deux pays n’a rien à voir. Le gouffre est immense entre les magasins, les conditions de vie, le quotidien….

En Syrie, lorsque le père accepte de prendre quelques jours de congés, il râle, il compte ses sous, l’ambiance est pesante….

Jamais l’auteur ne critique, il pose des faits sans les commenter, nous montre ce qu’il a vécu sans se plaindre, en faisant des constats.  Je trouve que c’est une bonne chose car il n’y a pas de polémique.

Je vais maintenant me plonger dans le tome 3!

"Les yeux fermés" d'Edurne Portela (Los ojos cerrados)

 

Les yeux fermés (Los ojos cerrados)
Auteur : Edurne Portela
Traduit de l’espagnol par Marianne Millon
Éditions : Liana levi (7 Novembre 2024)
ISBN : 979-1034909889
178 pages

Quatrième de couverture

Pueblo Chico est un petit village de montagne apparemment paisible où vivent désormais quelques vieillards taiseux. De prime abord rien ne laisse penser que ce silence recouvre secrets et désirs de vengeance, et le couple venu de la ville pour y passer une année ne le soupçonne pas. Pourtant Ariadna, qui a choisi ce lieu parce que son père y est né, sent bien que quelque chose est tapi au bord de la sierra…

Mon avis

La sierra dévore les gens.

Ariadna et Son compagnon Eloy s’installent pour un an, à Pueblo Chico, un petit village de montagne espagnol. Il a gardé son appartement en ville, au cas où. Et ils sont tous les deux en télétravail. C’est un lieu sans commerce, quelques camions passent pour approvisionner en pain, fruits, légumes etc. Les habitants sont plutôt âgés et taiseux. Ariadna sait que son père est né là mais comme il était orphelin, elle ne connaît pas grand-chose de son histoire. On la suit dans son quotidien pas toujours simple, fait de rencontres avec, entre autres, Pedro, un vieil homme du coin bien mystérieux, perdu dans ses souvenirs.

Elle réalise qu’il est le lien, entre les paroles confuses et égarées de son père avant sa mort et les vivants de ce lieu qui en savent sans doute plus sur sa famille qu’elle-même.

Quand on la laisse, on part dans le passé, d’une part Pedro partage ses ressentis, parfois un peu bizarres, et d’autre part un narrateur présente quelques douloureux événements. Dès le début, on s’interroge, qu’a vu, entendu, vécu, Pédro enfant pour être maintenant hanté au point d’en perdre ou presque, la raison ? Il erre dans un espace intermédiaire, son corps est ici et maintenant, mais ses pensées sont loin, perdues aux confins de ce qui l’a bouleversé. Il n’a plus que sa douleur et il se souvient, il imagine son père, sa mère …

« Il ne lui reste pas de mots de consolation, de mensonges salvateurs, mais les mots d’amour restés endormis pendant les années en montagne, loin d’elle, et qui se réveillent maintenant, inutiles. »

Le récit est fragmenté, on va, on vient mais on ne se mélange jamais. Peu à peu, se dessinent les raisons de la venue d’Ariadna. Pas des raisons officielles, mais indirectement, pour faire le deuil de son père, une nécessité d’un retour aux sources, à la source. A-t-elle seulement envisagé que ce serait, peut-être, douloureux, difficile, de lever le voile sur tout ce qu’on lui a tu ? Je ne pense pas, elle avance pas à pas, jour après jour, apprivoise ceux qu’elle croise, pas forcément pour les faire parler mais pour, sans le conscientiser vraiment, connaître le passé de cette bourgade.

Le lecteur voit que Pedro a été perturbé par des faits qui l’ont marqué à vie, au fer rouge. Il n’est pas fou, mais habité par certaines visions d’horreur de cette guerre civile espagnole qui a fait des ravages. Même les « yeux fermés », les réminiscences et les images défilent. Et il n’est pas le seul, je ne suis pas certaine que les voisins aient mieux vécu tout ça…. Preuve s’il en est besoin, que les cruautés de la guerre détruisent tout sur leur passage.

Y-a-t-il, même des années après, moyen de vivre en paix avec ce qu’on a appris ? Que fera Ariadna de ce qu’elle découvre, de ce qu’elle suppose, de ce qu’elle analyse ? Où est la place du pardon ? Et celle de la vie qui continue ?

