La lettre et le peigne
Auteur : Nils Barrellon
Éditions : Jigal (10 Septembre 2016)
ISBN 979-10-92016-84-0
296 pages
Quatrième de couverture
Avril 1945. Anna Schmidt erre dans les rues dévastées de
Berlin à la recherche d’un abri. Janvier 1953. Elle confie à son cousin
Heinrich une mystérieuse lettre qu’elle lui demande de remettre à son fils
Josef si un jour celui-ci se sentait en danger et venait la réclamer. Septembre
2012. La capitaine Hoffer enquête sur l’assassinat d’un gardien du musée
d’Histoire de Berlin. Le mobile du crime semble être le vol d’un peigne
tristement célèbre… Quelques mois plus tard, Jacob Schmidt est sauvagement
agressé en sortant d’un club. En déposant plainte, il croise la capitaine
Hoffer, très intriguée par son histoire. Depuis, Jacob se sent traqué.
Mon avis
Tu seras un homme mon fils !
Dès les premières pages, on se trouve en 1945, en Allemagne,
Anna fuit et cherche un abri. On ne sait pas pourquoi elle est là à errer et ce
qu’elle cherche, peut-être, à oublier…
Quelques pages plus loin, bienvenue dans l’année 2012 avec un vol
surprenant dans un musée… Déjà, on se doute qu’il va y avoir un lien entre les
deux époques mais on se demande comment raccrocher les morceaux. Nils Barrellon
va réussir cela avec précision, doigté, humanisme, accompagné par une écriture
de qualité. Pour les faits du passé, il a, probablement, effectué un travail de
recherche très approfondi et l’atmosphère présentée est, de ce fait, très
réaliste. Pour les autres années (car il n’y a pas seulement les deux que j’ai
évoquées), tout est mis en place dès les premières lignes de chaque chapitre
(introduit par la date) pour qu’on sache très vite le lieu et quels sont les
personnages qui s’expriment. A la
manière d’un gigantesque puzzle, il va reconstituer l’histoire d’une famille.
Parfois, une même situation est vue par plusieurs protagonistes, offrant ainsi
des approches variées.
Anna est une femme mystérieuse que l’on découvre petit à
petit. A sa façon, elle est intègre et elle laisse, pour son fils, une trace de
son lourd secret. Bien plus tard, Jacob, jeune musicien fougueux se retrouve
confrontée à une agression qui le déstabilise et il fait le choix de comprendre
ce qui a pu provoquer cette offensive
contre lui. C’est un chemin douloureux qui va s’ouvrir à lui, avec des choix
difficiles à faire. Mais il est opiniâtre, volontaire, droit et il ne peut pas
vivre avec des questions sans réponse.
Alors, parfois fougueusement, parfois méticuleusement, il va progresser,
avancer jusqu’à une révélation finale qu’il sera obligé d’intégrer car faisant
partie de sa destinée.
Je pense qu’il est ambitieux d’écrire des romans où se
mêlent les dates, les endroits car la moindre erreur « de tempo » peut
se payer cash. Je ne sais pas comment l’auteur a construit son récit. Avait-il
un gigantesque « arbre » avec tous les tenants et aboutissants et des
notes sur chacun afin d’éviter de se tromper ? En tout cas, c’est
remarquablement huilé, tout s’imbrique, par bribes, à merveille. Le rythme est
soutenu, l’alternance des points de vue enrichit le texte et les individus sont
bien intégrés au fil du temps. Bien sûr, il y a de « méchants
espions » (un peu « lourds », bien fait pour eux s’ils leur
arrivent des bricoles) et des gentils. Mais si on garde une vue d’ensemble, ce
côté manichéen est quand même à sa place. L’approche psychologique des hommes
et des femmes est amenée intelligemment, petit à petit. J’ai apprécié l’évolution
de la capitaine Hoffer et celle de Jacob qui m’a semblé « grandi »
par ses prospections.
Une fois encore, si besoin est, cet opus nous rappelle
combien le passé nous colle à la peau, combien il est difficile de vivre
lorsqu’on découvre des zones d’ombre dans nos antécédents, combien chaque homme
place haut l’exigence de la transparence et l’oubli des non-dits dans les
familles. Certains diront que toute vérité n’est pas bonne à dire, que de temps
à autre, il vaut mieux se taire…. Je ne crois pas que Jacob aurait pu continuer
à vivre s’il n’avait pas su (malgré le « prix » à payer). Je dirai qu’il avait la nécessité de connaître
la vérité, non édulcorée, pour « être entier » dans le sens où une
personnalité ne peut s’accomplir correctement s’il lui « manque des
morceaux ». A la manière de ce polar, Jacob s’est bâti sous nos yeux,
devenant de pages en pages, un être capable de discernement, de rébellion
clairvoyante et aimant la vie par-dessous tout.
Encore un auteur à suivre chez Jigal, et une envie furieuse
de mieux le connaître en lisant ses autres titres !
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