Edurne Portela nous offre un texte fort, avec des protagonistes aux personnalités troubles, oscillant entre sincérité, non-dits, mensonges … Son écriture ciselée, son style puissant et porteur de sens, la construction de son roman, tout nous embarque au cœur de la vie de Pueblo Chico, au plus près de ceux qui ont subi le pire avant de se relever avec plus ou moins de difficultés et de souffrances cachées …. Un opus très réussi !

"Irina Nikolaevna" de Paola Capriolo (Irina Nikolaevna o l’arte del romanzo)

 

Irina Nikolaevna (Irina Nikolaevna o l’arte del romanzo)
Auteur : Paola Capriolo
Traduit de l’italien par Audrey Richaud
Éditions : Liana Levi (7 Novembre 2024)
ISBN : 979-1034909933
274 pages

Quatrième de couverture

Un après-midi de septembre 1881, à San Remo, une jeune fille parcourt l’allée qui mène à la villa de Lady Brown, veuve d’un entrepreneur méritant devenu Sir tardivement. Celle-ci recherche une dame de compagnie et Irina Nikolaevna aimerait occuper ce poste. Elle se présente donc en soulignant que, malgré ses nobles origines, elle n’est que la fille illégitime d’un boyard russe. Éblouie par les élégantes manières de la postulante la Lady l’accueille sans hésitation. Désormais, et pendant plus de vingt ans, les deux femmes vont s’inscrire dans la vie étincelante de la Riviera italienne.

Mon avis

Quelle tâche ardue que de chroniquer ce roman délicieux sans l’abîmer tant il est délicat, exquis. Je voudrais, comme l’auteur l’a fait elle-même dans ce récit, trouver les mots à la mesure des émotions ressenties pendant cette lecture. Une lecture, toute en retenue. On rentre sur la pointe des pieds et on ressort de même. Comme si on ne voulait pas déranger ce lien exceptionnel qui se tisse, sous nos yeux, entre ces deux femmes, tellement différentes.

On accompagne, tout au long des deux-cent soixante dix pages, une relation improbable entre Lady Brown, une anglaise, veuve, installée sur la Riviera, et la dame de compagnie qu’elle a choisie. Une jeune femme, se présentant comme la fille illégitime d’un boyard russe, qui a vécu dans le luxe mais ne le peut plus…. Pourquoi l’a-t-elle élue, elle, et pas une autre ? Peut-être parce qu’elle est auréolée d’une part de mystère, se disant obligée de s’éloigner du faste auquel elle est habituée pour des raisons assez obscures qu’elle ne dévoile pas …. Toujours est-il qu’elle l’embauche et que nous allons suivre ces deux femmes pendant vingt ans de 1881 au début du nouveau siècle.

Irina, si toutefois c’est bien son nom, est en deçà et en delà, mystérieuse, d’une intelligente hors norme, caméléon, dotée d’un sens accru de l’observation, s’adaptant avec une facilité déconcertante, non seulement à sa patronne, mais aux voisins, à ce que lui offre la vie. Ils seront plusieurs à essayer de mieux la connaître mais elle répond d’une pirouette et personne ne va plus loin. Elle a une façon innée de nouer des liens, même avec des gens importants, un baron allemand, monsieur Nobel en personne. Veut-elle obtenir quelque chose d’eux ou est-ce simplement de la politesse, de l’intérêt ? Personne ne le sait, ni eux, ni la Lady et encore moins le lecteur (et dirait le narrateur : est-ce que ça le regarde ?).

Pourtant Lady Brown s’interroge, suppose, émet des hypothèses mais elle n’obtient rien d’Irina et elle n’est pas sans avoir compris que si elle insiste, sa compagne disparaitra… et elle lui est devenue indispensable. Pour les conversations, les échanges, le partage, tout en raffinement, respect et écoute.

Finalement, ce personnage assez secret, chacun se l’approprie, bien qu’elle soit totalement imprévisible. Elle le dit, elle a appris les bonnes manières dans les livres (c’est une grande lectrice, c’est sans doute notre seule certitude) mais le reste ?

L’histoire se déroule à Sanremo, où les riches s’installent près de la mer pour respirer le bon air. On se reçoit pour le thé, on discute de tout et de rien, surtout de rien, d’ailleurs… C’est la fin de la Belle-Époque. Les deux comparses, installées elles à demeure, observent ce qui se passe chez les voisins, les allées et venues, les visiteurs plus ou moins énigmatiques…. C’est calme mais parfois un événement bouscule tout.

« Il se passe quelque chose dont ni Lady Brown ni Irina Nikolaevna n’avait jamais fait l’expérience : une danse rythmée, frénétique, convulsive, diabolique, transforme soudainement les murs et le sol en des surfaces élastiques, et dès lors, se propage telle une épidémie foudroyante qui touche tous les meubles robustes de style Chippendale, les saisit, les contraint de se joindre à la ronde en les poussant au centre de la pièce, tout à coup affranchis des lois de la pesanteur. »

Un tremblement de terre et tout est transformé…

J’ai été comblée, conquise, charmée par ce livre dès les premières lignes. J’ai énormément apprécié la description de l’atmosphère, des lieux, des rapports entre les uns et les autres. Moi qui veux toujours tout savoir, tout comprendre, j’ai trouvé très bien de n’avoir que des sous-entendus larvés, aucune certitude, hormis une légère rougeur sur les joues d’Irina (rougeur qui n’est en rien une conviction, je le sais). De plus Paola Capriolo tisse son texte avec des repères historiques réels bien introduits et qui apportent un éclairage intéressant et même un peu de piment (je pense aux rencontres avec Monsieur Nobel) à l’ensemble.

Merci à la traductrice qui a su transcrire cette écriture raffiné, poétique, parfois un tantinet surannée mais absolument enchanteresse.

"Pardon la vie si j'ai survécu" de Christine Chancel

 

Pardon la vie si j’ai survécu
Auteur : Christine Chancel
Éditions : Le Moulin du Gué-Chaumeix (15 Mai 2005)
ISBN : 9782951688193
138 pages

Quatrième de couverture

Des deux premières années de ma vie, je ne sais rien ou presque : « j’ai failli mourir » .
Enfant, je suis déjà une adulte en réduction : je ne dois rien laisser paraître de mes joies ou de mes peines. « Ce n’est pas bien, c’est agaçant ».
Les silences font partie de mon langage. Trop jeune je comprends intellectuellement l’étendue et la complexité du monde « des grands ».

Mon avis

Martine est née en 1949, c’est elle qui se raconte dans ce roman en quatre parties. Son enfance, son adolescence et deux rencontres déterminantes à l’âge adulte.

Une écriture fluide et un regard acéré sur l’existence, sur le quotidien d’une petite fille pas forcément bien accompagnée par des parents maladroits. Quand on dit que l’enfance détermine la suite de la vie, il y a certainement du vrai. Comment se faire confiance, avoir une image positive de soi-même lorsque vous êtes sans cesse dénigré ou rabaissé ? C’est ce qui lui arrive. Ce qu’elle fait ne semble jamais satisfaire sa mère, elle trouve toujours à redire, à critiquer.

Alors Martine s’accroche, elle a, heureusement, une super grand-mère, un parrain exceptionnel et une volonté à toute épreuve. Mais parfois ce n’est pas suffisant. Il lui arrive de faire les mauvais choix pour fuir cette famille étouffante. Que ce soit avec son solex, ou plus tard avec sa petite voiture, elle cherche à vivre sa vie, à se libérer des entraves que lui imposent ses parents.

Je me suis demandée si ces derniers n’avaient pas un peu peur de cette jeune femme que devenait leur fille, une jeune femme qui leur échappait, qui osait…. C’était sans doute difficile pour eux de voir son envie de s’émanciper avec des décisions différentes de ce qu’ils pensaient. Dans les années 60-70, le dialogue n’était pas toujours présent dans les familles et ça n’aidait pas ….

J’ai eu de la peine pour Martine, j’aurais voulu qu’elle trouve la « clé » pour établir de saines discussions avec ses géniteurs, qu’elle soit considérée, comprise ….

On réalise que les choses ont évolué et qu’il y a du mieux maintenant. Sans doute que Martine dérangeait par trop de vivacité, trop d’envie d’indépendance…. Les générations précédentes avaient obéi et filé droit, pourquoi était-elle si différente ?

C’est un récit plaisant où l’on découvre l’évolution d’une fillette au fil des ans, au fil du temps, avec ce qui construit chaque personne : les joies, les peines, les obstacles de la vie, les personnes qui aident quelles que soient les difficultés sans tenir compte du jugement des autres …..

C’est une histoire comme on peut en connaître, où les personnages avancent pas à pas, chacun avec leurs caractères, leurs souhaits d’avenir. Martine se bat avec ses moyens, mais elle ne lâche jamais. Elle a une belle personnalité et quand on ferme la dernière page, on espère pour elle le meilleur…..